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The Hunt [Wilson, Anna, Anaïs, Elinor]

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Forgive me, Father, for I am sin
Le mauvais oeil
Le mauvais oeil
Forgive me, Father, for I am sin
SHUFFLE THE CARDS

The Hunt [Wilson, Anna, Anaïs, Elinor] YXpWPvj
En un mot : An eye for an eye leaves the whole world blind
Thème : Witchcraft - Akira Yamaoka
WITHER AND DIE

The Hunt [Wilson, Anna, Anaïs, Elinor] I2XukXq
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Mar 10 Jan - 11:56 (#)

The Hunt
'Cause I'd rather cause you slime and rot
And watch you choke as you get caught

Trois heures du matin au Nord de Shreveport. Une obscurité dense et venteuse enserre ces étendues désertes dans une main de fer, où seuls les sifflements des herbes brisent le silence. L’aube devrait se lever dans quelques heures. Mais face à cette absence presque absolue de lumières naturelles ou artificielles, l’astre du jour ne semble être qu’un souvenir ou le délire d’un menteur. Vous circulez sur cette mauvaise route burinée par la chaleur et par ces énormes camions américains qui traversent la plaine à vive allure. Parfois l’un d’entre eux fait une halte au Bunny Bar, non loin de là.
Personne n’aime conduire ici, la nuit. Personne d’honnête ne s’y attarde. Les travailleurs américains préfèrent dormir cette heure-ci, et sans aucun doute, vous avez vos propres raisons d’être ici. À cette heure précise. Des raisons plus ou moins honnêtes. Peu importe. Vous êtes passés devant le Bunny Bar, avec son enseigne aux néons nasillards qui décorent sa façade défraichie, elle-aussi brûlée par le soleil implacable de l’été. Quelques camions dormaient sur son parking sale et exposé au vent.
Au-delà de la route, le vide. La campagne de Louisiane s’étend sans merci, des immensités de friches désolées, que quelques arbres et bosquets ayant survécus aux tempêtes viennent parfois égailler. La lumière de la lune éclaire chichement les herbes, déjà jaunies et desséchées, qui dévorent en silence les rares bâtiments abandonnés. Quelques cabanes ou granges branlantes survivent encore. Vous avez bien aperçu la silhouette indistincte d’une vieille chapelle, incongrue au centre d’un champ, toute en bois gauchi, à moitié croulante et brisée par les ouragans successifs de ces régions.

Mais c’est tout. Les environs sont mornes. Tout se ressemble.

Comme vous avez laissé derrière vous le Bunny Bar, voilà juste cinq minutes de cela, vous apercevez de vives lumières barrant la route droit devant vous. Vous ralentissez. Plusieurs véhicules forment un embouteillage au beau milieu de cette unique route, notamment un bus Greyhound et un énorme camion. Ce dernier est d’ailleurs totalement en travers de la voie. Ce que vous avez d’abord pris pour un étonnant bouchon apparait finalement comme un barrage délibéré : vous remarquez ainsi deux autres camions qui patientent dans l’autre sens, en obstruant complètement le passage.

Le message est clair. Personne ne passe. Qu’on le veuille ou non.

Une dizaine de silhouettes évoluent ici et là, autour du bus et sur la route, mais en particulier sur le bas-côté, où une autre voiture est avachie au milieu des hautes herbes. C’est une ancienne Buick de collection, une Roadmaster des années 50, dont la carrosserie bleutée est violemment éclairée par les phares du camion braqués sur la scène. L’intérieur de la voiture est vide. Quelqu’un a ouvert en grand les portières et le coffre, tandis que trois de ses roues sont affaissées dans la poussière brune qui recouvre les pneus. Elle ne semble pas abimée cependant, mais simplement abandonnée là.

Néanmoins, un détail attire l’œil. Bien visible sur la terre rendue blanchâtre par la clarté électrique, une énorme trainée de sang, d’environ trois mètres de long, imbibe le sol à gauche de la voiture.

Toute l’attention est focalisée sur cette voiture. Tous l’observent comme une scène de crime. Toutes ces lumières donnent aux traits anxieux des hommes des teintes cadavériques, et font méchamment briller les armes qu’ils détiennent ; pistolets à la ceinture pour la plupart, fusils pour d’autres. Ils ont l’air de se connaitre. Ils discutent entre eux. La tension est palpable, et elle se lit aisément dans leurs postures sèches, les tons bas des conversations, et les regards suspicieux vers vous.
Aucun uniforme n’est visible. Tout cela sent l’improvisation parfaitement illégale, toutefois, qui irait les contester ? Vous êtes au milieu de nulle part, avec une bande de routiers armés barrant la seule route des environs, et les quelques rares témoins font semblant de dormir à l’intérieur des voitures. On vous fait vite comprendre que la circulation est interdite. On vous fait aussi vite savoir que vous êtes parmi les personnes suspectes, et que les travailleurs du coin ont décidé de prendre les choses en main en attendant les autorités. Car, quelque chose a tué ici. Quelqu’un est mort, n’est-ce pas ?

