Qui es-tu ? : Immortel usé de 610 ans • Torturé et incisif, sentimental et indiscipliné • A grandi dans les traditions de l'Est et parcouru une partie du monde • Musicien virtuose • Libertaire dans l'âme • Sire d'Elinor Lanuit • Déclaré mort en 1895, il réapparait seulement aujourd'hui • En marge du monde moderne
Facultés : • Voie du sang : Niveau 4-1
Goûteur de sang professionnel. Source de vie et de puissance pour lui-même et ses congénères, il sait le sonder, le manipuler et le sublimer. Attention, il lui arrive de le voler...
• Présence : Niveau 1-4
Sait attirer l'attention sur lui et forcer l'adhésion
• Voile cendré : Niveau 1-1
Perçoit naturellement brièvement les esprits, mais s'il concentre son sang, c'est l'intégralité du plan semi-astral qui se révèle à lui
La scène surplombait légèrement une salle de type cabaret. Plusieurs personnes regardaient le spectacle et semblaient apprécier. Les lumières étaient tamisées pour offrir une atmosphère feutrée. Ils étaient même allés imiter au mur des pierres de taille, simulant l’effet vieille cave. Hum si seulement c’était suffisant. Car c’était bien le souci quand la musique se transformait en art de vivre et touchait toutes les populations : la médiocrité s’immisçait et il ne suffisait pas d’entrer dans un club au hasard pour prendre son pied. Une erreur de débutant pour une oreille pourtant exigeante.
- Monsieur, je peux vous servir quelque chose ?
Parce qu’il ne voulait pas s’asseoir à l’une des tables, Jean s’était approché du bar rapidement après son entrée. Son regard passa sur les différentes bouteilles exposées derrière le barman. Elles affichaient toutes des degrés d’alcool élevées, sans surprise. C’était certainement indispensable pour compenser la soupe qui se jouait en même temps dans l’établissement. Il n’eut cependant pas le temps de répondre que le saxophone partit dans un solo… décapant. Le vampire ne retint pas un froncement de sourcils.
- Je crois que je ne vais pas rester, répondit-il en étirant ses lèvres dans une moue aussi désabusée que navrée. Il marqua un temps d’arrêt, tapotant son index et son majeur sur ses lèvres avant de demander. Je suis nouveau en ville. Entre nous, vous ne sauriez pas me conseiller un endroit où on peut écouter du vrai Jazz ? Du moins de qualité. Le type le regarda en haussant les sourcils. Son regard coula vers la scène et il lâcha un soupir de convenance. Il fallait vraiment ne pas être érudit pour trouver ça fameux. - Vous jouez ? Jean haussa une épaule. Oui, non, qui savait ?
Ce fut ainsi qu’il se glissa peu après dans un taxi pour rejoindre un quartier au sud du centre historique. Parce qu’il vivait sans GPS et qu’il n’avait mis les pieds dans cette ville que depuis deux nuits. Des néons lumineux éclairaient la façade du bâtiment et affichaient « Rising Sun ». Un nom décalé alors que la nuit devrait restée opaque encore quelques heures. Peut-être annonçait-il de la musique jusqu’à l’aube ? Jean pénétra alors dans le club qui lui avait été conseillé. Plus authentique, lui avait-on dit. C’était un haut lieu du Jam, où des habitués aimaient improviser ensemble. Quelques petites célébrités locales s’y rendaient régulièrement. Qu’avait-il à perdre ? Ce n’était comme si ses nuits étaient terriblement précieuses. Puis il ressentait ce besoin oppressant de se changer les idées.
Il serait trompeur d’affirmer que le mélomane qu’il restait se trouva immédiatement happé par les sons qu’il découvrit alors. Oh il connaissait évidemment le Jazz, il n’avait pas pu passer complètement à côté ces dernières années, mais il n'en avait jamais fait une spécialité. Il savait néanmoins reconnaitre la justesse des notes, la qualité du swing, la technicité des artistes. Il pouvait même s’en satisfaire. Il s’installa alors dans un coin de la salle, observant et écoutant les acteurs de cette soirée opérer. Se laissant aussi progressivement emporter, alors que la salle se vidait.
Boeuf carottes Rising Sun Bar, Automne 2021 ft. Papy Jean
L
’orchestre. Direction, écriture, arrangement, organisation. Tu aimes ce que tu fais, c’est indéniable, mais tu arrives tout doucement à un point de saturation. Derrière ce projet, c’est une quête de perfection perpétuelle et elle est aussi frustrante qu’elle est gratifiante. A chaque nouveau jour, chaque nouvelle répétition, chaque nouvel arrangement, la question revient en boucle : le chef d’œuvre est-il à portée ? Te démènes-tu pour un idéal impossible à atteindre, ou es-tu capable d’aller confronter le beau à force de travail ? Voilà maintenant des années que tu te considères comme une artiste et que tu composes ta propre musique, mais tu ne t’es jamais sentie perdue quant à la raison même de ton art tout en la touchant presque du doigt jour après jour, nuit après nuit. La réponse demeure insaisissable, et après tout n’existe peut-être même pas. Quoi qu’il en soit, tu as besoin de prendre un peu de recul et de renouer avec un pan de ta pratique délaissé depuis trop longtemps à ton goût : l’improvisation. Fondement absolu du jazz, finalement, à la base de toute la culture que tu t’es construite petit à petit, seule dans ton coin avec tes disques volés.
Le lourd soleil d’automne est tombé depuis quelques longues minutes déjà lorsque tu quittes le luxueux pavillon de ta marraine après lui avoir souhaité une bonne nuit. Tu ne vis pas chez elle en permanence, mais régulièrement tu apprécies le calme féroce de ses murs lorsqu’il s’agit de te devoir particulièrement te concentrer. Le silence imperturbable des salons surannés, des bibliothèques somptueuses et antichambres gothiques te permet de projeter la musique contre les murs et de la recevoir sans la moindre interférence. Le néon du Rising Sun se dévoile à toi peu après neuf heures et demie. Le bouge fait partie de tes endroits préférés en ville, une enclave depuis toujours hospitalière dans un monde terriblement hostile. Ici, tu peux être aussi taciturne que tu veux, on ne t’en tiendra jamais rigueur. Ici, les gens ont fini par apprendre à te connaître, savoir ce qu’ils peuvent attendre de toi et ce sur quoi ils peuvent s’asseoir. Etrangement, ici, tu ne t’es jamais sentie jugée, et ç’a été déterminant pour toi de te rendre compte qu’il existe des endroits où il est possible de se délester du fardeau du regard des autres. Parce qu’ici, c’est un repère de passionnés aveugles qui n’ont d’oreille que pour la musique qui se veut une fenêtre sur l’âme.
