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Only Lovers Left Alive | Jean & Elinor

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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

Pseudo : Carm'
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Lun 29 Mai - 22:47 (#)

Only Lovers Left Alive

À l’arrière de l’immeuble, la nuit avait la texture de l’encre noire.
Par son ombre écrasante, l’hôtel avait l’allure d’un colosse muet, dont la massive silhouette de briques et de mortier étouffait les lumières dans son étreinte immense. Ces lueurs se traînaient depuis les rares fenêtres closes, s’étiraient au pied des vieux lampadaires, et convergeaient en arabesques pareilles à du lierre, pour assaillir en silence les façades des anciens bâtiments voisins. Parfois, des filaments filandreux et brillants s’attardaient sur les carrosseries des voitures stationnées çà et là, contre les trottoirs vides et dans le petit parking privatif caché dans l’arrière-cour, derrière l’hôtel de la Régence. Durant ces heures obscures des  profondeurs de la nuit, les effluves humaines s’évaporaient momentanément dans l’air, en laissant la place à des parfums complexes, indéfinis et immuables, où les ténèbres possédaient une odeur propre, millénaire.

Dans cet espace cloisonné entre les façades du vieux Downtown, à côté d’une Jaguar juste éteinte, dont le capot brûlant ourlait l’air de vapeurs évanescentes, Elinor eut l’impression indéfinissable d’être minuscule à son tour. L’obscurité ne l’importunait pas, comme de coutume. Pourtant, tandis que ses talons résonnaient contre le sol, ce bruit se diffusa dans les interstices du béton, en n’éveillant qu’un faible écho, que le silence des heures obscures dévora bien vite. La ville avait perdu la promesse du jour, sous l’étreinte de la nuit ; ces moments où la force des rêves enveloppaient les dormeurs fiévreux, où les amants interdits se séparaient à regret. Elle n’eut aucune hésitation à traverser l’espace désert qui séparait le parking et la façade de l’hôtel, coincé entre ces bâtiments séculaires du centre de la ville. Une ombre de souci voilait subtilement son expression d’habitude si maîtrisée, toutefois, sans que l’immortelle ne se décida à rebrousser chemin.

Somme toute, Elinor avait pris une décision ; quelle force au monde, aurait-pu la faire renoncer ? Pourtant, elle s’arrêta un court instant sur le trottoir, dans la pénombre qui marquait l’arête de l’immeuble, et leva les yeux pour scruter les rares fenêtres illuminées de l’hôtel. L’allure du bâtiment intimidait. Elle n’aurait pas su en expliquer la raison. Au niveau des plus hauts étages, les ouvertures aux volets à demi-baissés, avaient l’aspect de paupières presque closes, et les tâches de pollution sur le béton formaient des motifs effilés, à la manière de crocs, de serres et d’ailes mouvantes, en dépit de la parfaite immobilité de l’ensemble. Quelque part, la vampire eut la désagréable sensation d’être à nouveau cette jeune femme attirée par le monde de la nuit, telle une phalène obstinée qui n’avait pas encore saisi tous les périls d’une lumière électrique.

La nuit paraît neuve durant ces moments-là, conclut-elle, en observant les ruelles obscures, où seul le vent animait encore les rues ; des restes de papiers couraient dans les caniveaux, et les ramures des hauts arbres oscillaient paresseusement sous sa caresse. Quelque part, dans les venelles labyrinthiques de la vieille ville, un antique jardin secret répandait les fragrances des camélias, des glycines et du terreau frais. Elle huma un moment ces sensations mêlées, entre fleurs fanées d’été et fraîcheur nocturne, comme un dernier adieu à cette nuit qui, pourtant, l’attendrait toujours à son retour. Mais peut-être, dans son esprit, était-ce Elinor qui allait enterrer quelque chose ce soir ; une relique d’un autre temps, de vieux souvenirs, un sentiment flétri et inutile, qui n’avait que peu de place dans cette ère aux contours si modernes et si tranchants.

L’heure semblait propre à l’écriture d’un Requiem. L’immortelle en sourit doucement, bien que la brise qui dévalait la ruelle vint masquer son expression, en faisant danser ses mèches d’ébènes sur sa peau pâle. Les lumières papillonnèrent sur ses vêtements à la mode, tandis que les feuilles d’un chêne passaient devant le faisceau d’un réverbère. Par habitude, Elinor rabattit sa veste sur son pull fin et échancré qui cachait en partie son haut noir. Elle lissa d’un revers de main sa robe courte, dont la fausse ouverture contre sa hanche était fermée par des lacets entrecroisés, que des collants élégants venaient compléter en enveloppant le haut de ses cuisses. Enfin satisfaite de son allure, elle s’avança pour pousser les lourds battants de l’hôtel particulier, et pénétra dans son hall inondé de lumières vives.

Le contraste lui fit plisser les yeux. À l’intérieur, l’hôtel avait troqué la banalité d’une façade pour un habit de velours, de draperies luxueuses, de sculptures ouvragées et de tableaux de maître. Voilà des années que Elinor n’était plus venue ici. La Régence avait conservé cet aspect intemporel, où l’esthétique avait relevé le défi de satisfaire les goûts et les exigences d’êtres immortels, aux âges révolus et aux cultures différentes. À la droite de l’entrée, la sécurité de l’hôtel l’attendait, à côté d’un comptoir d’accueil, de bois lisse et brillant, qui cachait l’extrême sûreté des lieux derrière un vernis de luxe et de parfaite politesse. Elinor s’avança à la rencontre de l’hôtesse de cette nuit, en donnant son sac à main et son téléphone à l’employé de sécurité.

« Madame, bonsoir. Que nous vaut l'honneur de votre visite ? » fit-elle sans hésiter, assorti d’un sourire de circonstance, en s’arrêtant face à la vampire.

Elinor lui renvoya un sourire similaire. Peu pressée, elle examina le hall d’accueil, l’employée souriante, d’un œil critique, avant de reprendre la discussion. « Bonsoir. Elinor Lanuit, je suis annoncée. »

L’homme à ses côtés lui rendit alors délicatement ses affaires, avant de se retirer, tandis que l’hôtesse de l’accueil retournait derrière le comptoir. Des appliques murales coloraient le bois sombre de l’accueil d’une corolle de motifs iridescents, tandis que les dorures impeccables de la lampe renvoyaient les reflets nets des visages. L’employée, une Marquée peut-être, ou bien une fidèle de confiance, consulta un écran dissimulé derrière le bois, hocha la tête, sans pour autant se départir de son éternel sourire commercial.

L’attention d’Elinor, elle, était déjà ailleurs. Elle promena son regard sur les murs décorés d’une collection de toiles précieuses, sur les tapis parfaitement ordonnés, qui donnaient à cet endroit ce cachet inimitable des ambassades du pouvoir. Très inattendu, concéda-t-elle, avant de revenir à la discussion présente.

« C’est un plaisir de vous avoir parmi nous, madame Lanuit. Que puis-je faire pour vous ? » s’enquit-elle en se redressant derrière le comptoir.

« Je suis venue rencontrer Mr Delaube. On m’a informé qu’il était arrivé. »

La femme hocha de nouveau la tête, en consultant l’écran. « Je vais vous annoncer immédiatement. Est-ce qu’il vous attend ? »

Elinor eut un fin sourire. Quelque part, entre ces cloisons de boiseries lustrées et cet entrelacs de pierres, de métal et de luxe, résonnait, plus fort que jamais, cet écho. Cette musique sombre, mystique, dont ni la distance ni les siècles n’avaient totalement étouffé les palpitations, de cet organe invisible et sans nom qui les avait maintenu ensemble, depuis l’aube de sa propre immortalité.

