Dites le avec des fleurs ? | Ciàran

Sceptique, je fixai sans bouger l'épais bouquet de fleur accroché a la porte de mon oncle. Je n'étais pas idiote, je savais pertinemment ce que c'était. Mes doigts se resserrent sur mes sacs de courses, bon sang ! Des fleurs de tue-loup. Oh c'était de belles fleurs mais plutôt urticante pour moi. Mon oncle m'avait déjà prévenu des pièges qui avaient été posé autour du Caern, j'avais fais particulièrement attention la dernière fois que j'avais laissé les rênes a ma louve, mais je ne m'attendait pas ce que cela arrive jusqu'à chez nous. Vraiment pas. En prime, le bouquet était habilement posé, il bloquait la clenche et la serrure. Des yeux, je cherchais un objet pour pouvoir l'enlever de là sans devoir le toucher mais...Contrairement a chez moi, rien ne traînait sur le perron. Pas même un parapluie, merci mon oncle qui rangeait toujours tout, pour une fois, ça aurait été utile qu'il soit un peu plus bordélique. Finalement, j'en vins a considérer mon sac de courses. Si je le vidais, je pourrais en faire un gant de fortune et me débarrasser de ces fleurs.

Je soupirai doucement avant de m’accroupir en posant mon sac devant moi, ce n'était que des produits frais, j'aurais intérêt a tout laver avant de les mettre au frais. Mais surtout, je devais garder ce bouquet comme preuve et dire a mon oncle de faire attention. Ces fleurs n'étaient pas posées là par hasard. Est ce que ça voulait dire que quelqu'un savait ? Pourtant, rien ne nous trahissait, honnêtement, avec les arcanistes nous étions ceux les plus susceptibles de passer pour de parfaits humains alors comment ? Avait on été suivit ? Espionné ? Cette idée me faisait peur, je l'avouais. Parce que ce bouquet...ce n'était alors rien de moins qu'un avertissement, la prochaine fois qu'est ce que ce serait ?

Je tirais mon portable de ma poche arrière et pris rapidement une photo du bouquet avant de l'envoyer a mon oncle avec un rapide message. Il devrait faire attention, je n'avais pas été voir la porte du garage et Samuel était en ville, si il rentrait et...non, autant ne pas penser a ça. Avec ce message, il se méfierait, il devait aussi avertir la meute. Je ne savais pas qui nous visait, ou si je ne le savais que trop bien mais...cela faisait quelque jour que j'étais arrivée et je n'avais rien vu des groupes anti CESS, du moins, rien en surface mais là...Nous étions visés. Directement. Pensive, je vidais mon sac sur le perron, prenant garde a les conserver le plus propre possible quand une ombre me surplomba, me faisant sursaut et basculer sur mes fesses dans un cri de surprise. Bordel, j'étais déjà assez stressée comme ça ! Je lâchais un juron en norvégien avant de lever rapidement la tête et tomber sur une paire de prunelles noires qui me fixait avec autant de surprise. « Vous m'avez foutu une trouille du diable... » soupirais je en frottant mes mains après m'être relevée. « Vous êtes venu voir mon oncle ? » je ne voyais que ça. Après tout, mon oncle avait peut être 70 ans mais il en paraissait 40, l'homme devant moi devait en avoir une trentaine non ? Enfin si cela se trouvait c'était un client aussi, mais il n'avait pas l'air menaçant même si je demeurais un peu méfiante par nature...Je me demandais un instant de quoi j'avais l'air entourée de tomates, laitues et briques de lait...une folle peut être....Ou quelqu'un qui cherchait ses clés.

Le climat en ville est de plus en plus lourd et instable et les incidents se mettent à pulluler. Je me dois de mener de front ma vie habituelle, reprenant mon boulot au PASUA ? Mais sans encore avoir eu le courage d'avouer à mes supérieurs ou même mes collègues ma nouvelle nature, craignant un peu trop qu'on me licencie ou me mette en congé forcé pour quelques temps... Ce qui serait sans doute beaucoup plus sage. Je ne peux pas me voiler la face, les choses ne sont plus comme avant. Je cohabite avec cet étranger et je le sens en permanence, ayant soif de liberté. Je sens la différence, bien réelle, entre l'avant pleine lune et l'après... Rien que d'y penser, je sens un long frisson me courir le long de l'échine. C'était... Terrible. Terrifiant. J'ai au moins eu la jugeote de savoir demander de l'aide pour cette première fois. Mais quand je songe qu'Aodh a vécu cela seul... Depuis plusieurs mois. Nous n'avons pas du tout la même façon d'appréhender les choses malheureusement... Il déteste ce qu'il est devenu et il n'est qu'une boule de rage. Je n'aime pas davantage d'avoir changé, mais je ne refuse pas tout en bloc, parce que cela ne sert malheureusement à rien. Nier ce qui est arrivé ne le rend pas moins réel. Et la façon dont mes émotions et mes réactions m'échappent est un bon indicateur de ce changement.

J'ai mille questions à ce sujet d'ailleurs. J'aurais sans doute du m'y intéresser auparavant, mais savoir des choses sur les lycans en tant qu'agent du PASUA et les avoir en tant que nouveau loup, c'est totalement différent. Et il y a quelqu'un qui peut répondre à mes questions. Même si je suis encore estomaqué qu'il soit un lycan et qu'il l'ai caché tout ce temps. Je me suis senti floué, quelques part. Trompé aussi. Avec l'impression de ne pas vraiment connaître cet ami depuis une décennie. Mais puis-je vraiment le blâmer de m'avoir menti ? Il connaît mon avis sur la question, assez peu amène... Enfin, bref, la stupéfaction est passée. Et Samuel... reste Samuel. Alors c'est sans trop d'appréhension que je vais jusqu'à son garage et me dirige vers son appartement.