La soirée ne répond pas à un événement particulier, et l’affluence du bar s’en trouve modeste, rendant son atmosphère particulièrement intimiste. Tu connais le chemin jusqu’à la scène par cœur, pour l’avoir pratiqué des dizaines de fois. Quelques habitués s’y échauffent déjà, des têtes connues qui te saluent d’un simple signe de menton. Agilement, tu prends place devant le piano de scène électrique rouge qui t’avait tendrement manqué ; tu en caresses les touches du bout des doigts avant d’en presser quelques-unes, laissant résonner un accord délicat. Tu avises avec expertise le large panel de commutateurs et autres boutons et commences à les manipuler pour tailler dans l’électronique le son que tu cherches. Un instant, tu prends le temps de fermer les yeux pour évaluer le résultats, d’abord en répétant la même note quelques fois puis en laissant ta mémoire musculaire enchaîner sur quelques accords convolués. C’est bien. Satisfaisant. Epanouissant, presque. Alors débute le bœuf. Quatre musiciens partis à l’aventure sans encore savoir où ni pourquoi. Toutes ces réponses se trouveront sur le chemin, c’est d’ailleurs pour cela que vous vous y êtes engagés. Quelques timides accords de piano dessinent un paysage au loin ; la rondeur de la basse vous donne une terre à fouler, le timbre du saxophone un temps à braver et la batterie, une cadence à laquelle avancer. Peu à peu, dans le confort feutré du Rising Sun, le décor se met en place et mue sous l’influence de vos mélodies. Pour toi qui d’ordinaire souris aussi peu que tu ne parles, ces sessions sont des capsules en dehors du temps qui ne reconnaîssent ni passé ni futur dans lesquelles tu te permets de révéler tes émotions sans masque. De temps en temps, un rire sincère, ou un bond de ta banquette que tu n’auras pas réussi à retenir : l’improvisation fait de toi une tout autre personne. Une personne sûre d’elle, ouverte et à l’écoute, ce qui contraste cruellement avec celle que tu étais et redeviendras en posant le pieds en dehors de la scène ; mais le plus important, une personne intéressante, unique, exceptionnelle.
Pendant trois heures vous jouerez sans vous soucier de rien d’autre que de l’humble estrade sur laquelle vous vous êtes retrouvés. Les tables se sont vidées depuis longtemps maintenant, et ne restent plus qu’une poignée de badauds qui n’ont pas à se réveiller pour aller au travail le lendemain matin. Toi, tu meures de soif, à présent. Véritablement essoufflée par cette performance éphémère, tu prends quelques secondes après le silence pour te remettre de toutes les émotions parcourues et retrouver, un peu avec regret, la terre ferme. Un bref coup d’œil au comptoir t’apprend qu’aucun tabouret n’y est complètement isolé et que si tu veux commander, tu vas devoir au moins choisir un voisin. La décision est vite prise : extrémité du bar pour ne pas te trouver prise en tenaille, et donc forcément à côté du quarantenaire discret. Le barman t’adresse un salut de la tête lorsque tu t’installes. « ‘soir Heidi. Ca faisait longtemps. » Tu hoches la tête en rattachant nonchalamment tes cheveux blonds en un chignon grossier. « J’étais occupée. » Tu hausses les épaules sous ton col roulé noir, et au-dessus de tes cernes mauves, tes yeux se fixent enfin quelques secondes sur l’employé. Il fixe en retour le visage morne et pâle de celle qui fuit la lumière du jour par un principe décidé il y a plus de dix ans de cela. « Je te sers pareil que d’habitude ? » Une limonade, ta boisson de choix depuis ton sevrage. Tu acquiesces d’un signe de tête muet ; tu es la seule dont il a retenu les habitudes, ce qui devrait te mettre une certaine puce à l’oreille s’il ne t’intéressait pas aussi peu. « C’est la maison qui offre. » Et par la maison, il veut dire lui.
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Jean Delaube
You shall be a restless wanderer
DANS LE NOIR
En un mot : Lalalalaaa
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Goûteur de sang professionnel. Source de vie et de puissance pour lui-même et ses congénères, il sait le sonder, le manipuler et le sublimer. Attention, il lui arrive de le voler...
• Présence : Niveau 1-4
Sait attirer l'attention sur lui et forcer l'adhésion
• Voile cendré : Niveau 1-1
Perçoit naturellement brièvement les esprits, mais s'il concentre son sang, c'est l'intégralité du plan semi-astral qui se révèle à lui
Une bonne heure avait filé quand les musiciens firent un break. Qui savait depuis combien de temps ils jouaient ? Des applaudissements timides accompagnèrent leur sortie de scène. Jean frappa trois fois dans ses mains.
- Ils sont bons, pas vrai ? Commenta le serveur presque pour lui-même, tout en essuyant un verre. Son regard suivit la silhouette de la pianiste qui avançait vers eux. Le vampire lui répondit par une moue approbatrice. Le niveau était intéressant, effectivement. Il ne s’était pas ennuyé du moins, c’était certainement révélateur. Il était resté concentré sur les notes et avait aussi réussi à ne pas laisser son esprit vagabonder. Bon point.
Il posa ainsi brièvement ses yeux sur la blonde, quand cette dernière vint se caler sur le tabouret près du sien. Il détourna cependant le regard pour retrouver la scène et les instruments qui s’y trouvaient. Seul le batteur était déjà retourné à sa place et recommença à effleurer ses différentes caisses de ses baguettes. Il n’en avait pas encore eu assez. La soirée ne s’arrêterait de toute évidence pas là. Jean sentait le bout des doigts qui le démangeait. Écouter toute cette musique lui donnait des envies. Puis il n’avait pas touché un piano depuis qu’il avait quitté son pays. Ça ne faisait pas tant de temps. Toujours un peu trop tout de même.
