Thérianthropes : La Meute (6/6)

Joaquin a toujours vécu dans la meute, où son père était Ulfric. Ayant ça dans le sang, ce fut tout naturellement qu’on le désigna successeur, sans qu'il n'y ait besoin d'assurer sa position dans la violence. En attendant de prendre les rennes, il se consacra aux études et partit à la Nouvelle-Orléans. Il y étudia les lettres et devint professeur. Loup dissimulé parmi les humains, il prit soin de s’assurer de maintenir sa place au sein de la meute. Ainsi lorsqu’il succéda au titre d’Ulfric, il ne fallut pas beaucoup d’efforts pour convaincre les autres de sa force mais aussi de la pertinence d'un esprit éclairé.
Aujourd'hui Joaquin est tiraillé entre les nécessités qu'impliquent les responsabilités de son rôle d'Ulfric et ce désir presque brûlant de vouloir défendre la cause des siens à une échelle plus grande encore. Les préjugés de violence et de sauvagerie qui stigmatisent les créatures comme lui lui font horreur et il lutte fermement contre l'idée des loups-garous crétins et avides de chair fraîche. Il y a du bon et du mauvais en chacun, c'est autant valable pour les humains que les autres. Difficile, néanmoins, de prendre ce combat à bras le corps sans risquer de mouiller la Meute avec toutes les conséquences que ça implique. Joaquin ne veut pas se contenter d'être bénévole dans une obscure tentative d'association pro-CESS, non, il voudrait avoir le courage et la force de Révéler son existence, haut et fort, avec fierté, ainsi que celle des siens pour qu'ils puissent marcher sous le jour sans la crainte d'une éradication. Son côté intellectuel se révolte contre la peur et la haine, mais ses instincts et son pragmatisme lui dictent la prudence devant la folie humaine. Faire de la meute une réalité publique et faire gagner à sa voix un poids décisif, c'est là le projet qu'il souhaiterait mettre en œuvre. Néanmoins, ce n'est pas sans provoquer des dissensions au sein du groupe et il sait qu'une fois dévoilés, il n'y aura pas de retour en arrière. C'est un risque énorme.
Pour ses qualités la meute le respecte mais des voix s’élèvent contre ses choix et notamment son projet que plusieurs trouvent utopiste et presque naïf. Les loups ne supportent plus le mépris de la société, et beaucoup lui reprochent sa trop grande complaisance en ce qui concerne leur place. Lui lutte encore pour l’acceptation des loups mais d’autres préfèrent leurs secrets et leur existence de toujours. Et les décisions ne sont pas toujours bien acceptées. En l'état actuel des choses, révéler la Meute sans l'avoir totalement fédérée avant pourrait bien causer la perte de plusieurs de ses membres. Certains voient cette idée comme une folie qui apportera la mort sur eux, et des tensions très vives tournent autour de ce sujet.
Il se bat donc sur deux plans : d'un côté conserver l'unité de sa Meute et s'assurer qu'elle soit protégée, et de l'autre réussir à trouver un moyen de faire entendre sa voix, à obtenir un poids qui ne le relègue pas à un avis perdu dans la masse et à essayer de convaincre la Meute de le suivre dans ce quitte ou double de Révélation publique. La perte de son bras droit le conforte dans l'idée qu'il est nécessaire de ne surtout pas se relâcher.

Née dans la meute, Joan a grandi avec l'idée que cette famille serait toujours ce par et pour quoi elle vivrait. Même si l'âge a apporté un peu de recul à ces résolutions enfantines, la louve conserve un fort sentiment d'appartenance à la meute, chérit ses traditions avec passion et un je ne sais quoi de chauvinisme, et oeuvre autant qu'elle peut dans l'intérêt des siens.
Pour la conforter dans cette démarche, il y avait son frère. Bien qu'il ait des sentiments un peu moins rigides quant à un assouplissement des lois de la meute, et à une ouverture progressive à l'extérieur depuis la Révélation, il restait un mentor pour sa petite sœur qui l'adorait. Le coup ne fut que plus dur à encaisser lorsqu'il périt dans ce qui ressemblait de loin à une rixe ayant impliqué plusieurs personnes. Joan a mené sa propre enquête en marge de celle de la police et du Pasua, et sait quel instinct de protection son frère avait pour les plus faibles : n'ayant relevé que des traces humaines et lupines, elle pense qu'il est mort en voulant protéger un autre loup contre des anti-CESS armés.
Elle a prétexté avoir besoin de temps pour faire son deuil et se reconstruire, en quittant provisoirement son job dans un atelier de métallurgie (ou d'agent de sécurité, ou autre métier physique). En réalité, ce temps a été mis à profit pour préparer son infiltration dans les cercles mineurs de réseaux anti-CESS. C'est ainsi qu'elle est entrée parmi les Shepherds.