Sauf que devant la porte, il y a une jeune femme. Je ne vois d'elle que son physique, sa blondeur aussi. Sans prendre garde, j'approche silencieusement, ce qui provoque une réaction de stupeur chez elle, accroupie. Elle se retrouve sur les fesses. Mais qu'est-ce qu'elle fait au juste ? « Pardon, je ne voulais pas vous faire peur. » Vraiment. Intrigué, j'observe ses courses. Deux options : une copine de Samuel. Ou sa nièce. Je n'ai pas le temps de l'aider à se relever qu'elle le fait toute seule. Et qu'elle confirme mon hypothèse. « Oui, il est là ? » J'avise alors les fleurs accrochées à la porte. Qui gênait l'ouverture. Je m'en approche, trouvant bizarre cette façon de déposer un bouquet et leur parfum finir par me monter à la tête. Saisi d'un vertige aussi soudain qu'inhabituel, je tends rapidement la main vers ce foutu bouquet, pour le balancer par terre et dégager la porte, puis recule, sentant ma main chauffer à ce simple et très bref contact. « Mais c'est quoi ça ? » Je demande d'une voix faible, reconnaissant alors les fleurs. L'aconit... Une plante qui ne m'a jamais rien fait... Jusque maintenant. Ses effets me frappent de plein fouet.

J'eus un sourire, peut être un peu crispé parce que j'étais dans une situation bizarre, mais un sourire tout de même. « Ce n'est pas grave, j'étais concentrée sur autre chose. » comme comment retirer ce foutu bouquet de poison de la porte sans finir inconsciente sur le sol par exemple. Je ne m'étais pas trop rapprochée aussi le parfum vénéneux restait léger et ne m'affectait pas trop. Rien que je ne pouvais pas gérer. Après tout, on nous apprenait très tôt les dangers de cette plante pour nous, jusqu'à nous en faire ressentir les effets pour que l'on puisse les reconnaître et s'éloigner rapidement. Ca pouvait paraître cruel mais c'était un bon moyen de travailler notre instinct de survie. Les jeunes loups ont toujours tendance a fureter partout et être dévoré de curiosité. Bref, ce n'était pas le sujet alors que je me tenais debout devant un total inconnu.

Qui venait voir mon oncle donc. Une petite moue plissa mes lèvres. « Non, il est en ville pour une course, mais il ne devrait pas tarder. Vous voul... » Je n'ai pas vraiment le temps de finir ma phrase qu'il s'intéresse au bouquet. Mon premier réflexe était de lui dire de ne pas y toucher avant de me mordre la langue pour me taire. Il était humain, il ne craindrait rien et, mieux encore, il m'en débarrasserait, ce qui m'arrangeait ne nous le cachons pas. L'humeur plus légère, je me penchais pour récupérer et réemballer mes courses pendant qu'il donnait un coup vif qui décrocha les fleurs. Mmmh...normalement, il aurait été plus simple juste les prendre non ? Les jeter comme ça... Un peu curieuse, je demandais : « Vous aussi vous êtes allergique aux fleurs ? Je me demandais comment les décrocher sans finir a l’hôpital. » Superbe excuse que je pratiquais depuis petite quand je me retrouvais face a de l'aconit. Ca marchait aussi sur l'argent, après tout, les allergies, c'était commun chez les humains et ça touchait tout et n'importe quoi. L'excuse absolue en somme. Seulement... « Ca va ? » questionnais je en le voyant devenir tout pâle, la main coupable du coup sur les fleurs, crispée. Alors ça.... je ne m'y attendais pas et je n'avais absolument pas envisager qu'il soit un garou...non attends, si ça se trouve c'était une réaction allergique banale. Ne nous emballons pas. Je ne l'avais jamais vu au sein de la meute de Shevreport que je côtoyais régulièrement depuis l'enfance donc le doute était permis.

Mes courses remit en sac, je fouillais mon sac avec rapidité pour trouver mes clés. « Attendez deux secondes et...- j'enfonçais la clé dans la serrure et tournai pour ouvrir la porte – Vous pourrez vous poser, vous avez l'air a deux doigts de tourner de l'oeil. » Je poussais le battant, jeta les courses dans le hall avant de m'emparer du bras de l'homme un peu vacillant pour l’entraîner vers le salon. J'étais plus forte qu'une humaine normale donc je n'eus pas beaucoup d'effort a faire, bien que je simulais un peu pour rendre la chose crédible. Je le guidai vers le canapé. « Je vais vous chercher un verre d'eau. » fis je avant de filer en cuisine, fouillant dans mon sac au passage pour prendre des cachets contre les allergies que je promenais toujours sur moi. Je n'étais allergique a rien mais ça perfectionnait le mensonge. On était jamais assez trop prudent....je l'avais appris quelque peu a la dure en quelque sorte. Je posais le tout devant lui sur la table basse.

J'observe la jolie blonde, surprise par mon arrivée. Concentrée sur autre chose... Ses courses ou bien ce bouquet installé de façon un peu étrange sur la porte ? Un bouquet dont l'odeur me déplaît. Je ne suis pas encore habitué à ces nouvelles informations, qui saturent quelque peu mon cerveau. Les odeurs, les sons... Une force plus importante également. Tant de choses nouvelles à gérer, tout en prenant garde à ne pas me trahir. C'est un exercice d'équilibriste épuisant. Et c'est pour cela que j'ai besoin de Samuel. Au delà d'être un ami de longue date, il est un lycanthrope. Un membre important de la Meute, qui sait guider les plus jeunes. Je suis toujours circonspect à ce sujet. Divisé entre ce que je sais de lui, ce que je découvre, et cette partie animale en moi qui a ses propres réactions, que je ne sais pas toujours déchiffrer non plus. Et malheureusement, il n'est pas présent encore. Je soupire à la réponse de la jeune femme, puis m'intéresse à ce bouquet étrange, que je décide de dégager de cette porte. Grossière erreur. Son contact me fait retirer ma main très vite pour le jeter au sol, alors que son parfum me monte à la tête et me donne le vertige. Et la jeune femme se rend alors compte que quelque chose ne va pas. Une louve elle aussi. Allergique aux fleurs ? Il y a vraiment des gens qui croient à cette excuse ? Une allergie ne se traduit pas par des brûlures et des vertiges... Pas avec des fleurs. Ce serait davantage respiratoire et sûrement pas mortel. Enfin, je pense, je ne suis pas spécialiste non plus.