« Oui, » répondit-elle après un instant de silence. « Oui, il m’a assez attendu. Informez-le de ma présence. »

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You shall be a restless wanderer
Jean Delaube
Jean Delaube
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DANS LE NOIR

En un mot : Lalalalaaa
Qui es-tu ? : Immortel usé de 610 ans • Torturé et incisif, sentimental et indiscipliné • A grandi dans les traditions de l'Est et parcouru une partie du monde • Musicien virtuose • Libertaire dans l'âme • Sire d'Elinor Lanuit • Déclaré mort en 1895, il réapparait seulement aujourd'hui • En marge du monde moderne
Facultés : • Voie du sang : Niveau 4-1
Goûteur de sang professionnel. Source de vie et de puissance pour lui-même et ses congénères, il sait le sonder, le manipuler et le sublimer. Attention, il lui arrive de le voler...
• Présence : Niveau 1-4
Sait attirer l'attention sur lui et forcer l'adhésion
• Voile cendré : Niveau 1-1
Perçoit naturellement brièvement les esprits, mais s'il concentre son sang, c'est l'intégralité du plan semi-astral qui se révèle à lui
DERRIÈRE LE BROUILLARD

Pseudo : Od'
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Jeu 1 Juin - 8:40 (#)

Jean n’était pas sorti de sa torpeur depuis très longtemps quand le téléphone présent dans la chambre qu’il occupait sonna. Comme à l’hôtel. L’endroit ne se voulait pas être une résidence de passage, mais quand on y était invité, le service était de qualité ! Avec option ménage et petit déjeuner. Le vampire savait cependant qu’il ne pourrait en abuser encore longtemps. Il n’en avait surtout pas l’envie. L’atmosphère était lourde entre ces murs, chargée du poids du passé, des traditions. Des désillusions. Ce n’était pas par hasard qu’il s’était éclipsé un maximum pour parcourir la ville, lors des nuits précédentes. Il y avait fait quelques rencontres, plus ou moins intéressantes, plus ou moins attendues. Comme celle de Raven Lupesco. Il avait d’ailleurs commencé à se préparer à sortir, de nouveau, quand son corps se raidit. Avant le coup de fil. Il resta immobile, suspendant ses gestes, et ferma les yeux un instant, à l’écoute de la vibration qui s’était encore intensifiée dans son être. Au sein même de ses artères. Puis la sonnerie retentit. Une fois, deux fois, trois. Et ses paupières s’entrouvrirent. Il décrocha le combiné.

- Bien, répondit-il simplement à la voix de la réceptionniste. Faites la monter ici. Dans sa chambre.

Il raccrocha sans ciller. La mort avait emporté depuis longtemps avec elle toute une partie des émotions du corps. Le cœur qui s’emballe, la moiteur au creux des mains. Il ne restait que les élucubrations de l’esprit. Son regard parcourut la pièce autour de lui, mécaniquement, sans vraiment la voir pleinement. Son plafond haut, ses tentures. Un grand tableau représentant une scène de chasse se positionnait au-dessus de la tête de lit. Un simple décor. Ses sens étaient tournés vers le couloir, intégralement.

Il s’écoula de courtes minutes, puis sa main vint déverrouiller la porte et s’emparer de la poignée. L’immortel puisa alors dans sa Vitae pour intensifier la puissance de son sang et accroitre encore sa stature. Jean était prêt. Il perçut alors le bruit des talons à travers la cloison et ouvrit à l’instant précis où elle se présentait. Elinor Strange. Ses yeux d’un vert olive se posèrent sur elle. Si la finesse de ses traits avait commencé à se faner dans sa mémoire au cours des années, l’impression de son visage sur sa rétine réveilla avec elle instantanément des souvenirs enfouis. Le vampire tâcha de garder une expression des plus neutres.

- Entrez, déclara-t-il en français en entrebâillant davantage la porte. Une invitation qui n’appelait guère de refus. Ils s’étaient toujours vouvoyés sur le principe, à une époque où la bienséance l’imposait.

Il fit un pas sur le côté pour la laisser passer. Si elle portait des vêtements au goût du jour, son Infante avait gardé son élégance d’antan. Lui aussi, d’une certaine manière, même si son look restait peu traditionnel, voire carrément pompeux. Il portait en effet une chemise d’un blanc satiné, sous un costume améthyste.

- Je n’étais pas certain que vous viendriez, poursuivit-il en anglais. Il en avait même douté sincèrement. On a si vite d’oublier.

Il n’avait aucune attente particulière de ces retrouvailles, même si elles lui paraissaient dorénavant indispensables. Ni des intentions qui pouvaient animer la brunette face à lui. Elle s’était toujours montrée insaisissable sur ces aspects-là. Il n’était pas naïf, Elinor n’était certainement pas venu lui sauter dans les bras. Pour tout dire, il s’attendait même… au pire.
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Elinor V. Lanuit
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- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

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Dim 4 Juin - 18:58 (#)

Only Lovers Left Alive

L’immortelle s’avançait seule. De part et d’autre de sa silhouette distinguée, défilaient les œuvres de maître aux teintes mornes et vitrifiées, autant de scènes antiques, médiévales ou bibliques, où s’entremêlaient les contours torsadés des acteurs désuets d’époques révolues. Ici, les styles anciens se dévoilaient sous les nuances tamisées des appliques murales, et la vampire apercevait à la lisière de sa vision, ces traits torturés et ces regards interrogatifs la suivre tout au long du couloir. Les talons de ses bottines n’éveillaient qu’un faiblement claquement de métronome à l’intérieur de ce couloir aux tapis luxueux, qui couvaient l’espace d’un silence cotonneux. La plupart des chambres doivent être vides, supposa-t-elle, car les maîtres de la nuit partaient en quête de délices humains à cette heure-ci.

Elinor avait refusé d’être conduite à la chambre de Jean. Ces quatre murs où séjournaient l’homme qui avait expérimenté la mort deux fois, et qui méritait sans doute l’appellation de relique, au même titre que les toiles de ce corridor. Elle ne put alors s’empêcher de s’absorber en conjectures. Qu’attendait-il de cette rencontre ? Lui en voulait-il toujours de l’avoir abandonné ? Comment devait-elle réagir ? Des questions qui se perdaient dans la solitude de ce couloir, et l’incertitude de son esprit, pourtant peu accoutumé avec l’hésitation ; avec Jean, jamais Elinor n’avait été totalement décisive. Trop dissemblables, jamais d’accord, ils furent jadis ces deux facettes d’un même aimant ; aussi soudés l’un à l’autre, qu’incapables de s’accorder de front.

Alors, qu’était-il pour elle ? Aujourd’hui, un siècle et demi plus tard, l’immortelle n’avait jamais entièrement réussi à classifier ce point d’interrogation, en la personne de son Sire, instructeur et idéaliste insupportable. À cet instant, elle parcourait ce couloir au cachet de luxe ancien, et son attention sautait de toile en toile, où les traits de pigments se contorsionnaient dans des poses figées dans le temps. Le Français était-il parmi eux ? Avait-il à son tour rejoint les rangs des ruines d’un autre temps, un résidu romantique perdu dans une ère vorace et moderne ? L’incertitude et l’attente s’épaississaient au rythme de cet écho profond, que la vampire ressentait dans sa chair et dans ses pensées. Ce battement de myocarde en peine, qui l’attirait irrésistiblement comme une phalène vers une lampe électrique.

Aussi, quand Elinor s’arrêta face à l’entrée de sa chambre, elle hésita. Sa main resta un instant suspendue à mi-hauteur, et durant quelques secondes, la brillance de ses bagues parut la captiver. Une ombre perplexe voila ses traits de porcelaine : Que devait-elle lui dire ? Comment combler un siècle d’absence en une seule conversation ? La tâche lui semblait insurmontable. Pourtant, déjà, elle percevait sa présence derrière cette porte de bois, et ses sens surnaturels abattaient sur sa conscience une avalanche d’éléments familiers : non des parfums ou des sons, mais une vibration émotionnelle, intimidante d’ancienneté et d’inconnu.

Jean lui avait toujours fait cet effet-là. L’imprévisible, l’impertinence, le questionnement ; la présence d’un monde qui lui était totalement incompréhensible. Avec lui, elle s’était toujours sentie comme l’exploratrice  d’une contrée inconnue, de terres difformes d’une autre planète, et sans doute était-ce cela qui l’avait tant liée à cet idiot, pourtant irritant et inapte à la modernité. Elle fixa un long moment les nœuds du bois de ce battant de bois, comme s’il contenait quelques vérités ésotériques sur ce maître insaisissable, qui lui avait donné l’immortalité. Las, la matière n’avait rien d’autre à lui léguer que l’incertitude d’une rencontre, et un obstacle qu’elle se devait franchir, au sens propre, comme au sens figuré ; le devoir d’une Infante envers son Sire, une convention dont ils devaient s’affranchir, sans doute plus par fatalité que par désir.