Évoluant pour l'instant parmi les simples sbires de l'organisation, Joan n'a pourtant pas chômé : elle est douée pour amadouer son monde, recueillir ainsi quelques petits secrets, et s'est déjà fait plusieurs "amis" dans le milieu, dont un en particulier. Nigel O'Brien, avec son tempérament bien irlandais et ses manières de flambeur, n'a pas échappé à son radar, d'autant qu'il a tendance à se vanter d'avoir tué des loups par le passé. Il figure sur la liste des prétendants à l'échafaud, et pas en mauvaise place... Cependant, il parle tellement de ses exploits que Joan a du mal à croire qu'il en soit réellement l'auteur. Ceux qui en disent le plus sont souvent ceux qui en font le moins, est-ce le cas de Nigel ?
Les plans de Joan sont très clairs. Quand elle en aura fini avec l'assassin de son frère, elle prévoit de se faire nommer à la place que ce dernier occupait avant de mourir, soit devenir Freki, bras-droit de Joaquin. Elle compte de cette manière avoir une voix suffisamment puissante dans la hiérarchie pour pouvoir contester efficacement les choix de l'Ulfric : sa mollesse face aux autres gouvernants, sa complaisance face à une société qui rejette les loups comme des pestiférés, Joan ne les supporte plus. Et si cela ne devait pas suffire, elle appliquerait la tradition et le défierait, dans l'espoir de prendre sa place et de guider à son tour la meute. Sa meute.

Alma s'est toujours démarquée, depuis l'enfance, pas sa propension à l'altruisme et à la pédagogie envers les plus jeunes qu'elle. Une autorité naturelle émanait déjà d'elle et bien qu'elle se refusât toujours à être considérée comme supérieure aux autres, il n'empêche qu'elle était un point d'ancrage pour beaucoup de jeunes loups, en particulier pour son petit frère Joaquin qu'elle chérissait beaucoup et dont elle s'occupait comme une mère.
En grandissant, Alma a poussé plus loin encore ces prédispositions infantiles en choisissant d'étudier dans une branche qui lui permettrait d'aider les autres, et pas seulement sa meute. Bien avant la Révélation, elle était une des meilleures avocates du vivre ensemble, mais ne rencontrait que peu de succès auprès des autres membres de la meute. Par ailleurs, son père, l'Ulfric de l'époque, était peu enclin à la laisser évoluer hors des limites de leur peuple, et redoutait de la voir trop s'enticher de ceux qui leur étaient étrangers.
Poussée par son intuition et son désir de voir plus loin et plus grand que le cocon familial, Alma décida finalement de partir. Ce n'était pas une décision facile : son père le prendrait mal, il était clair qu'elle ne pourrait pas aller et venir à sa guise ; elle devait par conséquent dire au revoir à tous ceux qu'elle aimait, consciente qu'elle ne garderait avec eux que des contacts majoritairement téléphoniques ou épistolaires. Elle quittait aussi son territoire, tout ce qui avait animé sa vie et avait nourri sa vocation depuis toute petite. Malgré tout cela, sa résolution fut plus forte, et elle voyagea dans plusieurs pays, s'affranchissant des frontières terrestres et maritimes.
À travers le monde, elle intégra avec plus ou moins de facilité diverses communautés, comprenant à leur contact que son désir le plus ardent était de défendre la cause des femmes. Elle participa tant qu'elle le put à leur faciliter l'accès à l'éducation, à encourager le dialogue avec les hommes, à initier ceux-ci à des modes de pensée plus équitables... Autant de projets dont la réalisation ne se fit pas sans peine, quand elle ne fut pas tout simplement remise à plus tard. Alma connut donc son lot d'échecs et de remise en question, mais développa ainsi une personnalité plus solide, plus combative encore.
En Afrique, elle travaillait dans un village au carrefour de plusieurs communautés tribales. Elle fit la connaissance de nombreuses femmes à cette occasion, et notamment une, Kima, avec qui elle devint proche très rapidement. Celle-ci et les autres femmes de son village souffraient particulièrement de la politique familiale de leur clan ; Kima était régulièrement battue par son mari, et elle craignait son caractère irascible non pour elle-même, mais pour ses enfants. Alma éprouvait des sentiments particulièrement forts pour Kima, et ne supportait pas sa propre impuissance à mettre un terme à la situation. Elle prit sur elle d'aider Kima et les autres femmes qui le souhaitaient à quitter leur clan, avec leurs enfants, en toute discrétion et de façon durable. Elle y parvint, mais elle ne put jamais revoir Kima. C'était pour elle une victoire amère.