« C'est de l'aconit. » Je réponds d'une voix faible, pour la dévisager quand elle me demande si ça va. Est-elle lycanthrope ? Les membres d'une même famille ne le sont pas forcément, mais... Le bouquet déposé ici ne l'est clairement pas par hasard et cela fait écho à tout ce qu'il se passe depuis quelques jours en ville. Ce n'est vraiment pas le moment. Je n'ai aucune idée de comment gérer tout ce bordel avec le PASUA ? Tout en devant me gérer moi-même avec cette nouvelle nature inconnue et effrayante que je ne maîtrise absolument pas. Je pose ma main contre le mur et chercher à respirer calmement et faire refluer cette vague de faiblesse qui s'est emparée de moi subitement. je... Je n'ai jamais expérimenté ça. Elle se dépêche à ouvrir la porte, se rendant compte que je ne suis pas loin de faire un malaise. J'aurais du me méfier... J'ai oublié ce que j'étais devenu, méconnaissant totalement toutes ces choses qui sont devenues dangereuses pour moi maintenant...

Je n'ai pas d'autre choix que d'accepter l'aide de cette inconnue, alors qu'elle me fait entrer chez Samuel. Le parfum entêtant de l'aconit finit par s'estomper une fois la porte refermée. Et je me laisse tomber lourdement sur le canapé, fermant les yeux alors que tout tourne autour de moi. Bon sang, mais je ne me doutais pas que cette fleur inoffensive avait ce genre d'effet... C'est terrifiant. Elle revient avec un verre d'eau et des... cachets. « Merci... » Mais je regarde les pilules, méfiant. « Qu'est-ce que c'est ? » Je ne suis pas disposé à prendre n'importe quoi. Elle a beau être mignonne et aimable, je ne sais rien d'elle, si ce n'est que c'est la nièce de Samuel. Et qu'elle n'a pas l'air d'avoir compris que je suis... un garou. Ou qu'elle fait semblant. Je demande alors de but en blanc : « Vous êtes lycanthrope ? » Elle n'a pas touché au bouquet, elle a parlé d'allergie... Elle est de la famille de Samuel. Bref, tout concorde.

Il est méfiant. Peut être a-t-il raison. Ses symptômes sont bien plus révélateurs que je ne l'aurais voulu et il n'a pas l'air de vouloir sauter sur la porte de sortie que je lui avais offerte. « Un anti-allergique, c'est marqué dessus. » répondis je alors en tapotant mon ongle sur la boite. Enfin, il devrait aller mieux rapidement une fois hors de l'influence de l'aconit, cela dit, je lui tendis une lingette désinfectante pour qu'il s'essuie la main... Je ne savais pas vraiment comment agir alors j'avançais avec prudence mais ce ne fut absolument pas son cas alors qu'il me posait une question abrupte.

Interdite, je battis rapidement des paupières en le fixant soudainement. Il était sérieux ?! Qui posait ce genre de question ? Surtout qu'au contraire des autres races, les loups n'avaient pas fait de révélation, ils avaient fait tout l'inverse, ils s'étaient repliés sur eux même. Le fait qu'il me la pose pouvait être aussi pour confirmer des soupçons et...Et si il...Non, enfin je ne le pensais pas responsable du bouquet posé sur la porte mais.... Je laissais légèrement ma louve s'avancer en moi, ne serait ce que pour avoir ses impressions, son instinct. Je n'étais pas une dominante, bien loin de là, mais je restais une louve. Cela dit, celle ci semblait plus curieuse que méfiante et elle avait de bonnes intuitions généralement. Je soupirais lorsqu'elle se retira, m'asseyant sur la table basse face a cet homme qui n'avait pas l'air d'avoir conscience que ce genre de question c'était dangereux.  Je posai mes coudes sur mes genoux avant de loger mon menton dans le creux d'une main. « C'est dangereux ce genre de question vous savez ? » Voir plutôt risqué même. « Je ne vous connais pas, mis a part que vous êtes potentiellement un ami de mon oncle. Vous apparaissez pile a un moment où je suis plutôt embêtée et parvenez a entrer chez moi. Vous savez, c'est un peu suspect. » continuais je en haussant un sourcil.

Et affaibli comme il l'était actuellement, il ne représentait pas forcément un danger. Cela dit, si il était loup, comment se faisait il que je ne l'avais jamais vu dans la meute ? Je l'aurais forcément remarqué, il était très attirant et même si j'étais échaudée je n'étais pas aveugle, donc quoi ? Un nouveau loup ? Une transformation consentie ? Ou pas ? Difficile a dire. Mon oncle était le Bolverk avait il été mandaté pour se débarrasser de lui ? Bon, ça j'avais plus de mal a le croire, sinon il ne serait pas venu de lui même. Enfin je crois. Ah... « Et un loup pourrait se sentir menacé par cette question et répondre en conséquence. » Surtout un dominant en fait, plus prompte a la violence qu'un oméga comme moi. « Un dominant vous aurait sans doute déjà sauté a la gorge. » achevais je avec un soupir dépité. Bon, dans le pire des cas, si je me trompais, j'en parlerais a Samuel et...Ah bon sang, je n'avais rien d'une tueuse moi ! Même si j'en acceptais la nécessité pour la protection de la Meute cela dit. Je n'étais pas naïve et je savais très précisément en quoi consistait le rôle de mon oncle en son sein donc j'espérais pour cet homme qu'il ne soit pas un danger. Ni pour moi, ni pour mon oncle et encore moins pour la Meute.