Alors, finalement, Elinor frappa à la porte. La réponse fut presque instantanée et, durant un court instant, elle fut persuadée que lui aussi s’était tenu derrière cette porte, perdue dans ses propres conjectures et ses propres émotions. Toutefois, la face qui se révéla à elle, n’avait rien des coups de pinceaux poussiéreux et morts des tableaux ; lui était vivant, et la vivacité de ses yeux déclenchèrent chez l’immortelle, une bouffée d’émotions aussi brûlantes que polaires. Son Sire était là. Elle scruta ce faciès aussi familier que le premier jour, où se lisait ce perpétuel air de lassitude, de romantisme noir et suicidaire, et ce mystère insondable d’un être crucifié sur l’autel des conventions, et ce dès la naissance. Elinor entendit à peine l’invitation autoritaire, et s’exécuta inconsciemment, en s’avançant en silence dans cette chambre.

L’immortelle fut imperméable au décor. Elle n’accordait son attention toute entière qu’à lui, qui se tenait là, droit et sec, son physique délié planté au centre de l’espace, comme un fantôme dégingandé de son passé. Je suppose que je l’apprécie encore, pensa-t-elle, en se murant dans un mutisme scrutateur, en le détaillant de pied en cap, d’une manière aussi intrusive qu’interminable. Elle aurait voulu le toucher, simplement afin de s’assurer de sa consistance, mais une forme de stupéfaction et de fascination respectueuse l’en empêcha. Durant près d’une minute, Elinor resta ainsi, à moins d’un mètre de son Sire, les mains jointes sur la lanière de son sac à main, à détailler ces traits français qu’elle n’avait plus examinés depuis plus d’un siècle.

Elle ne répondit rien. Parmi ce maelstrom de pensées tumultueuses qui se pressaient dans son crâne, ce fut la vision d’un tableau trônant dans le hall d’entrée qui s’imposa à elle : Saturne dévorant son fils.

Sa bouche délicate se pinça. L’immortelle se détourna finalement du français, brisant un immobilisme plutôt déstabilisant, et tourna les talons pour s’asseoir dans l’un des fauteuils moelleux qui meublaient la pièce.

Elinor posa son sac dans son giron, et entrecroisa dessus ses longs doigts fins. « Cent vingt-trois ans, et dix mois, » fit-elle enfin, en articulant patiemment chaque syllabe.

De la pointe de son index droit, la vampire entortilla machinalement l’une de ses mèches d’ébènes qui avait chuté sur son front de marbre. Ses prunelles n’avaient pas quitté d’une once la silhouette de Jean, et celles-ci continuaient de le détailler de la tête aux pieds, comme si Elinor cherchait à résoudre une équation.

« J’ai essayé durant cent vingt-trois ans et dix mois, de déterminer si je te détestais, ou si je t’aimais. En tout état de cause, j’aurais eu bien de la peine à t’oublier. »

Le vouvoiement, elle l’avait jeté délibérément aux orties. La jeune Elinor d’autrefois n’était plus, après tout, et l’Accomplie qui se tenait devant lui avait à cœur d’apprendre et d’évoluer, d’éventrer ces barrières et ces interdits qui avaient autrefois enchaîné sa liberté d’action. Car, sans doute était-ce cela qui les avait réunis autrefois : une vision de la liberté, aussi diamétralement opposée en action qu’en sentiments.

« Cent vingt-trois ans, dix mois, et les mêmes maladresses vestimentaires », jaugea-t-elle en observant d’un air critique le costume pompeux.

Une pique, comme un voile sur ses sentiments. Une astuce commode, qui n’avait d’autre but que de cacher la foule discordante d’émotions, de questions et d’autres phrases que Elinor sentait poindre derrière ces lèvres avares en révélations. Ainsi, elle resta assise, observatrice, du haut de sa superbe dans ce fauteuil que la vampire commençait à apprécier ; il était un asile de textile qui l’empêchait de perdre ce contrôle, que ce français avait réussi à lui faire perdre à maintes reprises par le passé. La partie était loin d’être jouée.

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Qui es-tu ? : Immortel usé de 610 ans • Torturé et incisif, sentimental et indiscipliné • A grandi dans les traditions de l'Est et parcouru une partie du monde • Musicien virtuose • Libertaire dans l'âme • Sire d'Elinor Lanuit • Déclaré mort en 1895, il réapparait seulement aujourd'hui • En marge du monde moderne
Facultés : • Voie du sang : Niveau 4-1
Goûteur de sang professionnel. Source de vie et de puissance pour lui-même et ses congénères, il sait le sonder, le manipuler et le sublimer. Attention, il lui arrive de le voler...
• Présence : Niveau 1-4
Sait attirer l'attention sur lui et forcer l'adhésion
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Jeu 8 Juin - 21:58 (#)

Le pire. Qu’est-ce que l’immortel pouvait réellement imaginer de pire pour cette entrevue ? Elinor pouvait-elle le décevoir davantage qu’elle ne l’avait déjà fait ? Vaste question. Il soutint son regard alors qu’elle le scrutait sans pudeur des pieds à la tête. Il avait refermé la porte après elle, les confinant tous deux, ensemble, dans l’espace de la suite. Il se jaugeaient, se redécouvraient aussi au passage. Leurs traits du moins, car leurs expressions ne trahissaient rien. En cet instant, Jean peinait cependant à se souvenir de son insouciance d’antan, la concernant. Quand il la trouvait simplement prodigieuse. Elle n’était à travers le filtre de son amertume qu’une pâle copie de cette Infante qu’il avait sincèrement chérie.

Après s’être installée dans l’un des fauteuils, elle prit la parole. Le compte des années rappelait effectivement que le temps avait filé. Même à l’échelle de sa vie à lui. Même si la Torpeur lui en avait arraché plus de la moitié. Ils ne s’étaient finalement côtoyés qu’une cinquantaine d’années. Une simple fraction de leurs éternités. Il ne retint pas un demi-sourire à sa réflexion suivante. Désabusé. Était-elle sérieusement en train de lui confier qu’elle n’avait pas pu statuer s’il lui avait manqué ?

- Je vous ai connue plus perspicace, répliqua-t-il, en perdant rapidement son sourire. La familiarité n’était pas pour lui à l’ordre du jour. Ce vouvoiement n’était pourtant plus de la révérence, c’était de la distance. Il n’était pas près de le laisser tomber. Ne confondez pas de la culpabilité avec de l’amour, trancha-t-il dans la foulée.

Par ces mots, il l’affirmait : il était convaincu qu’elle ne pouvait même envisager de l’avoir aimé. Ni en ce jour de 1895 où elle avait choisi de l’ignorer. Ni tous les jours qui avaient suivi. Plus de quarante-cinq milles. Elle s’était réveillée plus de quarante-cinq mille fois, sans bouger le petit doigt. Elle l’avait laissé seul faire face à son destin et avait fait taire leur lien, durablement. Pourtant à un mètre l’un de l’autre, il vibrait plus fort que jamais. Aussi brutalement qu’un cri viendrait percer un silence de mort. Et en dépit de ses efforts, Jean ne parvenait pas à s’en extraire complètement.

- Qu’est-ce qui vous est resté de ce que j’ai essayé de vous enseigner ? Demanda-t-il, comme si c'était l'heure du bilan. Quelles aspirations la faisaient avancer, au jour le jour ? Quels chemins avait-elle empruntés au cours de toutes ces années ? Elinor Lanuit. Hum. Sa question sonnait comme un soupir, comme si ce qui restait de son héritage était tout ce qui comptait. Ce n’était évidemment pas vrai. Pourquoi êtes-vous venue ce soir ? Enchaina-t-il finalement, sans détour, tout en arquant un sourcil, inquisiteur.