- Oh la maison est généreuse. Jean se retourna subitement vers le barman qui faisait son numéro de charme à la musicienne. Il n’avait pu qu’entendre leur banale conversation. Il haussa légèrement ses sourcils, interrogateur. Ça ne fonctionne que pour les musiciens ? Ou la maison est seulement sensible aux jeunes demoiselles ? Ses lèvres s’étirèrent en un sourire narquois. Il jeta une œillade vers la jeune femme. Il ne jouerait pas les gros lourds à son tour et changea immédiatement de sujet, balayant la gêne du bonhomme. Car non la boisson gratuite ne l’intéressait pas réellement. On peut participer ? Poursuivit-il ainsi en pointant de l’index la direction de la scène. Juste une chauffe.
Son regard s’ancra brièvement sur l’homme, puis sa voisine. Si le club voulait garder un certain standing, il ne pouvait sciemment par laisser n’importe quel étranger très motivé jouer. Mais la soirée était déjà bien avancée, qui cela dérangerait ? Puis l’immortel dégageait cette assurance à laquelle il était difficile de résister. Il fit un sourire en guise de remerciement et commença à se relever. Son doigt vint cependant tapoter le bar.
- Un conseil : acoustique le piano, par contre. Toujours.
Sans vouloir offenser, il se devait de le mentionner. Il n’était pas un adepte de l’électronique, son ouïe affutée percevait la réelle différence. Son index se dressa alors et il força un sourire, avant de s’éloigner. Sans se retourner, il se glissa alors entre les tables. Il salua simplement le batteur, qui l’invita dans un sourire à prendre place derrière le clavier. Jean ne se fit pas prier. Il regarda les réglages qu’avait effectués la jeune femme avant lui, appuya sur quelques boutons pour espérer retrouver quelque chose de plus familier. Quelqu'un vint gracieusement l'aider, le vampire le remercia et ses doigts caressèrent un instant les touches.
- Prêt ? Lança l’homme derrière sa batterie. Jean leva les yeux vers lui, finalement satisfait, et hocha la tête. Il se mit alors à jouer une harmonie classique du répertoire Jazz. Rien de particulièrement complexe, des sonorités mille fois entendues. Une base. Sa chauffe comme il le disait.
Boeuf carottes Rising Sun Bar, Automne 2021 ft. Papy Jean
E
n quelques secondes à peine, un dessous de verre estampillé du logo d’une mauvaise marque de bière glisse sur le bois verni du bar jusque devant toi. Peu après s’y abat un verre rempli de glaçons et orné d’une tranche de citron vert. Le crépitement des bulles de la limonade qu’on y verse provoque une légère vague de fourmillement le long de tes cervicales tandis que tu fermes lourdement les yeux pour l’apprécier. Quel état particulier que celui de la longue redescente du nuage ; une véritable ivresse solitaire. Tu portes le verre à tes lèvres lorsque l’homme qui jouxte ton tabouret intervient dans votre semblant de conversation. Enfin, c’était surtout un monologue du serveur, mais qui n’avait pas l’air de lui être adressé. Il y a une année, peut-être un peu plus maintenant, la remarque aurait été pour un accord tacite à être emmerdé. Tu aurais fait semblant de t’offusquer alors que tu n’as strictement rien à faire de la pseudo confidentialité de ton échange dans le seul but de provoquer une rixe. Bon, peut-être pas ici, certes, mais tu te serais fait un malin plaisir d’être odieuse. Pas que ça t’amusait, mais c’était le mieux que tu avais trouvé pour te sentir vivre. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, et ton corps auparavant clairsemé d’hématomes colorés comme une toile contemporaine t’en remercie sincèrement. Fort heureusement pour le jeune homme engoncé dans sa chemise noire dont le visage avait déjà tourné pivoine, à la fois de honte, de colère et d’un flagrant manque de répartie, tu es encore trop perchée pour prendre la mesure des implications du fauteur de trouble. Il faut dire que depuis maintenant quelques mois, ton cœur n’appartient plus qu’à une seule personne et tu n’arrives même pas à envisager quoi que ce soit d’autre te concernant. Oh, ce ne sont encore que des sentiments de placard, mais ce sont les seuls que tu tolères dorénavant.
« On est dans un pays libre, tu fais ce que tu veux mec. » Pas bien sûre d’à qui de toi ou du barman l’inconnu s’adressait, tu prends l’initiative de lui répondre en haussant nonchalamment les épaules. C’est une jam, après tout, pas un concert privé. Chacun a le droit de monter sur scène et de s’accaparer un peu de lumière tant que les autres veulent bien jouer avec lui. Son ultime remarque te fait cependant hausser un sourcil dans un claquement de langue très clairement désapprobateur. Sans même avoir à y réfléchir, un essai entier te vient en tête sur à quel point ce type a tort. Il n’y a rien de pire qu’un piano désaccordé, ou simplement de mauvaise qualité. Autant à jouer qu’à écouter. Et puis, le clavier de la scène est un véritable bijou de technologie. Tu ne comprends pas vraiment en détail comment les circuits fonctionnent, mais la quantité de sons que le synthétiseur est capable de produire est vertigineuse ; ce serait une grave erreur que de s’en priver par puritanisme et culte dogmatique de l’acoustique, sans parler de la pléiade d’effets à simple portée de bouton. Et puis, surtout : la molette de pitch. Pour toi qui as construit ton vocabulaire à partir des envolées suaves de la trompette, c’est un moyen d’expression inestimable sur un clavier. « N’importe quoi, » soupires-tu entre tes dents. Le monologue intérieur pourrait se poursuivre encore longtemps, mais le quarantenaire se lève pour répondre à son envie de se chauffer. Sous ton regard critique et à peine irrité, il prend place sur la banquette encore chaude et la musique reprend. Avec un peu de chance, il s’apercevra de son erreur en découvrant le confort de jeu du clavier numérique.