On dirait que j’ai commis un impair en me montrant si franc avec la jeune femme, qui prend son temps pour me répondre. Je ne pense pas me tromper en la cataloguant comme louve, alors qu’elle est la nièce de Samuel, et en recoupant tous les éléments que j’ai à ma disposition. Pour autant, elle semble choquée et j’attends patiemment qu’elle vienne prendre place, tandis que je me suis passé la lingette aimablement offerte sur la main, qui me brûle très désagréablement. La sensation de faiblesse est encore là, bien qu’atténuée et le vertige s’est dissipé. Quand elle reprend enfin la parole et me fait part de ses impressions, j’ai un sourire un peu amer. Comme ci c’était moi qui m’étais amusé à poser cette foutue plante et à me brûler en l’enlevant, oubliant la plus élémentaire prudence. Je ne suis pas encore habitué à cette nature, ses nouvelles restrictions, autant que ses avantages. D’un côté, j’ai envie de la rejeter profondément, tant elle me répugne, mais cette envie, viscérale, est totalement irréfléchie et stupide, je le sais bien. Le côté plus analytique et rationnel de ma personnalité sait que je ne peux pas m’en débarasser et que vivre dans le déni ne servira à rien. Ce n’est pas quelque chose que je puisse enfouir sous le tapis en espérant que personne ne remarquera rien. Il y a une bête dangereuse et sanguinaire qui sommeille en moi et lutte âprement pour sortir. j’ai bien vu avec Aodh ce que cela donnait quand on ne la laissait pas s’exprimer… Et il n’est pas question que je devienne incontrôlable ou une bombe à retardement en permanence.

“Si je m’étais amusé à piéger votre porte, je n’aurais pas touché ce bouquet de cette façon. Il y a une limite à mon désir de piéger les gens et me blesser pour ça n’en fait pas partie.” Je réponds avec une certaine ironie d’ailleurs. Par contre, l’incompréhension doit se lire sur mon visage quand elle continue… Comment ça cela pourrait être mal pris par un loup ? Je ne comprends rien à ces histoires de hiérarchie et de Meute. Et elle confirme cela en concluant par la violence que cela aurait engendré chez un dominant… J’ai un sourire crispé. “Je dois conclure que vous n’en êtes pas une ? Ou vous êtes juste indulgente ?” Je soupire et me passe une main dans les cheveux, peu enclin à papoter de tout ça avec une inconnue, aussi charmante soit-elle. C’est encore un cap difficile à franchir pour moi. Explorer cette facette ne fait que la rendre plus réelle et c’est extrêmement désagréable. D’un autre côté, je suis venu chercher des réponses en venant ici et cela a-t-il vraiment de l’importance si il ne s’agit pas de Samuel ? Je note qu’elle n’a pas répondu vraiment à ma question sur sa nature, mais elle en sait suffisamment pour être une louve ou du moins, être quelqu’un de très imprégné de leurs moeurs…

“Ces histoires de… dominant. C’est nouveau pour moi.” Autant le dire franchement. Cela n’engage à rien et je ne vois pas quelles pourraient être les conséquences qu’elle pourrait exploiter contre moi en lui révélant être tout fraîchement mordu. J’ignore si Samuel lui en a touché un mot ou non. Pourquoi le ferait-il après tout ? “Je suis désolé si je vous ai offensé.”

Je fis une petite moue amusée. La méfiance était normale mais en même temps, je ne me sentais pas pour autant en danger et ma louve n'était pas alarmée, je n'avais fait qu'énoncer un fait. Cela dit, sa question était dangereuse, peu importait qui l'entendait réellement. Les loups étaient protecteurs, terriblement lorsque cela concernait leur meute. C'était dans notre sang, notre façon d'être. Une Meute, c'était bien plus qu'une bande d'animal. « C'est vrai, mais vous ne pouvez pas me reprocher ma méfiance si ? » fis je avec un petit coup d'oeil rieur. Plus je parlais avec lui, plus j'en étais convaincue. C'était un loup...et un loup ignorant si j'en jugeais par ce qu'il disait et demandait. Le prévenir était la moindre des choses même si je n'étais pas sûre...Enfin sûre de son rôle ou de ce qu'il faisait là. Cherchait il mon oncle pour de l'aide ou pas ? Difficile a dire mais je ne sentais pas de menace venant de lui.Cela dit, il n'avait pas l'air a l'aise, confirmant sans le vouloir mon impression qu'il était un loup...jeune ? Inéduqué ? Je me comprenais... Je le fixais un instant sans rien dire avant de laisser ma bouche se plisser en un sourire tranquille. « Peut être un peu des deux ? »

J'étais née louve, pour moi, tout ce que cela impliquait coulait de source mais ça n'avait pas l'air d'être son cas. Le loup savait d'instinct se placer dans une meute, parfois sans se battre parfois en le faisant mais ça restait quelque chose de naturel pour nous...Pas pour les humains. « Je ne suis pas offensée. » répondis je avant de me lever pour aller lui servir un...Est ce que Sam m'en voudrait si je tapais dans sa réserve de whisky ? J'espérais que non. J'en versais donc dans un verre avant de le tendre a mon surprenant invité. Puis je pris place dans un fauteuil a côté, glissant mes pieds sous mes fesses avec aisance. « Dominé, dominant, ce sont des mots qui ont une signification différente pour les humains. Je crois que j'ai déjà entendu parler de fouet et de latex même. » fis je avec un rire au fond des yeux. « Mais ça n'a vraiment rien a voir. Vous êtes venu chercher mon oncle pour des conseils je me trompe ? »  En fait, je n'avais presque plus aucun doute, même si, quelque part, j'avançais avec précaution. « Si vous étiez le plus fort d'un groupe, vous feriez quoi de cette force ? » demandais je en penchant légèrement la tête sur le côté avec un air attentif sur le visage. « Et si vous étiez le plus faible, que feriez vous ? » renchéris je en posant mon menton dans le creux de ma paume. « Ca vous dirait une petite expérience ? »