C’est en tout cas, la conclusion retenue. Les conversations vont bon train. Vous décelez une opinion globalement anti-CESS ici, et la tension ambiante, la probabilité d’un crime, ne fait qu’encourager les avis les plus radicaux. On parle d’une battue. On parle d’une probable bête surnaturelle en maraude. On parle de fouiller les voitures à la recherche de preuves. On veut procéder à des tests à l’argent. On veut retrouver celui ou celle, voire la chose, qui est responsable de cette mise en scène macabre. Les CESS pullulent depuis la catastrophe de 2019, c’est forcément l’un d’entre d’eux, n’est-ce pas ? Peut-être le coupable se cache-t-il en ce moment même derrière un faux visage humain, parmi les honnêtes gens, voire même parmi ces voitures arrêtées ou dans ce bus ?

L’aube est encore loin. La nuit, absolue. Les autorités, absentes. Les armes, prêtes. Qu’une Bête se cache parmi les hommes, il suffira de presser la détente. Personne ne l’entendra crier.



Got the evil eye. You watch every move, every step, every fantasy. I turn away but still I see that evil stare. Trapped inside my dreams I know you're there. First inside my head, then inside my soul.
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Anonymous
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Mar 10 Jan - 20:25 (#)

I

C’est l’heure où les chiens se cachent des loups. Seuls les phares du pick up éclairent les voies de l’Interstate 49 dans un décor plongé dans une ombre totale. Au loin, régulièrement, quelques lueurs dépassées : motel miteux, station essence lugubre ou bordel douteux. Seule compagnie nocturne, le vrombissement du moteur lancé à pleine allure, par-dessus lequel Billie Holiday tente vainement de placer sa « Solitude ». Ma solitude, à cet instant précis, me convient plus que bien. J’aime parcourir les kilomètres dans la nuit noire, occasionnellement, et je ne dédaigne pas me faire seconder par quelque galante compagnie. Mais ce n’est pas le cas ce soir. C’est le travail qui m’a emmené ici, au Nord de Shreveport. A part of the job avec laquelle je ne suis pas encore à l’aise, en vérité. Combien de fois l’ai-je parcourue, cette route nocturne, avec un tel chargement. Deux, trois ? Guère plus. Et si tout s’est toujours passé au mieux, l’angoisse est la même qu’au premier jour.

Pourquoi je fais ça, déjà ? Pourquoi moi, et pas un autre ? La réponse, je la connais : personne ne voudrait se taper une telle folie. Et tout ça est de mon fait : c’est moi qui ai décidé de laisser entrer les vampires dans le monde du Voodoo. C’est moi qui ai accepté le marché de ce sire du crépuscule aux accents du Moyen-Orient. Comment lui refuser, tenté-je de m’imposer comme pour me rassurer, mais je le sais au plus profond de moi : je suis le seul responsable. Et… dans un sens, j’en suis plutôt fier. Si je sens maintenant l’adrénaline me raidir la nuque, faire fourmiller mille frisson sur mes bras, je sais que j’en tirerai une satisfaction plénière. Pas seulement les remerciements généreux de la créature avide de mon sang, mais aussi la reconnaissance de ces si précieux clients de la nuit. Des grands crus. Uniques, précieux, recherchés. Oh, pas de la saleté de sang artificiel ne procurant aucun plaisir aux dents longues, non. Du premier choix : du sang frais, réel, importé directement de je ne sais où pour satisfaire les papilles délicates des seigneurs vespéraux. Salâh Ad-Dîn ne m’a pas tout révélé, bien sûr, et je ne puis que deviner erratiquement de ce dont il s’agit réellement, le fiant juste aux étiquettes bordées d’écrits inquiétants. Dix ans d’âge, F, intouchée. Vingt ans d’âge, M, outre. Trente ans d’âge, F, magie rouge. Comme des dénominations de grands vins, de vieux whisky. Ce qu’il me faut dire aux clients intéressés par ce genre de mets liquide. Eux savent. Eux savourent. Une sensibilité gustative qui m’est interdite, une connaissance sacrée qui me reste voilée. Et je ne cherche pas à en découvrir davantage. Ça fait partie du deal, et je me sens juste honoré d’en faire partie, sans avoir à chercher à découvrir une sordide vérité derrière tout ça.