Finalement, tu te retournes vers le serveur qui de son côté a peiné à reprendre une teinte normale. « Tu sais qui c’est, ce type ? » lui lances-tu avec un grain de sel sur le bout de la langue. Il hausse les épaules pour paraître faussement relaxé. « Aucune idée, je l’avais jamais vu avant ce soir. » Y voyant une occasion de se faire bien voir, il s’empresse de rajouter quelques mots destinés à flatter ton égo. « Il joue vachement moins bien que toi en plus, ce boomer ! » Dommage pour lui, ce n’est pas vraiment comme ça qu’il réussira à nouer le moindre lien avec toi. D’un geste agacé de la main, tu dissipes froidement tous ses espoirs sans même te rendre compte de leur existence. « Mais c’est pas qu’il joue spécialement mal… c’est juste… » Une grimace franche trahit ton sentiment immédiat à l’égard de cet espèce de rival improvisé alors que tu cherches tes mots. « Vide ? Impersonnel. » Une maxime qui régit ta vie depuis bien longtemps est que si tu n’as rien à dire, ne dis rien. Cela devrait s’appliquer aux mots comme à la musique.
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Jean Delaube
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DANS LE NOIR
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Goûteur de sang professionnel. Source de vie et de puissance pour lui-même et ses congénères, il sait le sonder, le manipuler et le sublimer. Attention, il lui arrive de le voler...
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On pouvait le dire : cette mise en route était particulièrement ennuyeuse. Barry - de son prénom - assis derrière sa batterie, se fit aussi certainement la réflexion, car après presque cinq longues minutes, il prit l’initiative de lâcher un peu les décibels et s’agita davantage sur ses toms et ses cymbales. Jean, de son côté, prenait possession du clavier et du style, sans se presser. Il accompagna ainsi ce partenaire étranger avec discrétion, son regard évaluant en même temps l’instrument d’un rouge intéressant. Les touches étaient effectivement agréables au toucher, plus souples que sur un piano ordinaire, mais le son restait définitivement trop synthétique à ses oreilles. C'était néanmoins subtil alors il s’efforça d’en faire abstraction.
Le batteur ralentit finalement, terminant son solo. Comme l’immortel, il leva ses yeux vers un troisième homme qui s’était approché et glissait la bandoulière de son saxophone autour de son cou pour se joindre au bœuf. La musique s’arrondit alors, prit plus de corps et le swing se dessina davantage. Jean restait très conventionnel, mais moins passif. Il avait la tête relevée, prenait de la confiance et ses partenaires davantage de plaisir aussi. Le saxophone eut alors à son tour son moment de gloire. Puis le piano prit finalement le relai. Crescendo. Jean enchaina quelques harmonies souvent simples, parfois plus sophistiquées. Il s’amusa d’ailleurs, à un moment, à reproduire à la lettre l’un des enchainements les plus mémorables que la blonde avait joué précédemment. Le remarqua-t-elle ? Ils jouèrent ainsi un moment, ne s’accordant finalement pas si mal ensemble. C’était la première fois que le vampire partageait une scène de cette manière. Rester en retrait lui procurait une sincère frustration, mais le partage était un concept qui semblait compenser. Oui, il pourrait y prendre du goût à terme, qui savait ?
Ils s’accordaient depuis une vingtaine de minutes, quand Jean ne résista pas davantage. Ce fut plus fort que lui, l’exercice le lassa et il s’emballa. Un bref instant, trois minutes tout au plus, à peine davantage, l’immortel laissa ses doigts parcourir le clavier, sans filtre, entrainés par trois cents ans de musique. Ce n’était plus tout à fait du Jazz, ce n’était pas vraiment non plus autre chose. Il partait loin de la Louisiane, y revenait, repartait, encore. C’était simplement hors norme. L’improvisation pure. L’inspiration de l’instant. Ses co-musiciens échangèrent un regard un peu perdu, les yeux arrondis, en essayant de le suivre. Mais le pianiste retombait toujours sur leur tempo. Il referma cependant rapidement cette parenthèse en se canalisant pour revenir à des sonorités plus standards. Plus fades en son sens également.
- Pardon, je me suis égaré, glissa-t-il à ses voisins, sur la musique, en affichant un sourire franc. Puis il termina son solo avec simplicité de nouveau juste avant de s’arrêter. L’expérience était amusante, mais le Jazz n’était pas son élément et il lui mettait trop de brides. Ça suffirait donc pour aujourd’hui. Messieurs, ce fut un honneur, affirma-t-il, de manière un peu pompeuse ou tout du moins désuète, en inclinant la tête avec révérence après s'être levé.
Il laissa ainsi la chaise vacante, déplissant d’un mouvement de la main son costume aux reflets violets, en quittant la scène.
Boeuf carottes Rising Sun Bar, Automne 2021 ft. Papy Jean
I
l va bientôt être l’heure de partir pour toi ; juste le temps de finir ton verre tout en te forçant à ne pas le descendre d’une traite pour combattre la mauvaise habitude. Ca a beau n’être qu’une limonade, le geste reste le même et tu ne connais que trop bien le frisson coupable de boire pour boire. C’est une sensation dont tu veux absolument te laver du souvenir. C’est peut-être vain, mais tu as besoin de croire qu’à force d’y penser, tu finiras par ne plus le faire. Heureusement pour toi, et pour lui aussi, le barman a été rappelé par son devoir et ainsi, a migré à l’autre bout du comptoir. Laissant s’échapper un long soupir, tu poses ton coude sur le bois et ton menton sur ta paume. Quelque part, ce type avait réussi à te vexer rien qu’en critiquant ton son de clavier. Sa réflexion était vicieuse et d’une prétention tout à fait mal venue en considérant ce qu’il a proposé jusque-là derrière un instrument. Non, la musique n’est pas une compétition, mais elle nécessite d’être maîtrisée avant de pouvoir prétendre la critiquer. Or, ce type osseux en costume daté n'a pas justifié de ses compétences.