Il avait été créé, je ne savais juste pas si c'était contre sa volonté ou avec...Non en fait, je me disais que c'était plus contre sa volonté, sinon, il aurait été guidé, instruit et, surtout, il aurait sa place au cœur d'une meute pouvant le protéger ou a protéger. Ce que je m'apprêtais a lui demander serait risqué, plus pour lui que pour moi, parce que son loup agirait d'instinct, l'homme serait difficile. L'homme, l'animal, c'était une dualité difficile a trouver, plus a maintenir. Ma louve et moi avions trouvé notre équilibre facilement mais c'était dût a notre caractère, notre rôle dans la meute. J'étais calme et tranquille de nature, ma louve était joueuse et câline. Elle comme moi n'aimions pas les conflits et nous savions comment les éviter, c'était instinctif. Je me demandais si il avait peur de son loup, sans aucun doute, les débuts ne sont jamais faciles, trouver le bon ajustement est délicat. Je n'étais pas une dominante, son loup le sentirait d'instinct, il n'avait sans doute pas encore de meute mais il ne chercherait pas a asseoir une dominance avec moi donc il serait plus calme. Cela dit...je n'étais pas sûre du contrôle que l'homme pouvait avoir donc ça restait délicat. « Comme vous l'avez deviné, je suis effectivement une louve, je ne sais pas exactement ce que vous êtes venu chercher auprès de Samuel mais ma louve ne ressent pas de danger en votre présence et je lui fais confiance pour ça alors parlez m'en, je peux peut être vous aider. »

Je soupire, un peu agacé par la jeune femme. Est-ce que je peux lui en vouloir pour sa méfiance ? Sans doute que non, mais il faudrait voir à ce que cela ne soit pas dans l'exagération non plus. « La méfiance non. La paranoïa... » Je laisse mes paroles en suspens, ne finissant pas ma phrase, je pense que cela est suffisamment clair. Maintenant, je viens juste de pénétrer dans cet univers terrifiant en tant que créature maudite et ne sais pas encore ce qu'ils subissent au quotidien... C'est bien là le problème. J'ai traité bien des affaires, et vu des coupables, comme des innocents. Malheureusement le malheur s'abat indifféremment sur les gens. Je me demande alors vaguement si elle a eu à souffrir d'être un lycanthrope et avoir été molestée pour cela. Ce n'est pas pour rien qu'ils se cachent et ne dévoilent guère leur identité, surtout aux humains. Le fait que Samuel m'ai caché la vérité aussi longtemps me reste encore au travers de la gorge d'ailleurs. Elle me met cependant en garde concernant mon comportement peu adapté aux règles qui régissent les interactions au sein de ma nouvelle... race. Y penser ainsi me répugne mais je ne peux oublier ce que je suis devenu. Et ce qui m'amène ici d'ailleurs. Et sa réponse à mes suppositions est plutôt... Vague. Donc, elle n'est pas une dominante et elle est indulgente ? C'est ce que je dois comprendre. Quelque peu perplexe, je l'observe en silence. Avant de m'excuser d'avoir commis un impair de façon bien involontaire. Je sais lui révéler ainsi que je ne suis pas du tout habitué à cette nature, mais... cela a-t-il vraiment de l'importance maintenant ? Je ne pense pas.

Heureusement, elle semble ne pas être en colère contre moi, s'étant juste contenté d'énoncer un fait et de me mettre en garde. Si je dois déjà prendre garde à ce que je dis, fais et regarde, je pense que les leçons vont être longues et l'apprentissage pénible... J'accepte le whisky avec un sourire teinté de gratitude. Même si l'ivresse n'est plus vraiment possible, le goût, lui, n'est en rien altéré. Et je l'écoute ainsi me répondre sur ces histoires de domination en savourant le liquide ambré. Même si je manque de le recracher quand elle parle de latex. Ah... Oui, ça... Je n'y avais pas pensé en parlant ainsi. Je me racle la gorge, un peu gêné par la tournure de ses propres pensées. « Oui en effet. Nous nous connaissons depuis longtemps. » Et je ne sais qu'il est un loup-garou que depuis quelques semaines, mais passons.

Elle me prend un contre pied en me posant une question rhétorique que la force. Je ne réponds pas tout de suite, me demandant où elle veut en venir. Elle ne dit pas cela par hasard, elle a forcément une idée derrière la tête. Un leçon à m'apprendre ? C'est un peu vexant, aussi charmante soit-elle, au demeurant. Samuel m'a soigneusement caché qu'il avait une nièce aussi jolie. « Ce sont des questions pièges ? Ou une sorte de test ? » J'avance prudemment, ne répondant pas pour autant. Je suppose que cela a un rapport avec ces histoires de dominant et dominé. Ou de dominant et soumis, je ne sais pas quels sont les termes exacts finalement. Les dominants sont les plus forts et les soumis les plus faibles... Et moi, que suis-je dans cette vision assez simpliste ? J'ignore tout de l'animal tapi en moi et de ses prétentions là dedans. J'aurais aimé ne jamais avoir à me poser cette question d'ailleurs.

Je la regarde avec méfiance quand elle évoque une... expérience. Je vide mon whisky d'un trait, attendant la suite. « Quelle expérience ? »

Un petit rire accueille sa critique ou son doute. Je sortais d'une relation longue durée avec un paranoïaque, je crois que j'étais bien placée pour faire la différence. Bien qu'il pouvait être agaçant avec son air je-sais-tout je ne m'en formalisais pas. « Je sais faire la différence, ne vous en faite pas. » répondis je avec un regard pétillant d'amusement. Je ne sais pas ce qu'il pense, son regard sombre est aussi impénétrable que le noir complet, pour autant, je ne me sens pas forcément en danger ou autre. Pourtant, n'importe quel loup le serait face a un autre qui, manifestement, est jeune et immature, moi non, c'était sans doute dût a ma nature.