Lorsque Joaquin lui apprit la mort de leur père, Alma ne ressentit pas autant de chagrin que beaucoup d'autres loups de la meute : son père était très respecté et aimé de nombre d'entre eux, elle le savait, et lorsqu'elle se joignit à eux pour les funérailles elle ignora l'accueil un peu frais qu'on lui réserva pour se concentrer sur le soutien qu'elle pouvait apporter. Petit à petit, elle fit la paix avec les circonstances de son départ et, surtout, elle retrouva son frère, dont on attendait tant à l'issue du règne de l'Ulfric. Alma se déclara d'office hors course, mais elle fut l'appui le plus fixe de son frère dès cet instant et la confirmation de Joaquin comme nouvel Ulfric fut pour elle une grande fierté. Il a logiquement fait d'elle sa conseillère, mais elle a décliné le poste de Geri, se jugeant plus apte à honorer les responsabilité d'un Eranth. Elle y œuvre de son mieux depuis, et a achevé d'assurer sa place parmi les loups grâce à ses compétences et à son caractère apprécié.
En accord avec les positions de Joaquin, elle participe dans son ombre au rapprochement des loups et des autres races. Convaincue qu'elle peut également continuer son travail dans la défense et la promotion des droits des femmes, elle a fini par trouver un poste dans un refuge pour les femmes battues, rejetées par leur famille ou autres cas de défaveur sociale.

Pour tous, Tessa est une aimable jeune femme, douce et joviale, toujours prête à rendre service. Et c'est ce qu'elle a toujours été, mais pas seulement, et sous ce visage humain, cet être dual est une abomination qui ne sommeille que d'un œil.
À la base jeune diplômée néerlandaise venue faire du tourisme en Amérique du Sud, Tessa s'est faite mordre par un loup et a dû intégrer la meute de celui ou celle qui l'a transformée. Cette meute pratiquait le cannibalisme, et Tessa en tant que louve n'a donc jamais connu que ce mode de vie, jusqu'à l'extinction de sa meute (d'abord par conflits internes, puis par extermination par des chasseurs).
Tessa a survécu de justesse et a traversé les frontières afin de quitter l'univers sauvage des meutes du sud. C'est ainsi qu'elle est arrivée en Louisiane, ayant entendu parler d'une meute dans la région de Shreveport dont l'ulfric est sud-américain. Elle pensait retrouver dans cette meute une habitude de l'anthropophagie mais s'est vite détrompée : la Litanie y est respectée sur ce point, on ne mange pas les humains.
Fine, discrète et soucieuse de ne plus revivre le chaos duquel elle s'est sortie, Tessa fait en sorte qu'on ne sache pas son douloureux penchant pour la chair humaine. Elle a retrouvé un poste dans l'éducation des enfants, comme lorsqu'elle vivait aux Pays-Bas, et a toujours tout fait pour s'intégrer du mieux possible parmi les humains.
Mais si d'abord on avait seulement du mal à la voir autrement que comme une étrangère, depuis la Révélation des thérianthropes le sentiment de rejet s'est amplifié, au point que Tessa, toujours parée du secret de sa nature mais spectatrice de ce qu'un coming out inflige à ses pairs, parvient de moins en moins à se convaincre qu'être respectueux des humains est une voie juste et indispensable à la survie de la meute.
Jusqu'à récemment, Tessa ne cédait pleinement à son désir de tuer l'homme que lors des pleines lunes et si l'occasion se présentait. Mais dorénavant, il lui arrive de laisser libre cours à ses instincts les plus cruels à n'importe quel moment, tant qu'elle court sous sa peau de louve. La bête en elle est de moins en moins réprimée par l'obéissance de sa part humaine, et on peut même dire que Tessa n'en éprouve plus vraiment de remords. Elle couvre ses traces, s'évertue à ce que personne ne sache quel monstre se cache derrière sa mine affable de gentille maîtresse d'école, et pour le moment on peut dire qu'elle s'en débrouille avec une abjecte efficacité.

Jihun est un loup de sang, un prédateur né et un redoutable calculateur. Issu d'une longue lignée coréenne ayant réussi le tour de force de s'immiscer dans les hautes sphères du monde des hommes depuis des générations, il possède une assise financière considérable et un carnet de contacts étourdissant.
Son domaine à lui, c'est le profit de la science. Il est président d'une firme qui couvre de son aile plusieurs laboratoires, des distributeurs et nombre d'autres entreprises rapportant gros. À la tête d'une petite armée d'administrateurs, ami et partenaire de pas mal de pontes évoluant dans les mêmes hauteurs que lui, il faisait notamment partie du comité de recherche et de financement à l'origine de ce qui devint plus tard l'araignée True Blood. Et tout lui souriait, jusqu'à ce qu'il fut surpris par un coup de poignard qu'il n'a pas su anticiper.