Tu commençais à peine à chercher oublier son affront au moment où son insolence crasse t’a fait l’effet d’une tape derrière la tête, comme si son sourire séditieux pourtant à peine entrevu revenait te hanter et te dire qu’il n’a rien à te prouver avec un air outrageusement paternaliste. C’est de la provoque, purement et simple, et c’est peut-être la première fois que tu te sens aussi froissée par quelque chose d’aussi anodin. Le fait qu’il ait repiqué ta cadence montre bien que c’est un musicien talentueux, mais ce n’en est que bien plus frustrant. Qu’il vienne se défendre, au lieu de narguer. Qu’il s’exprime, à la fin. Merde. Le serveur finit par revenir au bout d’un temps dont tu n’as pas vraiment conscience, étant à moitié en train d’écouter les musiciens et de dérouler tout un argumentaire solitaire dans le tribunal de ton esprit. C’est une note de piano te fait relever les yeux instantanément. Une unique note pour attraper ton attention, une note qui ne pouvait être une erreur en entendant la manière dont elle a été jouée. Ca y est, il a ton attention. Tu fronces les sourcils, maintenant dans un état de concentration presque palpable, prête à recevoir cette suite qui se devait d’être jouée. « Heidi, je te res- » la voix de ton prétendant tranche cruellement avec les mélodies enfin singulières qui proviennent de la sonorisation. Elle est coupée sèchement par la tienne avant même la fin de sa phrase. « Mais boucle-la Garte, pour l’amour du ciel.. ! » Un murmure agressifs, belliqueux même tandis que tu ne lui adresses pas un regard. Toute ton attention est focalisée sur la performance de l’inconnu qui enfin révèle un visage authentique. C’est étrange, mauvais, familier, brillant. Et c’est fini. A peine trop court pour se faire comprendre, tu gardes sur la langue un goût terrible d’inachevé, d’autant plus devant la manière terriblement convenue dont son chorus s’est achevé.
Et ainsi, l’homme fait mine de s’en aller. Il sera resté anonyme jusqu’au bout, et il te donne le sentiment d’être une ombre qui ne réapparaîtra jamais, phénomène insaisissable, un feu follet musical. Et c’est hors de question pour toi, il en va de ton égo. Il s’est joué de toi, et c’est à ton tour de répondre. En te rendant compte qu’il ne rejoindrait pas sa place, tu te précipites derrière le clavier sans autre forme de considération que celle de lui prouver que tu es son égale. Alors, tes doigts agiles effleurent à nouveau les touches bicolores et, comme sil elles avaient encore en mémoire les harmonies de l’anonyme, tu les caresses pour leur faire répéter la fin de son solo. Or, la suite que tu lui apportes est loin de la fadeur qu’il a délivré incompréhensiblement. Tu y apportes tes propres harmonies, tes propres mélodies tendrement torturées et tes rythmes à la logique inextricable. C’est un vocabulaire différent, résolument moderne qui comprend les codes pour les détourner avec une impudence terriblement délicate. Ta propre conclusion est quant à elle bien plus audacieuse : quelques mesures d’une cadence volée au Sire d’Elinor sur l’une de ses partitions manuscrites dont tu as savamment bouleversé l’harmonie pour faire entendre sans détour ta personnalité aux côtés de celle d’un homme dont tu n’as entendu que les fables.
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Jean avait quitté la scène et ne comptait pas spécialement s’attarder au Rising Sun. N’avait-il pas fait le tour de ce que cette nuit avait à lui proposer ? Il avait déjà oublié la blonde et se glissait ainsi entre les tables pour rejoindre la sortie quand de nouvelles notes s’échappèrent du piano. Dessinant un passage de son envolée précédente. Le vampire se stoppa. L’un de ses sourcils se dressa alors qu’un léger rictus s’affichait sur son visage. Il tourna alors son corps au ralenti pour aviser la scène. Son regard croisa celui de Barry, puis du saxophoniste, qui paraissaient attendre sa réaction. Car le message n’était pas subtil et il lui était personnellement destiné.
Heidi poursuivit sur sa lancée, poussant son improvisation vers des contrées nettement plus hardies que sa prestation précédente, dans un style tout personnel. L’influence du Jazz s’entendait toujours mais elle osait aller plus loin, s’affranchissant à son tour d’une partie des codes. Elle jouait seule et le français resta l’écouter, debout, immobile. Il y avait de l’idée, de la fraicheur. De la Musique aussi, surtout. Ce n’était pas mal du tout. Si elle était restée là-dessus, il aurait applaudi et serait certainement tout de même parti. Simplement satisfait d’avoir amené cette artiste à pousser ce soir davantage ses limites. Mais la jeune femme déroula son final et cette conclusion interpela véritablement le vieux musicien qu’il était. C’était dans la cassure du rythme, dans la folie des accords. Il y avait quelque chose d’imprudent et à la fois résolu. Une audace oui, qu’il n’avait que rarement eu le loisir de trouver chez d’autres.
- Reprends. Continue.
Quand elle arrêta de jouer, l’immortel s’était approché et se tenait tout près. Leurs regards se croisèrent et si elle avait eu envie de l’envoyer bouler, elle ne le put pas, sous l’influence de sa Présence. Il voulait voir si ce n’était pas qu’une parade. Un morceau difficile appris par cœur dont elle ne saurait pas se détacher. Il voulait voir jusqu’où elle pouvait aller. Heidi joua encore ainsi, sous l’œil scrutateur et l’oreille attentive du français, dans cette salle plongée dans un silence semi-religieux. Personne n’osait plus bouger.
- Tu joues depuis combien de temps ? Lui demanda-t-il alors de but en blanc, sans lâcher son emprise, quand elle termina de nouveau. Il savait que le talent n’avait pas toujours de lien avec l’intensité de la pratique, mais la réponse de la jeune femme le surprit tout de même. Elle était anormalement habile pour si peu d’expérience. Je vois. Tu joues quoi d’autre ? Comme instrument.
Car il y avait nécessairement pour lui au moins un autre instrument. Elle avait un bon niveau au piano, du moins dans son registre, mais elle ne serait pas arrivée à ce résultat sans un travail préalable. Pas à cette conclusion grisante qu’elle avait jouée. Et il était honnêtement très curieux de découvrir ce qu’elle savait faire avec un instrument avec lequel elle pouvait se sentir encore plus à l’aise.
- Tu l’as là ? Tu me ferais écouter ? Il n’exerçait alors plus son don, ni son influence. Elle était libre de son choix. Si elle acceptait, il reprendrait place au piano pour l'accompagner.