Je m'amusais même de l'image que devait avoir les humains des loups. Des bêtes, ni plus ni moins. Il y avait du vrai mais pas que. Après tout nos relations entre nous étaient bien plus saines que celles que les humains pouvaient avoir entre eux. Il y avait un rapport de force oui, mais aussi de respect et de confiance, cela dit, je comprenais que c'était difficile a concevoir pour lui, surtout si il était en conflit avec ce qu'il était...Devenu. C'était sans doute le cas, je n'avais jamais vu de loup mordu content de sa condition, sauf si il avait été consentent et, au préalable, avertit des changements et des règles qui seraient les siennes. Je hochais la tête lorsqu'il précisa connaître mon oncle depuis longtemps avant de lui poser des questions. Sa tête me fit rire discrètement. C'était vrai que dit comme ça... « Non pas vraiment. » assurais je en secouant doucement la tête, un sourire amusé aux lèvres. « C'est juste...Mmmh...Comment le dire...Je ne sais pas quelle idée vous vous êtes fait de ce que nous sommes mais chez nous, un dominé n'est pas quelqu'un que l'ont peut martyriser, battre ou humilier, c'est quelqu'un de plus faible a protéger. Comme un dominant n'est pas quelqu'un a qui ont doit obéir aveuglément ni baiser les pieds, c'est quelqu'un qui protège, d'où mes questions qui peuvent vous paraître un peu...bizarres ? C'est très simple en vérité. Là où un humain qui possède puissance et force sera enclin a écraser ceux qui lui sont plus faibles, un loup utilisera cette force pour le protéger lui et le reste de la meute. Là où un humain faible sera méfiant et peureux face a quelqu'un de plus fort, un loup sera rassuré et confiant. » M'installant plus confortablement je repris : « Évidemment, ce n'est pas si idyllique, les rapports de force existent mais on est loin d'être une bande bêtes déchaînés prêt a déchirer le premier humain qui passe de nos crocs. C'est même plutôt mal vu. »

L'idée de mon expérience était bonne mais il me fallait prendre un compte une chose, aussi lorsque je le vis avaler son verre d'un coup et me demander a quoi je pensais, une ombre passa dans les iris claires. « Avant ça...Avez vous déjà eu votre première....Métamorphose ? » Je n'aimais pas vraiment le terme transformation, parce que cela impliquait une disparition de l'un au profit de l'autre et ce n'était pas tout a fait le cas. Cela dit, si il n'avait pas eu sa première pleine lune, cela pouvait être dangereux. Pas pour moi, mais pour lui. Le loup risquait d’asseoir sa conscience sur celle de l'humain, c'était une période dangereux et difficile, encore plus pour un loup involontaire. Même pour moi, louve de naissance, ce risque n'était pas rien. Et c'était un risque que l'on prenait chaque jour.

La désagréable surprise de toucher cette fichue plante et de ressentir de la douleur passée, la conversation s'engage avec la ravissante nièce de Samuel. Même si le sujet, lui, n'est pas vraiment convivial. Elle a l'air à l'aise avec sa nature et semble vouloir m'enseigner quelques petites choses en jaugeant ce que je peux savoir ou pas, comment j'appréhende aussi cette nature. Pas très difficile de savoir que c'est nouveau pour moi. Et que je n'en suis pas ravi. Loin de là. Sa question sur ma façon de considérer les forts et les faibles me surprend un peu, je l'avoue. Mais c'était pour mieux introduire les concepts de la Meute. Ces trucs de Dominants et de Soumis, qui m'évoquent davantage des termes sadomasochistes qu'autre chose, ce dont elle se rend d'ailleurs bien compte. Elle tente alors de m'inculquer ces notions chez les loups... cependant, à moins que ma conception sois biaisée par des préjugés, il me semble qu'il y a des luttes de dominance chez les loups. « De ce que je sais, les loups dominants sont tout le temps en train de se jauger voir se défier, pour établir clairement une hiérarchie... Et je pense que celui qui désobéit à l'alpha s'expose à des sanctions, ou je me trompe ? » Je doute fortement qu'on puisse se soustraire à l'ordre du chef de Meute, que cet ordre soit stupide ou non.

En revanche, je comprends davantage le concept de protéger les plus faibles, les soumis donc, qui n'ont pas vraiment leur mot à dire au sein d'une meute et qui se contentent de suivre. Je vois bien qu'elle essaie de défendre son espèce, avec un succès relatif. « Vous êtes consciente quand vous vous transformez ? On a vu des jeunes loups-garous, attaquer sans discernement, attaquer même des êtres chers, parce qu'ils n'étaient plus eux-même. Comme on en a vu, plus âgés, qui choisissaient très bien leurs cibles. Mais comment pouvez-vous estimer qu'il n'y a rien de monstrueux à voir sa conscience complètement balayée par un animal sauvage et sanguinaire qui tue sans discernement ? » Je demande cela avec une certaine amertume, bien naturelle. Je n'ai aucun souvenir de ma pleine lune. Il ne demeure que la douleur. Le loup a complètement été lâché, sous la dominance de Samuel. Il peut bien me raconter n'importe quoi de cette nuit là, je ne pourrais que le croire sur parole.

Mais Thea a une idée derrière la tête, souhaitant tester quelque chose. Ce petit secret ne me dit rien qui vaille, alors que le mystère me tend légèrement. Je bois mon verre et demande carrément ce qu'elle veut. Elle tourne une nouvelle fois autour du pot et mon regard se fait vacillant alors que l'agacement point. « Vous savez aller droit au but ? » je claque la langue, avant de me rendre compte que ma colère est un peu disproportionnée par rapport à sa demande quand même... Elle souhaite juste savoir à qui elle a à faire alors que je suis un ami de son oncle et qu'elle vit ici... Je me masse la nuque et soupire profondément, comme pour tenter de retrouver un peu de maîtrise. « Oui. Et j'aimerais ne jamais avoir à revivre ça. » Ce qui n'est évidemment pas possible, maintenant que je suis infecté, c'est jusqu'à ma mort...