Empaqueté dans des glacières à l’arrière du truck fermement arrimées, le lot de ce soir tremble en cliquetant. C’est le moment le plus risqué du trajet : le retour vers Shreveport depuis ce vieil aéroport privé un peu glauque où le transporteur aérien me refile la came carmin. Avant : pas de pièce à conviction. Après, tout est bien planqué. Mais là, un contrôle un peu sérieux d’une agence gouvernementale, et c’est cuit. Après, bon, les chances que ça arrive sont quand même minimes : ce n’est pas un endroit très connu pour les fast-pass, et personne ne se promène la nuit dans cet arrière-pays de la métropole. Pas même la NRD. Du moins, c’est ce que je me dis pour me rassurer.

Des lumières lointaines au milieu de la route viennent bientôt me donner tort. Évidemment. Le karma d’une telle pensée. Je songe un instant faire un vif demi-tour sans même savoir de quoi il s’agit, mais ça paraîtrait plus suspect qu’autre chose, et s’ils commencent à me courser, ce n’est pas ma vieille Fort F-150 qui pourra les distancer. Au mieux je cramerai le moteur. Si je ne me fais pas tout bonnement abattre au volant. Je poursuis donc ma route, l’air de rien, ralentissant à l’approche de ce qui semble être un barrage routier. Merde. Merde, merde, merde. Forçant à l’arrêt, un camion bloque complètement la route, flanqué d’un bus et de plusieurs autres véhicules à l’arrêt. Une dizaine de silhouettes se meuvent dans la lumière des phares. Sans doute davantage dans les voitures. D’où je suis, je ne vois pas bien ce qui se passe, et à vrai dire je n’ai pas vraiment envie de le savoir. Un accident ? C’est le plus vraisemblable. L’absence de gyrophares est notable : la police a-t-elle seulement été prévenue ? Autant faire mine basse et patienter sans se faire remarquer.

Bien sûr, l’on vient encore briser mes espoirs : un inconnu ne tarde pas à s’approcher de ma voiture, un canon scié à la main. Pas un flic : il a une tronche de bouseux du cru, et aucun uniforme. Au moins va-t-il le mérite de ne pas pointer son arme sur moi. C’est quoi, un braquage ? Une grève sauvage en pleine nuit ? Un barbecue improvisé avec invitation surprise ? Le pécore me fait signe de baisser ma vitre, et j’obtempère sans résister, le questionnant sur la situation.

« Il se passe quoi ? Il y a besoin d’aide ? »

Loin de me répondre, le type aux favoris grisonnants aussi fournis que broussailleux m’invective vivement :

« Hé, toi l’négro, sors de là. Et la ramène pas. »

Je vois. Encore un mec intelligent et respectueux. Une vraie caricature du redneck consanguin des bayous. L’Amérique profonde. Manque plus que le banjo, le chapeau de cow-boy et du tabac à chiquer craché entre deux chicots pourris. Une fois encore, j’obéis sans me laisser désirer. Je sors de ma voiture et lui fais face. Ses yeux se levant sur ma carrure hors norme s’écarquillent un peu, et je sais que ça ne jouera pas en ma faveur. Les petits roquets n’aiment pas la dominance des gros dogues. Je tâche d’apaiser sa nervosité naissante, d’un ton calme et pacifique :

« Voilà, voilà. Dites-moi comment je peux vous aider. »

Il s’agace aussitôt, et éructe :

« Ferme-là, j’t’ai dit ! Et va là-bas, près des autres. C’sérieux ici : y’a eu un meurtre ! »

Il me prend par la manche et me pousse en direction d’un petit attroupement : des inconnus sont encerclés par une sorte de milice armée tout à fait non-officielle. Un meurtre ? Rien que le ton qu’il a utilisé pour prononcer ça me révulse. Il ne fait aucun doute que tout ce qui passe par ici est automatiquement désigné suspect. Surtout s’il a la peau sombre, apparemment. J’avance, docile, vers le groupe, alors que le roquet me suit. Merde.

Dans quel bordel je me suis encore fourré, moi ?




Quoiquisspass ?:
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Anonymous
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Mer 11 Jan - 10:20 (#)

Les lumières crues des phares éclairent l’asphalte granuleux, créant une oasis de lumière dans le désert d’obscurité de la nuit. A vivre en ville, on a tendance à oublier que la nuit est telle une chappe de plomb qui s’abat sur le monde avec une violence inouïe, dévorant tout pour nous laisser seul dans le noir. Un instant, je râle entre mes dents sur l’absence d’éclairage routier, mais vu l’endroit perdu que je traverse ça n’a finalement rien de bien étonnant. L’heure extrêmement tardive n’a rien pour améliorer mon humeur. Je n’ai jamais vu un rendez-vous s’éterniser autant, mais il fallait au moins cela pour mettre en confiance ce groupe méfiant de chasseurs ne traquant pas que du gibier. Une entrevue des plus officieuses pour des gens qui finiront sans aucun doutes par avoir des problèmes avec la loi. Peu à peu, je me rapproche des groupes les plus radicaux pour étoffer ma clientèle. Après tout, c’est bien eux qui ramènent les affaires les plus intéressantes.