Son inflexion était un peu sèche. Il était inutile de tourner autour du pot. Sous cette question s’en cachait une autre, qui lui brûlait les lèvres : pourquoi n’était-elle surtout pas venue, d’elle-même, avant ? Il pouvait accepter sa part de responsabilité dans ce désastre, il pouvait reconnaitre ses erreurs, ses failles. Mais son abandon implacable restait pour lui au-delà de l’entendement. Alors il la dévisageait toujours, debout, avec pour objectif déjà, dans un premier lieu, de comprendre.
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Elinor V. Lanuit
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- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
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Dim 18 Juin - 17:57 (#)

Only Lovers Left Alive

La chambre lui sembla soudainement étroite.
Entre ces murs alourdis d’un tableau d’une scène de chasse, les meubles au cachet luxueux perdaient peu à peu de leur superbe, et les senteurs capiteuses du bois lustré tournaient au vinaigre. Comme délavées par l’absence d’émerveillement, les couleurs des textures parurent ternes à ses yeux, et l’air avait la lourdeur de la tombe fraîchement éventrée. Elinor promena son regard çà et là, sur les bibelots insipides et les rideaux de la fenêtre, sans éprouver la moindre once de curiosité envers ces lieux, pourtant symboliques du pouvoir des siens. Puis, comme le timbre mesuré de son -ancien- mentor résonnait, elle reporta son attention sur ce dernier, ce vieux fou dont les intonations fleuraient bon l’accusatoire ; envers cela, sa curiosité s’épanouit.

Elinor ne dit mot, tout d’abord. Elle laissa la dureté des mots de Jean flotter dans l’air, et elle les respira, un à un, en flaira les nuances accusatoires, et le jeu d’intentions potentiellement caché derrière. Cependant, elle non plus ne parvenait pas entièrement à comprendre, et n’y était jamais parvenue, les motivations animant cet être vieux de six siècles désormais. Ça faisait partie du charme, bien sûr. Du jeu, aussi. Un jeu dangereux qu’ils avaient tous décidé de jouer depuis cette rencontre, voilà des siècles, dans un cabaret de Londres.

Ces motivations.
Lesquelles ?
L’immortelle scruta cette expression neutre qu’il affichait, aussi bien maîtrisée que la sienne, et chercha à y discerner quelque chose dans lequel s’infiltrer. Une raison de le haïr. Une raison de l’aimer.

Comme elle lui répondait, ses yeux le fixèrent, lui, et ne s’abaissèrent pas à fuir la confrontation. Elle n’avait jamais été lâche. « Très bien. Puisque tu as décidé de jouer franc-jeu. »

D’un mouvement leste et rapide, la vampire se leva. Elle fit quelques pas vers la fenêtre, et ses talons résonnaient sur le plancher avec la parfaite régularité d’une pendule. L’atmosphère de la chambre lui parut soudainement trop confinée, si bien qu’elle entrouvrit l’ouverture, laissant entrer l’air nocturne de la rue.

« Tu m’as appris à être libre, Jean. Je le suis. Libre, ici. » Du bout de l’index, elle tapota sa tempe. « Je voulais t’apprendre à mon tour, mais toi, tu as choisis la seule voie que tu connais. »

Désormais appuyée contre l’un des battants de la fenêtre, Elinor le fixait. Loin au-dessus des toits de la ville, la lune couvait la vampire de son œil laiteux, qui ajoutait un filigrane argenté sur sa chevelure noire de jais. Elle reprit la discussion, qu’une inflexion plus basse de sa voix rendait plus intense, plus sentimentale, alors qu’un flot de paroles paraissait sur le point de franchir la barrière inflexible de ses lèvres.

« Tu as fait ton choix, oui. Tu as décidé de suivre des révolutions éphémères, et ton ami Nikita. Pendant que moi, docilement, je jouais les rôles de comptable. Gérer des finances que tu ne voulais pas voir par principe, mais dont tu avais besoin par nécessité. »

Un rictus se dessina sur ces lèvres. Un amas indéchiffrable de rancœur, de frustration et de sentiments que les décennies avaient entremêlées si étroitement, qu’ils paraissaient indiscernables les uns des autres.

« Au nom d’idéaux. » Le mot était prononcé avec un tel mépris, qu’il aurait fait tourner du lait. « Des idéaux morts aujourd’hui. Tout comme les humains qui les portaient. Et toi, tu es mort une seconde fois, au nom de ces idées irréalisables, à présent tombées dans l’oubli, comme je t’avais averti. »

Des intonations plus dures saturaient son timbre. Alors que ses traits conservaient une maîtrise impeccable, l’ouïe des immortels n’aurait guère de mal à discerner les nuances plus sincères, plus vivantes.

« Qu’aurais-tu préféré, alors ? Que je sois là pour t’enfoncer le pieu et refermer le couvercle du cercueil ? Je suis l’une de tes œuvres, Jean, comme tes musiques, elles dépassent parfois son créateur. Tu m’as appris à briser les chaînes, mais moi, je les utilise comme des rênes. »

Un instant de mutisme ponctua sa déclaration. Elinor se tenait là, contre la fenêtre, immobile, et son regard n’avait pas baissé d’intensité, planté avec une assurance immuable, et une passion secrète dans ceux de son mentor. Jamais, Elinor Strange n’avait baissé l’échine. À sa manière, quoique bien différente de ce français qui lui avait offert l’immortalité, elle tenait dans sa paume l’une des facettes de cet idéal libertaire.

L’immortelle y tenait. Même lui, n’étoufferait jamais sa vision du monde.
Son mutisme momentané fut coupé par le froissement du tissu de sa chemise, tandis qu’elle se redressait. Un souffle d’air vint soulever l’une de ses mèches d’ébène, et ses phalanges se resserrèrent contre la lanière de son sac, comme si elle s’apprêtait à quitter cet endroit pour de bon.

« Je regrette. » Les deux mots n’offrirent pas plus d’explication. Ils tombèrent de cette manière particulière à Elinor, comme un couperet, avec lequel ces interlocuteurs étaient forcés de se débrouiller. Elle n’avait nulle intention de passer des nuits entières à se confondre en excuses, en justifications ou à réanimer des querelles vieilles du siècle dernier, comme les vampires avaient l’habitude de le faire.

Mais Elinor ne fonctionnait pas ainsi. Elle avait toujours été différente à bien des égards. « Ton clavecin est toujours chez moi. Le premier que tu as acheté à l’époque. Reprends-le si tu veux, je ne te ferai pas obstacle si tu préfères mon absence. »

Debout ainsi, droite et digne face à lui, l’immortelle ne fléchissait pas. Elle était prête à partir sur-le-champ, si l’homme en colère ne supportait plus sa présence ; somme toute, peut-être était-il l’heure de dire adieu à leur passé, en dépit de cette amertume.
Elinor s’était préparée à cette éventualité. Cela faisait un siècle qu’elle l’avait anticipé.

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You shall be a restless wanderer
Jean Delaube
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DANS LE NOIR

En un mot : Lalalalaaa
Qui es-tu ? : Immortel usé de 610 ans • Torturé et incisif, sentimental et indiscipliné • A grandi dans les traditions de l'Est et parcouru une partie du monde • Musicien virtuose • Libertaire dans l'âme • Sire d'Elinor Lanuit • Déclaré mort en 1895, il réapparait seulement aujourd'hui • En marge du monde moderne
Facultés : • Voie du sang : Niveau 4-1
Goûteur de sang professionnel. Source de vie et de puissance pour lui-même et ses congénères, il sait le sonder, le manipuler et le sublimer. Attention, il lui arrive de le voler...
• Présence : Niveau 1-4
Sait attirer l'attention sur lui et forcer l'adhésion
• Voile cendré : Niveau 1-1
Perçoit naturellement brièvement les esprits, mais s'il concentre son sang, c'est l'intégralité du plan semi-astral qui se révèle à lui
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Mer 28 Juin - 15:06 (#)

Ses questions ne rencontrèrent d’abord que le silence. Elle cherchait certainement l’angle par lequel lui répondre. Il mettait les pieds dans le plat, en effet. Cette histoire et ces prises de tête avaient bien assez duré. Il voulait être fixé. Il était même préparé à détester son argumentaire, il l’attendait presque. Cette raison pour la dénigrer franchement et tourner la page.