Il repère très vite les failles de mon discours. Effectivement, je pouvais présenter la Meute comme quelque chose de féerique, mais en même temps, ce serait mentir. Nous avions un fonctionnement étrange sans doute pour les humains, pourtant, cela marchait mieux que les milliers de gouvernements du monde.  J'esquissai un sourire amusé. « Effectivement, mais pas plus que vous si vous désobéissez a un ordre de votre supérieur. Quant aux affrontements, ils sont rarement mortels vous savez, il s'agit juste de déterminer notre place au sein d'un groupe, les humains le font aussi si on réfléchit bien mais pas de la même manière c'est tout.  Ca peut paraître sauvage et brutal, ça l'est sans doute, j'ai assez soigné les bobos de mes frères pour le savoir, mais, quelque part, c'est sain. »  fis je doucement en penchant légèrement la tête sur le côté. Il était un « jeune » loup-garou, ça c'était acté, mais je sentais aussi qu'il ne l'acceptait pas. Je pouvais comprendre, c'était sans doute difficile de devoir faire une croix sur toute une existence contre notre volonté.

Il m'oppose des arguments parfaitement recevables et difficilement contestables, ça je peux le lui reconnaître.  Difficile d'aller a l'encontre mais mon sourire n'en meurt pas pour autant, même si mon regard se fait pensif. « D'où l'intérêt d'une Meute. C'est comme ce jeune qui, privé de tout cadre, laisse les coudées franches a ses désirs ou envies, qu'ils soient meurtriers ou non. Où comme ce tueur qui calcule parfaitement bien ce qu'il va faire et efface ses traces juste pour assouvir ses instincts. Il y a des monstres partout et tout n'est pas toujours explicable. Nous avons aussi nos lois vous savez, nous cantonner a une bande de loups assoiffés de sang est péjoratif surtout lorsque l'on n'y connaît rien. Tout n'est pas tout blanc ou tout noir après tout.»   Mon sourire s'accentua un petit peu. « Quant a la conscience... Vous savez, il est difficile pour deux âmes de partager un seul corps, c'est un peu comme une collocation, tout est affaire de concession. Ni vous, ni Lui n'ont demandé quoique ce soit, même moi qui suis née ainsi, je ne peux pas dire que ce fut facile.  Le loup est intrinsèquement un animal sauvage et avide de liberté, se retrouver enfermé derrière les barreaux d'une prison psychique ne peut que provoquer sa colère. Colère qui se heurte a la notre parce que ni l'un ni l'autre ne veut abandonner. Et plus affrontement il y a plus rage il y a, des deux cotés. »  L'humain n'était pas non plus totalement innocent dans l'histoire.  « C'est un équilibre fragile qu'il faut trouver et l'aide d'une Meute est primordiale dans les premiers temps, aucun de nos jeunes ne vit ses transformations seuls. C'est ce que mon oncle a fait pour vous et c'est sans doute ce qui a manqué a celui qui vous a imposé votre loup. Ca ou un désir inconscient. »  Ca c'était déjà vu et, honnêtement, totalement condamné par la Meute si le louveteau en devenir n'était pas consentant.

Une lueur compréhensive passa dans mes iris lorsqu'il évoqua sa première mutation. J'étais passée par dessus son agacement très facilement, il faut dire que faire face a une bande d'ado aux hormones débridées m'avait depuis longtemps rodée face a des attitudes revêches. Quoique pour lui, les raisons étaient sans doute plus compréhensibles qu'une éruption d’adnée sur le nez de la miss pompom girl du lycée.  Puis je fis une petite moue. « Mmmh...Alors autant laisser tomber, j'aurais aimé faire la connaissance de votre loup mais c'est un trop grand risque pour vous. »  soupirais je doucement en secouant un peu la tête avant d'écraser son espoir. «Vous allez le revivre, mais il ne tient qu'a vous que ça se passe de mieux en mieux. Je conçois que ce n'est pas quelque chose facile a accepter lorsqu'on a pas eu le choix, mais combattre son loup intérieur est dangereux pour vous deux. Il est comme vous, enfermé sans n'avoir rien demandé, vous pouvez parfaitement comprendre sa colère et sa sauvagerie.  Si vous le laissez faire, mon oncle peut vous y aider. » Et j'espérais qu'il le ferait, ce serait dommage de devoir...l'éliminer, mais je le pensais assez rationnel pour comprendre qu'il n'avait pas le choix d'accepter mais qu'il pouvait limiter les dégâts.

J'ai quand même des difficultés à appréhender la hiérarchie au sein de la Meute. Les histoires de dominant et de soumis. Ce que je sais des loups, c'est qu'il faut respecter l'alpha et les loups plus dominants et que les soumis sont souvent le souffre douleur des autres, une façon de décharger sa colère sur un membre plus chétif... Alors si c'est la même chose chez les lycanthropes... Non merci. De toute façon, je ne pense pas cela vraiment compatible avec mon boulot. « Peut-être parce que vous n'avez connu que ce mode de fonctionnement ? » Ce qui ne la rend pas très... objective ? Et je ne peux que lui opposer mes arguments, certes, basiques et nés de mon expérience au sein du PASUA, à voir les pires atrocités commises par ces mêmes créatures. J'en ai croisé quelques unes de bienveillantes et inoffensives, mais lors d'affaires criminelles... J'ai vu des choses innommables. On pourra me dire que les pires criminels, des tueurs en série, étaient parfaitement humains. C'est vrai. Mais les créatures surnaturelles ont en plus des capacités qui les rendent difficilement arrêtables...