Boeuf carottes Rising Sun Bar, Automne 2021 ft. Papy Jean
Q
uel plaisir. Quel *putain* de plaisir. Voir ce type imbu de lui-même et si sûr de lui se figer alors que tu le prends à son propre jeu, littéralement. Il n’y a longtemps jamais eu rien de plus satisfaisant pour toi que de prouver à un con qu’il a tort. Peu importe le prix à payer ensuite, d’ailleurs. Cette obsession du dernier mot, c’était un moyen d’exister alors que le monde semblait vouloir te broyer. C’est resté, depuis, comme une part intégrante et inaliénable de ta personnalité, le paradoxe d’une confiance en toi atrophié par des années d’assauts quotidiens et d’un égo sans commune mesure né d’une volonté pure de ne pas te noyer. Vos regards se croisent et s’accrochent, maintenant livrés à un duel tacite qui a plongé le reste du bar dans un silence cérémonial. Impossible pour toi de les détourner un seul instant, si ce n’est pour diriger tes doigts agiles sur le clavier ; ce serait un aveu de faiblesse que tu n’es pas prête à commettre. Il y a longtemps que tes cernes n’avaient pas souligné un regard aussi narquois, affûté, prédateur. A peine assise sur la banquette, tu te sens féline prête à défendre ton territoire devant l’envahisseur qui se rapproche silencieusement. Tu en as presque la chair de poule.
Finalement, l’anonyme arrive à ton niveau et te fait face. Tu ne veux surtout pas qu’il te surplombe, alors tu te lèves de ton siège sans que tes mains ne quittent le faux ivoire des touches pour mettre vos regards sur le même horizon. Tu pourrais lui reprocher bien des choses, à cet inconnu, mais pas de ne pas comprendre la musique. Oh, tu étais tentée de simplement t’arrêter de jouer là, maintenant, mais le frisson exaltant de l’Art avec un grand A réclame de te posséder encore plus. Alors, tu recommences à jouer, à écraser avec une délicatesse infinie les touches. Habitée par un esprit virtuose, tu n’es plus capable de garder ton flegme et par moment tu grimaces sous l’influence de tes propres mélodies. « Deux ans, » réponds-tu en plaquant brutalement un accord qui tremblera tout le long de tes bras jusque dans tes épaules et ta poitrine. Tu te mords rapidement ensuite la lèvre inférieure tandis que tu brises cette nouvelle harmonie par une autre dans un rythme effréné. Ton apprentissage du piano a commencé concrètement lorsque tu as pu t’offrir un clavier digne de ce nom sur lequel t’exercer des heures durant tous les jours sans exception.
Tu n’es pas douée pour beaucoup de choses. Les rapports humains ont toujours été un mystère insoluble, tu n’as jamais été une élève brillante à l’école, tu n’es pas non plus une athlète hors pair ou une combattante si redoutable que cela. En revanche, tu as toujours eu un véritable don pour la musique ; c’est peut-être ton cerveau qui a toujours été branché pour cela, ou bien à cause de l’énergie phénoménale avec laquelle tu as plongé dans cet univers, mais dès lors que ton parcours a commencé, tous les concepts que tu apprenais s’imposaient d’eux-mêmes avec une logique implacable. La rigueur quasi-militaire que tu t’imposais avec une avidité toujours croissante a fini par te rendre virtuose comme s’il ne pouvait tout simplement pas en être autrement. « De la trompette. » Puisque c’est sa question : l’instrument que tu as apprivoisé en premier, celui avec lequel tu es si à l’aise qu’il est pour toi une seconde voix. Tous les muscles de ton dos sont douloureusement contractés sous l’intensité incontrôlable de ton jeu au moment où tu t’arrêtes enfin et que ta respiration haletante fouette le visage de l’homme à quelques centimètres du tien. Religieux est devenu le silence qui s’est imposé avec gravité dans la salle. Le moindre souffle semble comme pendu à tes propres lèvres, à cette goutte de sueur qui a d’abord perlé sur ton front et a glissé jusqu’à ton menton. Ton regard de jade, d’une intensité rare, est toujours plongé au fond des yeux mouvants de l'inconnu. Après des secondes paraissant des heures, tu finis par cligner. Ton palpitant se serre du sentiment du travail accompli : tu as prouvé ta valeur, sans même te souvenir de pourquoi tu le désirais tant. Dans les pupilles du pianiste se concentraient toutes les raisons de le faire.
Épuisée. Tu te sens épuisée, et pourtant tu finis par hocher la tête, une fois, sobrement. Le crissement du tabouret que tu repousses derrière toi est le seul son qui brise le silence pendant que tu t’éloignes enfin tu clavier. Ta mallette est posée non loin, amenée au cas où le piano serait déjà occupé. Tu dévoiles en l’ouvrant le velours rouge qui protège ton bien le plus précieux, et tu te saisis solennellement de ta trompette aux reflets d’argent. Tu la portes à tes lèvres sans un seul mot, tu fermes tes yeux, et le rêve recommence ainsi. Le timbre du cuivre colore à nouveau l’atmosphère de sonorités audacieuses, nuancées, méchantes et viles. Des notes pleines d’espoir, d’amertume, d’émotions brutes taillées sur le vif et bientôt confrontées à celles portées par la rondeur froide du piano. Tu ne veux pas ouvrir les yeux, persuadée qu’en les gardant clos tu profiteras au mieux de ce moment singulier perdu dans le temps.
CODAGE PAR JFB / Contry.
Jean Delaube
You shall be a restless wanderer
DANS LE NOIR
En un mot : Lalalalaaa
Qui es-tu ? : Immortel usé de 610 ans • Torturé et incisif, sentimental et indiscipliné • A grandi dans les traditions de l'Est et parcouru une partie du monde • Musicien virtuose • Libertaire dans l'âme • Sire d'Elinor Lanuit • Déclaré mort en 1895, il réapparait seulement aujourd'hui • En marge du monde moderne
Facultés : • Voie du sang : Niveau 4-1
Goûteur de sang professionnel. Source de vie et de puissance pour lui-même et ses congénères, il sait le sonder, le manipuler et le sublimer. Attention, il lui arrive de le voler...
• Présence : Niveau 1-4
Sait attirer l'attention sur lui et forcer l'adhésion
• Voile cendré : Niveau 1-1
Perçoit naturellement brièvement les esprits, mais s'il concentre son sang, c'est l'intégralité du plan semi-astral qui se révèle à lui
Jean avait constaté évidemment cette lueur d’adversité dans le regard d’Heidi, quand elle le regardait, alors qu’elle pianotait sur le clavier. Elle avait visiblement quelque chose à lui prouver, soit, si ça l’amusait. Sa deuxième intervention fut comme possédée, intense, à tous les degrés, claquant par-ci par-là quelques sons inspirés. Le vampire n’émit aucun jugement. Il perçut toutefois sa prestation dans son intégralité, le bon comme l’imparfait.