Le regard du vampire suivit son Infante quand elle se leva. Jean avait appris au fil des siècles à canaliser sa nervosité, son impatience. Il sentit l’air frais du dehors se glisser jusqu’à lui, son corps pourtant insensible à la différence. Les chambres de l’hôtel de la Régence n’étaient pas chauffées, quel intérêt ? Il haussa légèrement les sourcils quand elle reprit la parole, enfin. Il l’écouta avec attention, tâchant d’enregistrer ses mots et ce qu’ils affirmaient. Il se retint de répliquer immédiatement, faisant tourner sa langue contre son palais et la laissant aller jusqu’au bout de sa tirade. Ses yeux se firent plus perçants quand elle exprima des regrets. Sans aucune précision. Ce fut la surprise qui le fit finalement réagir, malgré lui, alors qu’elle mentionnait son ancien clavecin. Le premier. Le seul en réalité.

- Vous avez gardé… ce machin ? L’une de ses plus grandes histoires d’amour. Alors comme d’autres le feraient avec leurs ex, il en parla avec un détachement exagéré. Peut-être pour masquer l’émoi que son évocation provoquait. Je croyais que vous le détestiez, ajouta-t-il, sincère. Combien de fois ne lui avait-elle pas dit de laisser cet instrument encombrant et désuet après lui ? Et elle lui avait fait traverser l’océan jusqu'ici ?

Il pinça les lèvres, soutenant son regard un peu plus longtemps. Il était sincèrement troublé. Après son discours moralisateur sur ses choix de vie, cette remarque était-elle anodine ? Il venait de perdre son envie de la remettre à sa place. Car ses reproches anciens l’avaient évidemment piqué. Il connaissait leurs désaccords sur ses initiatives passées, et cela l’avait souvent beaucoup amusé. Il n’avait cependant jamais pleinement perçu le dédain que cela lui inspirait. L’avait-elle à ce point méprisé ? Ou ce n’était que l’expression de la blessure d’une adolescente raillée et délaissée ? Car était-elle autre chose en 1895, alors que son éternité venait de commencer ?  

- Tu n’aurais rien pu faire pour moi ce jour-là, déclara-t-il très sobrement alors. Non rien n’aurait pu permettre à la jeune vampire de parcourir les kilomètres qui les séparaient dans la minute fatidique où il avait fallu réagir. Le libérer des flammes. Le plonger en Torpeur. Mais tu aurais pu être présente à mon Réveil.

Son regard se détacha d’elle un court instant. Il marqua un silence, sa langue humectant ses lèvres à peine rosées. Jean venait de la rejoindre dans le tutoiement, ce qui dans la langue anglaise ne se percevait que dans l’intonation, comme une barrière qui s’abaissait. Ses prunelles revinrent se placer sur elle.

- Mes lubies ont rarement été raisonnables, je ne t’apprends rien. Ce concept m’ennuie presqu’autant que la comptabilité. Ses lèvres s'étirèrent brièvement dans un rictus. Cela avait parfois joué en sa faveur. Après tout, l’Étreinte même de la britannique avait été un acte osé. Un pari risqué. On ne change jamais fondamentalement les gens. Tu peux te réjouir de m’avoir surpassé, probablement. Il haussa une épaule. Qu'importait. Qu'elle le croit, ou que ce soit vrai. Il n'y avait jamais eu à ses yeux de compétition entre eux. Je devrais être fier, moi, aussi, j'imagine. Puisque tu as, au moins, su te libérer d'une chose. De ça.

Son index passa d’elle à lui, deux fois. Car il y avait bien une chaîne qu’elle avait su briser. Peut-être parce qu’elle avait eu le sentiment qu’elle n’avait rien à en tirer. Ou bien parce qu'il était un animal qu’elle craignait de ne pas savoir dompter.

- Tu regrettes la manière dont ça s'est passé ? Ou la finalité ? Enchaina-t-il, avant de demander avec provocation : qu’est-ce que tu me proposes sérieusement comme option... autre que ton absence ?
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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
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En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
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Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

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Lun 3 Juil - 22:27 (#)

Only Lovers Left Alive

La messe est dite.
Elle se souvenait bien de cette expression française.

Debout face à lui, fière comme elle l’avait toujours été, Elinor Lanuit toisait avec son aplomb coutumier cet être multiséculaire que les lois des siens la forçait à respecter. Plus que des lois en réalité, il était son Sire et son créateur ; des liens autrement plus profonds et mystiques les reliaient obstinément l’un à l’autre, en dépit des conflits et des désamours. Deux facettes d’une même pièce que seule une mort définitive aurait pu séparer. Et si le ton accusatoire et méprisant de l’immortelle, quand elle répliquait à son maître, aurait pu choquer les plus stricts des anciens, celle-ci savait que le français n’en attendait pas moins de sa part. Les conventions et les atermoiements l’insupportaient, elle ne le connaissait que trop bien sur ce sujet, au point que la crainte d’un châtiment ne troubla à aucun moment son plaidoyer ; elle était sûre d’elle, toujours.

L’Infante affronta son regard. Elle scrutait à son tour l’expression de son Sire, tandis que les mots prononcés s’envolaient dans l’atmosphère confinée de cette chambre, la délestant ainsi de ce poids douloureux qu’elle avait porté depuis trop longtemps. Des décennies durant, Elinor s’était représentée cette scène. Les années s’étaient enfuies, apportant leurs lots de joies et de peines, et si l’esprit de la vampire avait mûri, jamais elle n’avait cessé de jouer et de rejouer ce petit théâtre, caché derrière le rideau de ses cheveux noirs. Avec le temps, ses propos s’étaient faits moins tranchants dans son esprit, mais l’intensité de ses sentiments était demeurée vive. L’Anglaise avait tant à lui dire, tant à lui reprocher et à l’entendre dire, qu’elle avait maintes fois revisité le scénario de leurs retrouvailles , en attendant le second acteur de cette scène.

Rien ne s’était déroulé comme prévu, toutefois.
Elle n’avait pu articuler les mots prévus. Elle s’était laissée prendre au jeu incertain de l’improvisation, et ces sentiments s’exprimaient à présent en lieu et place de ce scénario inutilement écrit à l’avance.

Elinor eut un sourire las à sa question. « Pourquoi pas ? » La tension qui habitait ses épaules s’atténua, et sa posture se fit moins stoïque. « C’est un souvenir. Et les souvenirs nous relient à notre humanité. »

Elle recula d’un pas. Le tissu de son haut caressa le battant de la fenêtre, contre lequel elle s’appuya, muette à son tour par respect pour lui ; pour cet homme qui l’avait créé, et dont elle appréciait encore le timbre de voix. Ces intonations teintées de mélancolie et d’harmonie, qui lui avaient tant manqué. Elinor l’observa, qui rassemblait ses pensées, manifestement pris au dépourvu par la sincérité de son Infante, elle qui avait toujours été si insensible et distante d’ordinaire. Pourtant, l’immortelle n’était plus exactement celle que le français avait connu ; comment aurait-pu demeurer la même femme que jadis ? Celui qui lui avait légué ce besoin perpétuel de renouvellement, cette incapacité à l’immobilisme et à l’ennui, n’était autre que Jean.

Le sourire d’Elinor fana quelque peu. « Je sais, » murmura-t-elle, sobrement à son tour, avant de se taire de nouveau, lui laissant ainsi tout le loisir de développer son point de vue.

Cependant, elle le percevait, une distance avait été abolie. Le tutoiement, bien sûr, en était le symbole, mais Elinor sentait qu’à présent la discussion avait franchi le cap de la froide méfiance et du dédain, pour assister à l’aube d’une compréhension. Une esquisse, tout du moins. Elle l’écouta posément, sans l’interrompre, et ne prit aucun ombrage à cette petite provocation ; en réalité, l’Anglaise l’accueillait comme une saine habitude, un soupçon de complicité, qu’elle n’avait plus éprouvé depuis un siècle et demi.

« Jean, honnêtement, je ne suis pas venue refaire de la comptabilité. Je n’ai pas envie de compter nos torts. Tu as les tiens, j’ai les miens aussi, je l’admets. Nos scores ne sont pas importants à mes yeux. »

Le sourire d’Elinor ne disparut pas entièrement. Il flotta, évanescent, alors que son expression mouvait avec subtilité, vers des nuances plus vivantes, et surtout plus sincères, bien loin de sa froideur initiale. En bonne partie était-ce dû à ce bouillonnement de sentiments et de non-dits, qui s’apprêtaient à se manifester en une nouvelle tirade interminable. Ce qu’elle fit, comme sa posture mouvante le laissait présager.