Et Théa semble avoir le même mode de pensée que moi quand elle évoque un cadre pour, justement, éviter les dérives. « Je vois surtout une hiérarchie par la force et l'intimidation. » C'est cela qui me dérange, davantage que le reste. Bien sûr qu'il y a des gens biens et d'autres malveillants, dans toutes les races. Que les choses sont nuancées. Elle ne m'apprend rien. Pour autant, devoir suivre les ordres d'un mec random qui s'est propulsé là en écrasant ses adversaires, sans avoir choisi, oui, ça me dérange. Un boulot, tu le quittes quand tu aimes pas ton patron. Alors pourquoi s'infliger un chef dans un groupe que je n'ai pas spécialement envie de rejoindre ? Sam a promis de m'aider et de ne pas me forcer la main concernant la Meute et j'ai envie de le croire sur ce coup-là.

Elle concède cependant qu'il n'est pas toujours évident de cohabiter avec l'animal, même pour une née lycan comme elle. Quelque part, cela me rassure un peu qu'elle comprenne ce point. Pour Sam, c'est quelque chose de naturel, un don du ciel même, comme si il n'avait jamais connu, ou oublié, peut-être, la difficulté de faire coexister deux volontés contraires. Cependant, je déchante quand elle revient à la charge avec l'aide de la Meute pour encadrer les transformations des jeunes loups et les guider. Ou les empêcher de faire n'importe quoi. Ceci dit, si j'ai demandé l'aide de Samuel pour contacter la Meute, c'est justement parce que j'ai très conscience que les plus à même de contrôler un jeune loup, ce sont ceux qui sont déjà passés par là et qui en ont l'habitude. Et je pince les lèvres quand elle vise un peu trop juste en parlant d'Aodh... Aodh qui a préféré s'exiler, se couper de tout, et gérer tout cela seul... Avec le succès relatif qu'on lui connaît. Mais je pâlis davantage encore quand il est question d'un désir inconscient... j'ai accusé mon frère de peut-être l'avoir voulu. Ce qui l'a profondément choqué. « Difficile de le savoir de toute façon. » Je coupe court à toute discussion sur celui qui m'a mordu, pour ne rien laisser transparaître, alors qu'elle me paraît un peu trop perspicace.

Je grimace quand elle parle de faire connaissance avec mon loup. Sûrement pas. Moins il sort, mieux je me porte. « Je sais. » Je la coupe peut-être un peu brutalement. « Intellectuellement, je comprends parfaitement tout cela. Mais je n'ai pas réussi à ne pas lutter... Je ne voulais pas perdre ma conscience, le contrôle que j'exerce sur moi-même...Juste lâcher prise. »

Sa remarque provoqua un léger rire, mon regard pétilla un instant d’amusement. “Il est facile de penser ainsi mais nous sommes bien intégré dans le monde humain vous savez. Nous ne le pourrions pas si nous n’en comprenons pas le fonctionnement.” Mais je comprenais surtout qu’il était terriblement réfractaire à ce que je pourrais dire. Peut être était-ce trop tôt, ou alors il ne le voulait tout simplement pas. Difficile de changer l’image d’un monstre en quelque chose de beaucoup plus acceptable sans aucun doute. “Ma mère est humaine.” Bon, une humaine née dans une meute mais cela ne changeait pas le fait qu’elle l’était. Une humaine qui possédait assez de gènes lupins pour avoir donné naissance à trois loups garou… “L’un de mes frères l’est aussi.” repris-je avec un demi-sourire tranquille.

il prenait des raccourcis, pas forcément faux cela dit, donc il était difficile de lui faire changer d’avis. A mon sens, rien ne valait l’expérience mais encore fallait-il qu'il le veuille, et je pensais qu’il n’était pas prêt pour ça. “C’est un point de vue humain.” rétorquais-je, légèrement taquine. “Sachez que moi, je n’ai jamais eu à me battre.” repris-je en fronçant un peu le nez. Au contraire, personne ne me défiait et je ne défiais personne. Ma place était étrange et difficilement explicable, même pour moi. Puis, je lâchais un soupir léger. “Mais ça reste a vous de faire le choix.” Et j’espérais qu’il fasse le bon. Une Meute ne tolérait pas les loups errants, ne serait-ce que pour le danger potentiel qu’ils représentaient. La bonne nouvelle était que mon oncle semblait déjà se préoccuper de lui. Mais j’avais l’impression que quoique je dise, cela ne serait pas suffisant et je n’étais pas quelqu’un de têtu à outrance, il ne servait a rien de taper un mur, vous aurez toujours mal avant lui. Le mieux sera sans doute qu’il se fasse sa propre idée, cela viendra si Samuel le guidait là où il le voulait.

Néanmoins, il y avait un problème plus urgent, son loup donc. Inutile d’être grand clerc pour comprendre que sa transformation n’était pas voulue ni désirée. Je n’avais pas idée de qui en était l’auteur d’ailleurs et…Enfin pas que cela ne me regardait pas mais ce n’était pas mon rôle de découvrir son identité, j’ai l’impression qu’il ne veut pas en parler alors je n’insiste pas. Je trouvais dommage de ne pas pouvoir rencontrer son loup, ne serait-ce que pour pouvoir le reconnaître si jamais…Mais c’était beaucoup trop dangereux pour lui, si sa conscience humaine s’effaçait et n’arrivait pas à revenir…non, c’était un trop grand risque. D’ailleurs, sa grimace ne m’échappa pas.“Vous avez l’habitude de tout contrôler je suppose ?” Ce n’était pas vraiment une critique, juste un constat, mais je comprenais qu’il n’arrive pas a lâcher prise concernant son loup, qu’il le craignait aussi, à juste titre peut être. “Vous savez, vous ne risquez rien avec mon oncle et il ne vous mentira pas non plus pour vous rassurer. Samuel est assez puissant pour vous contenir donc n’ayez pas peur de…faire des choses que vous n’accepteriez pas. C’est un mince réconfort j’en ai bien conscience mais vous pouvez lui faire confiance là dessus, il ne vous laissera pas déraper. Où vous a-t-il emmené pour votre première pleine lune ?” demandais-je sereinement, comme si j’abordais un sujet qui n’avait pas d’importance. Evidemment, cela était faux, la première mutation était la plus traumatisante, la plus stigmatisante…La plus douloureuse aussi.