La jeune femme ne se fit pas prier et hocha la tête, docile, avant d’aller chercher l’autre jouet qu’elle avait amené. Elle paraissait déjà à bout de souffle, avant même de commencer, tout en donnant cette impression d’être néanmoins apaisée. Ça n’avait rien d’étonnant vu le cœur qu’elle venait de mettre dans son interprétation. L’instant suivant, les premières notes de trompette s’élevaient, parfaitement maitrisées. L’immortel laissa son regard parcourir la salle. Barry était allé s’installer à une table, conscient que le spectacle allait sérieusement commencer. Garte regardait la blonde, fasciné. Il alla alors lui-même prendre place de nouveau derrière le piano. Il se laissa absorber quelques secondes de plus par l’instrument à vent, pour finir de saisir son tempo et ressentir où il les conduirait. Puis ses doigts allongés pressèrent les touches bicolores et il se mit à l’accompagner.
D’abord son rythme s’associa au Jazz qui émanait de la trompette, qu’il laissa mener quelques minutes pleinement la cadence. Mais ça n’était définitivement pas son point fort, ni sa véritable tasse de thé, alors il en dériva progressivement, dès qu’il en eut l’occasion. Quand la jeune femme dut se ménager, pour sauver sa respiration. Il l’obligea alors à se détacher de ce style musical, vers des harmonies plus classiques. Il jouait sans réfléchir, laissant ses doigts s’animer par des mouvements répétés depuis des centaines d'années, porté aussi par ce qu’elle lui proposait. Ils s’harmonisaient ainsi, transformant cette improvisation en un duo qui paraissait parfois presque travaillé. Un fin sourire se dessinait sur les lèvres du pianiste et il accrochait le regard de la jeune femme dès qu’elle rouvrait les yeux. Leur public était captivé. Le vampire reproduisit finalement un air pointu, relativement connu. Son sourire se fit plus franc quand Heidi y répondit, familière avec le morceau. Avant de dériver de nouveau. Ils se répondirent ainsi quelques fois, poussant la mélodie vers d’autres contrées encore, de plus en plus audacieuses, dans un exercice réellement grisant. Jean se lâcha par deux fois véritablement, sortant des accords dont lui seul détenait véritablement le secret. Il pouvait ne plus s’arrêter, mais il entendait le souffle de sa partenaire fatiguer. Alors il lui laissa le mot de la fin, avant d’éloigner ses mains du clavier.
L’audience, bien que limitée, applaudit chaudement. Si certains étaient des puristes du Jazz, la plupart ici restaient avant tout des musiciens et ils savaient apprécier un bœuf un peu exceptionnel quand ils y assistaient. Celui-ci n’avait vraiment rien eu de commun. Même pour ceux qui connaissaient Heidi et ce qu’elle était capable de faire.
- Incroyable ! Lâcha une femme véritablement enthousiaste. On en veut encore ! Ils avaient joué une trentaine de minutes. - Laissons notre place aux suivants, déclara Jean, calmement. Ils allaient pourtant avoir du mal à trouver des volontaires pour enchainer là-dessus. Il se redressa et ses prunelles olive captèrent le regard de la trompettiste. Il lui offrit un hochement de tête, avant de lui confesser. C’était... plaisant.
Boeuf carottes Rising Sun Bar, Automne 2021 ft. Papy Jean
C
’est comme jouer l’équilibriste sur une corde raide au milieu du vide. C’est comme attendre les pieds dans l’eau que la marée ne vienne te prendre à revers. C’est comme passer une main au-dessus du feu et voir jusqu’où tu pourras la rapprocher. C’est un jeu d’audace et d’équilibre, de résistance et d’influence. C’est un jeu de dupes, d’égos et d’impossibles. C’est comprendre et faire comprendre, imiter et inventer. C’est une lutte de territoire et un armistice qui se tiennent dans le même instant. C’est une guerre froide et une chaude poignée de main qui ne devraient pas pouvoir exister ensemble. C’est le paradoxe de la vague qui heurte l’iceberg de plein fouet alors qu’ils partagent la même essence.
Une demi-heure durant, tu as fait couler ton âme à travers les tubes et les pistons de ta trompette pendant que le pianiste tirait à lui la couverture dès que tu prenais quelques secondes pour reprendre ton souffle. C’était à la fois incroyablement frustrant et terriblement stimulant d’être tirée avec une telle vindicte sur un terrain que tu maitrisais bien moins que celui du jazz moderne et de ses modes mouvants et instables. Finalement, cette union interdite des deux extrêmes des extrêmes, du passé et du présent, enfante des mélodies strictement singulières. La soirée commence à se faire longue au final des appels et des réponses. Ton souffle et ton esprits s’épuisent petit à petit alors que ton teint vire lentement au carmin. Tes abdominaux sont douloureux, ils réclament un répit bien mérité. Un dernier sprint, une dernière envolée, un tout dernier souffle pour les honorer tous, et le couperet de la conclusion tombe. Une, deux secondes de silence abasourdi avant que les applaudissements ne tombent comme une pluie de commettes t’encerclant de toutes parts. Tu n'as jamais vraiment apprécié les ovations, toujours teintées pour toi d’une certaine amertume, tu as fini par y être simplement indifférente. Les seules félicitations qui comptent sont au final celles des gens qui comptent, et ils sont peu. Absents, également, ce soir.
Ton regard finit par recroiser ceux du pianiste, comme ç’a été quelques fois le cas durant votre moment à deux sous les spots du Rising Sun. Est-ce là un début de complicité né d’une rivalité à sens unique ? Tu n’en as pas la moindre idée, c’est la première fois que quelque chose comme cela se passe lors d’un bœuf pour toi, et rarement tu as eu l’occasion d’être poussée à ce point dans tes retranchements. Plaisant ? C’est tout ? La question est réelle : a-t-il connu tant de moments comme celui-ci pour en être à ce point blasé ou cache-t-il seulement son enthousiasme par pudeur ? Par impertinence, peut-être ? Sans rajouter un mot, tu te baisses pour ranger ta trompette dans son étui après l’avoir essuyée précautionneusement. Le calme est revenu doucement dans la salle, et l’inconnu a fait un pas pour descendre de la petite scène. Quelques instants plus tard, c’est à ton tour de le faire, mallette en main.