« Je sais qu’à l’époque, je me suis laissée aller à une rancune disproportionnée. J’aurais dû faire plus. Certes, probablement que l’issue aurait été la même, oui. Mais je regrette de m’être détournée de toi ensuite. Je t’en voulais. Tu avais failli te sacrifier pour une cause éphémère, et cela m’a mise en colère. »

En somme, je m’excuse, pensa-t-elle, en espérant que l’intensité de leur lien relaierait toute la sincérité et la force de ces propos, autant que ces pensées. Au fil de ces mots, elle se redressa et commença à déambuler devant la fenêtre, comme la vampire assemblait pièce par pièce les raisons d’une telle cassure entre eux.

« Une colère liée à l’incompréhension, à une forme de jalousie, sans doute. » Elle leva un index vers son interlocuteur. « Note que ces lubies contestataires n’ont pas trouvé grâce à mes yeux aujourd’hui, mais je peux les comprendre. Toutefois, quand la rancune s’est dissipée, tu as raison, j’aurais dû revenir vers toi. »

Elle hésita un instant. Tout cela était un exercice difficile pour Elinor, qui ne s’ouvrait que très rarement à un semblable. « Je ne l’ai pas fait. Par crainte de ta réaction. Par honte, par fierté aussi, au début. J’ai cru que la messe était dite pour nous deux, » ajouta-t-elle en français, avec un accent anglais reconnaissable.

Revenant lentement contre cette fenêtre, Elinor s’appuya contre le montant. Depuis l’extérieur, se faufilait la brise nocturne, aux parfums moites de l’hiver de Louisiane, avec ces odeurs urbaines un peu écœurantes de cuisine cajun et d’essence. Elle haussa les épaules, avec ce petit sourire malicieux qui lui était propre.

« Pour répondre à ta question, eh bien, je peux te fournir une autre chambre. Cette décoration est vraiment affreuse. » Dans son intonation, s’entendait cet accent railleur qu’elle avait toujours emprunté dans leurs joutes verbales de jadis, et qui allait de pair avec ce sourire impertinent que Elinor lui lançait aujourd’hui.

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Dim 30 Juil - 14:11 (#)

Pas de comptabilité ? Dommage, c’était bien une discipline dans laquelle l’anglaise avait toujours excellée. Par chance, Jean n’avait plus guère de fortune à faire fructifier et sa gestion n’en était que plus aisée. Il avait cessé aussi de vivre dans l’excès, ça aidait.

Une nouvelle fois, elle répondit à ses questions, se confiant sans détour. Elle ne cherchait pas à minimiser la fracture, ni à se dérober. L’important n’était pas de compter les tords en effet, mais de les reconnaitre. Jean fut frappé par la maturité du discours de son Infante. Par la sincérité qui émanait de ses mots. Il percevait sous ses confessions, sous ses regrets avoués, une main tendue. Franche. Vers lui. Il n’avait pas espéré tant de cette entrevue et redouta un instant que son sentimentalisme ne lui joue un mauvais tour. Son menton se redressa et il ne put se retenir de se trouver suspicieux. Pas tant de l’honnêteté d’Elinor, mais de la compréhension qu’il se faisait de ses intentions. Il pinça les lèvres.

- Tu n’aimes plus le cachet de l’ancien ? Répondit-il à son invitation, sur le même ton. Ses sourcils se dressèrent légèrement. Tu t’es laissée séduire par la modernité ? Elle avait toujours su s’approprier son époque, il ne doutait pas qu’elle s’était accoutumée à cette nouvelle ère. Ses lèvres s’étirèrent un bref instant. L’accent qu’il avait mis sur ce dernier mot était chargé de sous-entendus, mais comment en définir précisément le sens ? Elle ne pouvait imaginer à quel point lui luttait dans cet environnement où en dépit des années, tout lui semblait dorénavant étranger. Tu nous proposes une… deuxième chance alors, si je comprends bien ? Reprit-il cependant dans la foulée avec sérieux. Son regard olive se planta dans le sien.

L’émotion était un sentiment purement humain, pourtant la pièce en paraissait saturée. Sous leurs visages de marbre, les enjeux personnels étaient effectivement immenses pour ces deux êtres de la nuit. En dépit de ses aptitudes toujours grandissantes, de ses pouvoirs, de sa force, Jean ne s’était jamais senti plus diminué qu’au cours de ces dernières années. Comme amputé d’une partie de lui-même. Sa dignité, son estime. Son sang.

- Je vois que tu n'es plus tout à fait la même. Crois-le ou non, j’ai fini par changer moi aussi, enchaina-t-il. Un peu. Non par la semi-mort qu’il s’était vu affronter, mais par ce que son réveil lui avait imposé. Des désillusions multiples qui lui avaient tout bonnement donné envie d’en finir. Mais il ne le lui confierait pas aujourd’hui. Jamais peut-être. Nous allons devoir réapprendre à nous… fréquenter. A nous refaire… confiance. Alors bien qu’il avait diablement besoin de se trouver un lieu de vie, il n’irait pas se précipiter pour autant.  

Il marqua alors un court silence. Ses yeux se détournèrent d’elle, en même temps que son corps. Il se dirigea vers la table de nuit, haute, d’un bois verni brillant. Contre elle était adossé l’étui usé d’une guitare. Dans le premier tiroir, il en sortit une dague. C’était l’un des seuls objets de son existence passée qu’il avait récupérés. Il l’avait sur lui ce jour fatidique de 1895. Il se retourna, le couteau en main, regardant Elinor, qui se tenait toujours droite, à l’autre bout de la pièce, contre sa fenêtre. Il fit quelques pas dans sa direction.

- Approche. Sa main gauche se tendit vers la brunette. Il offrait sa paume pour qu’elle y glisse le revers de sa main. Elle pouvait deviner ce qu’il comptait faire. Jean était un Goûteur de Sang. Le geste était surtout un symbole. De confiance. Pour prouver sa bonne foi et consolider leur lien. Mais elle pouvait tout aussi bien choisir de se dérober. Où en est ta Présence ? Demanda-t-il en même temps.
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- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
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Jeu 10 Aoû - 18:39 (#)

Only Lovers Left Alive

L’aveu était consommé. Un bien curieux discours, que des années d’émotions ambivalentes avaient façonné, et dont Elinor ne parvenait pas, même à cet instant fatidique, à analyser l’entièreté. Elle l’observait, cet être trop vieux pour être dupé, avec son costume désuni, asymétrique, et passé de mode ; que ressentait-elle à son propos ? Tristesse, crainte, joie ou impatience ? Ou bien tout cela se résumait-il à une ruse de sa part, pour se débarrasser d’un siècle de culpabilité ? Elle qui n’avait jamais été sentimentale venait de se l’avouer à elle-même, et à Jean, que des émotions palpitaient dans ce cœur froid qu’était le sien. Ou bien étaient-ce seulement les inventions inconscientes d’une créature dont l’existence même était une manipulation ?

Elinor aurait pu se duper elle-même. Invisible fleur empoisonnée s’épanouissant dans les ombres, elle était somme toute une création tissée de faux-semblants que même le français n’avait jamais pu dénouer. Même son clan n’avait qu’une piètre idée de l’étendue de son jeu, bien à l’abri derrière le sanctuaire de son esprit, impénétrable bastion fortifié par sa Présence. Elle aimait cela. L’immortelle aimait caresser de sa main cet immense placard rempli de masques qu’elle endossait selon ses besoins, et ôtait rarement. Alors, quand Elinor examinait les rictus de son Sire, les inflexions de sa voix, tout autant que les plis de sa bouche, elle ne se dévoilait jamais entièrement, conservant toujours un masque rigide qui lui conférait un certain recul.