Au début, tout cela était censé être une Révélation profitable à toutes les parties présentes. La famille Seung s'assurait un rayonnement sans précédent en devenant le nom associé à une Révélation en douceur des loups-garou, voire du monde des thérianthropes en général. La récupération des travaux préparatoires par les vampires se fit insidieusement et Jihun, incapable de voir venir le coup, se vit précipitamment dépourvu de ses droits sur le développement concret des avancées technologiques permettant la synthétisation du sang humain. La création in vitro de tissus humains consommables à destination de ses semblables n'eut pas lieu. Toute la manne économique liée aux brevets auxquels il avait apporté son concours lui échappa d'un seul coup sans aucun retour en arrière possible.
Pourtant Jihun a tout tenté, mobilisant tout ce qu'il avait sous la main d'avocats, d'influenceurs, de moyens de pression et d'intimidation. Quoi qu'il fît, il était beaucoup trop tard et une bonne partie de ses soutiens lui avait tout simplement échappé, suivant le doux fumet du cash jusque dans les bras des tenants de la Révélation vampirique. Dans la foulée, les thérianthropes furent révélés eux aussi mais sans aucun contrôle, de la pire manière qui soit, et c'en était fini du coup d'éclat qui couronnerait Jihun d'un halo véritable, tant dans la dynastie Seung qu'auprès du monde entier.
Le coup fut des plus rudes mais on ne détruit pas si facilement un Seung. La longue tradition belliqueuse de sa famille, connue pour ne jamais lâcher quoi que ce soit à moins de le réduire en pièces, court dans ses veines : son projet (continuer les recherches ayant mené à la création du Tru Blood pour synthétiser les tissus humains, à destination de la médecine et de la consommation thérianthropes), il le mènera à bien, quoi qu'il en coûte. Il voue une haine irrépressible à ceux qui lui ont dérobé son trône, et il est prêt à tout pour le regagner.

La vie de Clay aurait pu être facile. Né dans une famille à la richesse et l’influence démesurée, qui est devenu incontournable depuis la publication de la Révélation arcanistes dont elle a eu la charge, il était destiné à faire des grandes études afin de prendre la place de son père. Son chemin était tout tracé. Mais Clay a toujours détesté le faste et les soirées mondaines. Discuter de gros sous l’air de rien, tout en dégustant champagne et petits fours, lui a toujours paru terriblement hypocrite. Après avoir terminé les études choisies pour lui, Clay a commencé à refuser l’image soigneusement entretenue par ses parents.
Pendant des années, les divers hobbies qu’il a pratiqués lui permettaient de supporter son existence vide de sens. Langues, sport, voyages, loisirs, Clay a testé tous les passe-temps. Sa capacité d’apprentissage hors du commun et son sens de l’adaptation lui ont permis d’acquérir divers talents sans efforts. Tous ces hobbies qui trompaient le temps étaient aussi un moyen de se chercher, de trouver sa voie. Mais son inconsistance le faisait passer d’une activité à une autre sans jamais réussir à se fixer. Il était alors presque résigné à suivre la voie tracée pour lui.
Un soir, il est témoin d’une scène violente : un homme prend à partie un petit groupe de prostituées. Les coups ne tardent pas à pleuvoir sur les femmes et les quelques passants détournent le regard et pressent le pas. Quand soudain, un loup intervient. Le loup, guère plus gros qu’un animal commun, s’interpose et fait fuir l’homme à coup de claquements de dents, avant de réconforter les femmes en se laissant caresser puis s’en va en trottinant.
Clay, qui n’a jamais prêté grande attention aux CESS, se trouve fasciné par la communauté thérianthrope, et en particulier par les loups-garous. Les loups s’assument tels qu’ils sont et, en tant que quelqu’un dérangé par les apparences et les faux-semblants, cela lui plait.
Ses relations lui permettent d’être rapidement mis en relation avec la Meute. Malgré une première rencontre assez froide, car les loups ne pouvaient comprendre qu’une personne puisse volontairement choisir de devenir un thérianthrope, Clay noue de véritables relations avec les membres de la Meute. Les loups apprécient son côté sociable, sa volonté de d’utiliser son influence à des fins plus justes et son courage, lui qui veut rejoindre un groupe méprisé et mener une existence loin de toutes les richesses. Malgré tout, n’est-ce pas là une autre de ses lubies qui passera aussi vite que les autres ?