« Félicitations, encore une fois ! C’est rare, les sessions de ce calibre. On ne vous a jamais vu dans le coin ? » Un des spectateurs a interpelé l’anonyme à sa descente. Il faut dire qu’il rayonne d’une sorte d’énergie indescriptible qui en fait un aimant à regards, sans doute pour ton plus grand bien. Discrète, tu passes agilement à côté de lui pour rejoindre la sortie. Seuls quelques mots sortent de ta bouche lorsque tu es au plus près, uniquement à son attention. « Imaginez donc si vous aviez commencé à jouer sérieusement dès le début. » Parce que oui, tu l’as senti. Tu as senti cette différence frappante lorsqu’il a décidé de se laisser aller tout entier dans l’exercice au lieu de se livrer à du pastiche et du réflexe, aussi virtuoses cela a-t-il pu être.
Et ainsi, sous le regard à la fois admiratif et déçu de Garte, vous vous pressez jusqu’à la sortie, toi et ton col roulé noire, sans lui adresser le moindre regard. Tu as oublié jusqu’à sa simple existence devant l’ouvrage autrement plus important qui s’est bâti sur la scène à présent vide de l’établissement. Il faut que tu rentres chez toi rapidement : tu as des choses à écrire et à retranscrire, un compte rendu du meilleur de cette soirée sous forme de partition. La fatigue rôde dangereusement dans ta tête et son écho s’amplifie dans tout ton corps, menace de te faire oublier toutes ces cadences inédites à coucher sur le papier pour pouvoir finalement les contempler indéfiniment.
CODAGE PAR JFB / Contry.
Jean Delaube
You shall be a restless wanderer
DANS LE NOIR
En un mot : Lalalalaaa
Qui es-tu ? : Immortel usé de 610 ans • Torturé et incisif, sentimental et indiscipliné • A grandi dans les traditions de l'Est et parcouru une partie du monde • Musicien virtuose • Libertaire dans l'âme • Sire d'Elinor Lanuit • Déclaré mort en 1895, il réapparait seulement aujourd'hui • En marge du monde moderne
Facultés : • Voie du sang : Niveau 4-1
Goûteur de sang professionnel. Source de vie et de puissance pour lui-même et ses congénères, il sait le sonder, le manipuler et le sublimer. Attention, il lui arrive de le voler...
• Présence : Niveau 1-4
Sait attirer l'attention sur lui et forcer l'adhésion
• Voile cendré : Niveau 1-1
Perçoit naturellement brièvement les esprits, mais s'il concentre son sang, c'est l'intégralité du plan semi-astral qui se révèle à lui
Contrairement à sa partenaire, Jean mentirait s’il devait affirmer que l’enthousiasme de cette petite audience ne lui fit rien. L’immortel n’avait jamais été un musicien de scène. Il en avait été privé toute son existence par sa Nature, en protégeant la Mascarade. Il n’avait ainsi jamais joué réellement ses compositions devant un public et n’avait jamais reçu leurs ovations immédiates. Tout au plus s’était-il prêté à quelques prestations ponctuelles et éphémères. Il ne s’était abreuvé de gloire que dans l’ombre, à sa grande époque baroque. La Révélation l’amènerait-elle un jour à changer ça ?
La jeune femme n’émit aucun commentaire à sa réflexion, lui jetant tout au plus un regard difficile à déchiffrer, avant de s’appliquer à ranger son instrument. Le vampire ne s’en formalisa pas. Après tout, ils venaient de s’exprimer et de communiquer de longues minutes à travers la musique, le reste n’était que du blabla. Il descendit de la scène.
- C’est la première fois que je viens ici, en effet, répondit-il, après s’être fait alpaguer et se prêtant brièvement au jeu des mondanités. Un pur hasard. Jean était un individu sociable, il n’avait aucune raison de ne pas se montrer agréable. Il échangea ainsi quelques paroles polies d’usage avec le type en question.
Ce fut à cet instant qu’Heidi, alors qu’elle prenait la direction de la sortie, lui glissa quelques mots. Le regard de Jean coula vers elle, sans réellement parvenir à croiser son regard. Il haussa un sourcil. La remarque n’était pas dite avec véhémence, mais elle sonnait clairement comme un reproche. Drôle de réaction.
- Il faut laisser tout le monde s’exprimer, déclara-t-il simplement. Cela valait pour Barry et son saxophoniste. Cela valait pour elle aussi. Car s’il se mettait sérieusement à jouer, il n’était pas facile à suivre. Presque même impossible en réalité ! Alors il se devait d’y aller de manière progressive. Puis il lui était indispensable de sonder et évaluer ses partenaires, pour définir leurs aptitudes et jusqu’où il pouvait tenter de les amener, non ? D’autant qu’il restait novice dans ce genre d’exercices ! Et que le concert auquel il avait assisté à son arrivée – bien que sympathique - ne lui avait pas non plus révélé l’étendue de tous leurs talents…
Quoi qu’il en fût, la jeune musicienne ne lui accorda pas davantage d’attention et elle s’éclipsa du bar. Le vampire ne tarderait pas à prendre le même chemin. Il doutait franchement d’atteindre de nouveau un tel point d’orgue au cours de cette soirée. En réalité, elle avait si piteusement commencé dans cet autre club franchement miteux, que cette finalité était inespérée.
- Ne faites pas attention à elle, précisa l’homme avec lequel il parlait, en évoquant la blonde. Heidi est vraiment talentueuse, mais elle est… particulière. Il offrit à Jean une moue qui en disait long. Il avait l’air de connaitre le personnage. - Elle vient souvent ?
La conversation se fit alors rapidement sur la jeune femme. Un sujet comme un autre, rapidement chassé pour parler gammes, croches et partitions. L’immortel échangea quelques minutes, mais le badinage finit par le lasser, si bien qu’il s’excusa.
- Aura-t-on la chance de vous revoir par ici ? - On verra, conclut le vampire, énigmatique.