Elle sut que son discours à cœur ouvert l’avait ébranlé. Face à ces premières questions, chancelantes, Elinor hocha simplement la tête, savourant en son for intérieur le contentement égoïste d’avoir comblé la distance entre eux. Cela n’était pas uniquement une affaire de comptabilité, en effet, mais d’espérance sentimentale et de fierté personnelle. Une épreuve à surmonter, en particulier. Une façon de se prouver à elle-même, que la vampire d’aujourd’hui était à même de réparer les erreurs de l’Infante indifférente d’hier.

Un souffle anima finalement son masque. Elle lui sourit. « Bien sûr. Je n’allais pas te proposer d’habiter chez moi. C’est prématuré, je le comprends. Néanmoins, je pourrais te procurer un appartement correct, si tu en éprouves le besoin. C’est une histoire de quelques coups de téléphone. »

Une étincelle de malice trahit cependant son sourire. L’accentuation de Jean concernant la modernité ne lui avait pas échappé, elle si rodée aux théâtres verbaux des Essaims et des affaires britanniques. Toutefois, Elinor ne se permit pas d’assouvir sa curiosité ; pas pour l’instant. D’informations sur la vie de son Sire avant son arrivée à Shreveport, son Infante ne s’en était procurée aucune. Cela aurait été déplacé, et dispensable, comme un voyeur aurait scruté l’intimité d’une vieille connaissance, avec qui toute attache était rompue.

Elinor avait des principes.
Du moins, tant que ceux-ci ne la freinaient pas.

Adossée contre cette fenêtre, dont la britannique commençait à apprécier la fine brise, elle suivit des yeux les mouvements de son Sire, sa fine silhouette aux membres déliés, que Elinor n’avait plus contemplé depuis un siècle. Parmi ce mobilier guindé, reposait un vieil instrument qui, elle le devinait, était quelque souvenir de l’antique compositeur. Tout comme l’arme que ce dernier extirpa d’un tiroir, dont la lame indiquait une antique facture ; la vampire haussa un sourcil à sa vue. Quel vieux fouineur, pensa-t-elle, en partie affectueusement, et en partie un tantinet contrariée. Durant un instant de silence, elle n’esquissa pas la moindre intention de se joindre à lui, tandis qu’il lui opposait une main tendue pour le prix d’une trêve.

« Tu me demandes quelque chose de très personnel. » Elle soupira. Non de lassitude, ou de contrariété, mais d’un amusement à la fois las et résigné. « Tu crains que je ne cherche à influencer ton jugement ? »

Elinor lui concéda un sourire indéchiffrable pour toute réponse. Puis d’une démarche rapide et assurée, elle se détacha finalement de la fenêtre, et déposa d’elle-même sa main dans la paume froide de Jean. Aucune ridule de crainte quant à ce que le français pourrait lire d’elle, ne semblait prête à ébranler la surface de son assurance. Ou bien Elinor lui réservait-elle, à son tour, quelques surprises depuis son sac à malices.

« Pour revenir au sujet de la décoration intérieure, j’apprécie encore le cachet ancien. Quoique rien d’aussi impersonnel », fit-elle en jetant un regard circulaire à la chambre, avant de fixer à nouveau son Sire dans les yeux. « Mais le confort moderne n’est-il pas incroyablement commode ? »

L’Infante se tenait droite face à lui. Elle pouvait percevoir le parfum suranné de son costume, et observer les nuances de ses pupilles, les sursauts nerveux de son expression, jusqu’à la texture de ses cheveux. Avec une telle proximité, et leurs mains liées ensemble, Elinor était aux premières loges pour déchiffrer l’énigme de l’homme. Elle en profita pour assouvir sa propre curiosité, en même temps qu’il nourrissait la sienne.

« T’ont-ils branché la Wifi au moins ? » La vampire scruta sa réaction de près. « Je pensais te trouver équipé d’un casque, à écouter confortablement Spotify ou Youtube. »

Le ton était badin. Le test à deux doigts de la mesquinerie, Elinor l’avait calculé. Mais Jean lui avait demandé son sang, un liquide ô combien personnel pour les leurs, et chercher à connaître le rapport qu’il entretenait avec la technologie, lui semblait de bonne guerre. L’Infante malicieuse, elle, n’avait pas besoin de recourir à ses pouvoirs pour fouiner dans la mentalité de Jean. Lire dans ses yeux lui suffisait. Et les siens étaient rivés à ceux du français.

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You shall be a restless wanderer
Jean Delaube
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DANS LE NOIR

En un mot : Lalalalaaa
Qui es-tu ? : Immortel usé de 610 ans • Torturé et incisif, sentimental et indiscipliné • A grandi dans les traditions de l'Est et parcouru une partie du monde • Musicien virtuose • Libertaire dans l'âme • Sire d'Elinor Lanuit • Déclaré mort en 1895, il réapparait seulement aujourd'hui • En marge du monde moderne
Facultés : • Voie du sang : Niveau 4-1
Goûteur de sang professionnel. Source de vie et de puissance pour lui-même et ses congénères, il sait le sonder, le manipuler et le sublimer. Attention, il lui arrive de le voler...
• Présence : Niveau 1-4
Sait attirer l'attention sur lui et forcer l'adhésion
• Voile cendré : Niveau 1-1
Perçoit naturellement brièvement les esprits, mais s'il concentre son sang, c'est l'intégralité du plan semi-astral qui se révèle à lui
DERRIÈRE LE BROUILLARD

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Mar 22 Aoû - 14:37 (#)

- Nous en reparlerons, acquiesça-t-il simplement alors qu’elle évoquait l’existence d’un appartement où elle pourrait le loger. Il affichait ainsi son intérêt, sans aller trop vite en besogne. Il ne voulait pas paraitre désespéré. De fait, il ne l’était pas d’ailleurs. Même s’il n’avait aucun plan B défini. Rien de bien surprenant alors que le plan A venait fraichement de se matérialiser.

Après l’aveu de leurs intentions, il était dorénavant l’heure de tester les concessions qu’ils étaient prêts à faire chacun dans cette direction. Jean du moins ressentait ce besoin de se voir offrir cette offrande emblématique, en gage. Ce n’était que trois fois rien. Quelques gouttes, voilà tout. La main tendue, le français avait planté son regard olive dans les yeux sombres de son Infante et les soutint. Il ne répondit rien dans l’immédiat, attendant simplement qu’elle fasse un geste vers lui, ou qu’elle se détourne définitivement. Elle s’approcha finalement, avant de déposer sa main dans le creux de la sienne. Il lui répondit alors seulement.

- La « Création qui surpasse son Maître », je suis curieux, seulement. Elle n’avait en soit pas besoin de ça pour altérer son jugement. Après tout, ne le faisait-il parfaitement bien tout seul ? Il lui rendit son sourire énigmatique. Il ne l’obligerait toutefois pas à répondre. Elle avait certainement beaucoup progressé ce siècle passé. Elle était devenue une vampire Accomplie, après tout.

Les doigts de l’Aîné s’étaient subtilement refermés sur la main délicate de l’anglaise. Sa dague toujours enfouie dans sa main habile, il n’amorça cependant aucun mouvement avec cette dernière. Elinor n’avait pas encore à craindre la brûlure de la coupure. Cela lui permit de parler confort et décoration et Jean se contenta d’hausser les épaules.

- Je le reconnais. Il y avait des avantages. Mais le confort à ses yeux restait uniquement l’assurance d’une journée qui se déroulait dans le noir complet. La modernité offrait en effet la possibilité d’une chambre avec vue, comme celle-ci. Un accès extérieur, et sa brise au cœur de la nuit, qui se transformait en véritable barricade opaque avant même les premières lueurs du jour. Un luxe. L’équivalent des draps de soie quand le corps d’un immortel savait se contenter de la surface rigide d’une vulgaire baignoire. Mais je reste un peu vieux jeu, confessa-t-il.

Une lueur de malice éclaira son visage. Aussi aimait-il toujours aussi les bons vieux barillets. Il n’avait pourtant jamais dit non à des coussins moelleux. Certainement saurait-il jouir aussi des bienfaits de la technologie actuelle, s’il parvenait seulement à s’en servir. Mais l’effort que cela impliquait était tel qu’il préférait s’en désintéresser. Pire qu’une personne âgée, il était carrément un ancêtre ! Inutile de dire qu’il était incapable d’expliquer le concept du Wifi et qu’il n’avait jamais entendu parler de Spotify ! Il connaissait toutefois Youtube… enfin peut-être. Il lui arrivait de fréquenter des cybercafés. Mais il devait toujours se faire aider, ça ne manquait jamais.

Elinor avait à peine fermer la bouche que la pointe du poignard fendait sa peau. L'entaille, fine, avait suivi sa ligne de vie. Une ligne qui ne laissait pas présager une mort à la fleur de l'âge. Et pour cause. L'hémoglobine teinta le poignard de rouge.

- Et non, glissa-t-il en réponse à sa précédente reflexion. La perplexité avait certainement traversé son regard. Elinor pouvait bien lire dans ses yeux ce qu’elle voulait, déchiffrer son Sire ne devrait pas lui être trop compliqué. Qu’importait. Il était passé à autre chose.

La blessure superficielle commençait déjà à se résorber quand le vampire passa sa langue sur la lame. Ses pupilles se dilatèrent alors qu'une série d'informations se formaient dans son esprit. Capturées par son Don. Un simple état des lieux général. Jean ne fit pas de commentaires. Il n'apprit rien d'essentiel qu'il ne savait déjà où qu'il n'aurait pu deviner. Tant mieux, elle ne s'était pas perdue. Il esquissa un sourire.

- Puisque ça, c'est fait... Passons à la suite. Raconte moi comment tu es arrivée jusqu'ici ? Enchaîna-t-il. Shreveport, les Lanuit. C'était qu'ils avaient dorénavant beaucoup de choses à se dire, non ? De son côté, il était aussi - enfin - prêt à s'ouvrir.
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Tea For Two - Ils t'entraînent au bout de Lanuit, les démons du mépris
Elinor V. Lanuit
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Let's spend an evil night together
En un mot : Don't be afraid ; It's only death. It's just as natural as your first breath.
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, séduite par le pouvoir et reine stratège, son plaisir de tout contrôler égale sa soif de connaissances en arts obscures.
- Vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire dont l’amour empoisonne les malheureux attirés par une élégance inaccessible aux simples mortels.
- Monstre évoluant dans l’anonymat des ombres, elle traverse les siècles sans fléchir ni se lasser, se proclamant véritable immortelle avide de vie et de savoir.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps figé par les siècles ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique dont son clan profite à souhait, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Une Présence (niveau 2, palier 5) cultivée avec patience se lit dans son regard enjôleur, rendue redoutable par un siècle de manipulations opportunistes.
- L’Occultation (niveau 2, palier 2) masque son être pour mieux agiter les fils de ses marionnettes, tandis que son esprit demeure son sanctuaire interdit, où elle ne tolère personne.
- Un Animalisme (niveau 0, palier 0) incongru la colle, sans qu’elle ne daigne y accorder le moindre intérêt, quand ce talent bestial semble si éloigné de son tempérament et de ses valeurs.

Thème : Jill Tracy : Evil Night Together
We'll drink a toast in the torture chamber
And you'll go down on a bed of nails
We'll rendevous in cold blood
I'll tie you up to the third rail
No need for cake or flowers
Let's spend an evil night together

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Dim 3 Sep - 13:41 (#)

Only Lovers Left Alive

Vieux jeu. La réflexion lui tira un nouveau sourire, de même qu’une ribambelle de souvenirs venus d’un autre continent. Un vieux continent, lui aussi. Où le brouillard rencontrait la mer, où la noblesse allait de pair avec la cruauté ; où Elinor, l’endurcie, avait rencontré Jean, le sentimentaliste. Déjà en ce temps, il était vieux. Deux cent ans de moins qu’aujourd’hui et tant de poussière d’époques révolues accrochées à ses semelles. Un temps comme une danse de funambule sur l’épaisseur d’un fil, où deux mains désassorties se serraient l’une dans l’autre, quoique avec méfiance. Lui l’avait emporté dans les couloirs éternels de la nuit, où leurs pas résonnaient en cadence pour le meilleur comme pour le pire, et en cadeau, elle l’avait apaisé contre les affres du temps qui passe, contre les innovations des hommes qui ne cessaient jamais d’assaillir le monde.

Le sourire d’Elinor devint pensif. Ce sentiment de fracture, pourquoi ne l’avait-elle jamais éprouvé ? N’était-elle pas une créature ancienne désormais, vouée à être désorientée par le moderne ? Pourtant, quand elle découvrait ces innovations, ce foisonnement interrompu de nouveautés, la vampire y voyait des possibilités là où ces semblables voyaient des obstacles. Était-elle encore trop jeune alors ? En dépit du fossé séparant cette époque du tout-numérique à son ère victorienne, cette dernière n’était pour l’immortelle qu’un cadre ancien, que la brillance de la nouveauté avait terni à ses yeux. Et Elinor eut beau scruter l’expression de son Sire, elle ne trouva nulle réponse à sa propre ambiguïté. Sa bouche commençait à former l’ébauche d’une question à ce propos, quand la morsure d’une lame dans sa main la coupa dans son élan.

« Hm. » Elle ne s’autorisa d’un pincement de lèvres. Trop britannique pour manifester sa douleur autrement et trop fière pour avouer que l’immortalité n’avait en rien altéré les aléas de la chair blessée.

Cependant, Elinor avait vu juste. Une fois encore. À son modeste, et quelque peu mesquin, examen, Jean ne lui offrit qu’un simple non et une brève lueur d’incompréhension dans ses yeux. L’Infante ne commenta pas. En réalité, elle s’en doutait. Lui qui était déjà, voilà deux siècles de ça, désintéressé et détaché des systèmes de finances libérales et de l’industrie naissante, comment aurait-il pu surmonter l’afflux de technologies qui apparaissaient chaque mois ? Le français avait six siècles. Six siècles, se répéta-t-elle, comme pour mieux se représenter l’ampleur du laps temporel. Six siècles, et combien de décennies avait-il eu pour se réhabituer à ce nouveau monde ? Elle n’avait pas la moindre idée de l’année à laquelle sa Torpeur avait pris fin.

« Ce sera un long récit dans ce cas, » fit-elle, encore prise dans ses pensées, tout en observant la plaie de sa main se refermer à vue d’œil. « Mais je suppose que nous avons toute la nuit pour le raconter. »

Machinalement, elle remua les doigts. La douleur s’était estompée, au profit d’une curiosité renouvelée qui était désormais tournée vers les années ayant suivies l’éveil de son mentor. Qu’avait-il éprouvé ? Comment avait-il appréhendé tout un siècle de rupture totale avec leur époque à tous deux ? Cela fascinait Elinor. Non pour se moquer de lui, mais par pure curiosité presque scientifique, car ce malaise lui était étranger.

« J’aimerai aussi apprendre ce que tu as fait depuis ton éveil. Tes impressions sur cette époque, et ce que tu comptes en tirer. Mais puisque tu m’invites à commencer... »

D’un mouvement étudié, Elinor pivota vers la chaise empruntée lors de son arrivée. Elle s’y assit, les jambes croisées, alors que la fenêtre entrouverte laissait encore danser la brise dans ses cheveux déliés. Raconter le cheminement qui l’avait conduite sur ce nouveau continent, avec ses tares et ses qualités, ne la dérangeait pas. Le compromettant serait édulcoré de son récit, quand le reste, les Lanuit et l’univers singulier qu’était Shreveport, elle comptait bien lui présenter avec le plus d’objectivité possible. Elle s’éclaircit la voix.

« Bien. » l’immortelle fit mine de réfléchir au début de son récit, quand bien même le fil conducteur était une évidence. « Shreveport est son propre univers à lui seul, sur bien des aspects. Mais je ne suis pas venue ici tout de suite. Le mieux serait sans doute de commencer par les mois qui ont suivi ta disparition. »

Plus d’un siècle d’existence à résumer en une nuit. Le défi lui plaisait. L’esthétique de leur chambre détenait ce caractère intemporel, comme une capsule détachée des événements où le temps s’arrêtait le temps d’un conte. L’immobilité y était de mise, à la manière de ces interminables soirées d’hiver où les âmes prenaient place et s’asseyaient, sans craindre de perdre leur temps. Un schéma immuable même pour les immortels.

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