Des lumières aux sous-tons blancs et jaunes apparaissent plus loin sur la route. Je fronce légèrement les sourcils, incrédule. A mesure où mon véhicule s’approche je commence à comprendre ce que sont ces lueurs : des phares. Des voitures à l’arrêt qui éclairent la nuit, découpant dans l’ombre des silhouettes mouvantes. Des ombres anguleuses et massives semblent bloquer le chemin. Les quelques raies de lumière portant sur ces mastodontes métalliques me laissent deviner qu’il s’agirait d’un bus, ou peut-être d’un camion. Je ralentis et m’approche doucement des voitures à l’arrêt. L’ambiance me parait étrange, comme un frisson dans une nuit d’été. Des silhouettes vont et viennent, leurs voix tonnant d’un air colérique et menaçant. Un homme à l’aspect bourru et autoritaire s’approche de ma voiture et les lumières vives tranchent la nuit pour éclairer une partie de son visage mécontent. Aux vues de son allure, je dirais qu’il doit s’agir d’un habitant du coin. Sa main est crispée sur un fusil. Mon cœur s’accélère face à cette situation étrange et aux aires dangereux. Mes prunelles demeurent fixées sur l’homme qui s’approche. Son regard attrape le mien et à ma vue il semble se décrisper, comme si à ses yeux je ne représentais pas vraiment une menace pour lui. Tout en glissant la lumière de sa lampe torche dans l’habitacle, il commence :

« Bonsoir mamzell… » Quand la lumière de la torche atteint mon visage et m’éblouit, ses yeux s’écarquillent un peu et il reprend d’un ton un peu surpris : « Mais j’vous connais vous. Vous êtes l’avocate des magazines. Celle qui défend les gens normaux contre les CESS. »

L’espace d’un instant je crains qu’il ne soit parmi mes détracteurs, mais sont ton ravi balaye mes inquiétudes. Qui plus est, les gens de la campagne ne sont pas réputés pour être de ces progressistes pro-CESS. Je me détends quelques peu en profitant de ce sentiment diffus et prématuré à l’idée d’avoir quelqu’un qui pourrait être un allié. Exploitant son étonnement, je réplique avec un sourire :

« Oui, en effet, c’est bien moi. Auriez-vous l’obligeance de me dire ce qu’il se passe ici ? Il est tard et j’aimerais rentrer chez moi.
- Ça, ça va pas être possible tout de suite m’dame. » L’homme a l’obligeance de baisser sa torche afin de ne plus m’éblouir et recule d’un pas. « V’nez, j’vais vous montrer. »

L’agacement et la curiosité se mêlent dans mon esprit. Je balaye du regard les environs et comprends rapidement que la route est totalement bloquée et que je suis de toute façon coincée ici. Je vois certaines silhouettes encore derrière leurs volants, se tenant tranquilles, plus loin un groupe est amassé avec un homme criant sur un autre ayant une stature des plus imposante, et parmi tout cela quelques personnes sinuent entre les voitures. Etouffant un soupir fatigué, je coupe le contacte, défais ma ceinture et ouvre la portière tout en récupérant mes clefs. Mes talons haut se posent sur l’asphalte irrégulier et je m’appuis sur la portière pour me lever élégamment malgré le sol peu compatible avec mes chaussures instables. Ma robe blanche élégante et professionnelle tranche terriblement avec les tenues campagnardes et les armes à feu. Que peut-il donc bien se passer pour causer cet attroupement ? Après avoir claqué la portière et verrouillé derrière moi, je suis l’homme bourru d’un pas assuré malgré les mauvaises conditions. On contourne quelques voitures et je vois subitement une mare de lumière baignant une voiture sur le bas-côté. Les phares puissants du camion éclairent comme en plein jour une voiture abandonnée. La portière grande ouverte et la trace large et sombre qui en sort font paraitre le véhicule comme une proie éventrée. L’attroupement est plus resserré autour de cette voiture et je commence à comprendre qu’il pourrait s’agir d’une milice improvisée et grassement armée. L’homme reprend en expliquant avec un air hargneux :

« On veut trouver le responsable d’cette merde. Les monstres f’ront leur loi ici. » Il me jette un regard en coin avec un soupçon de suspicion : « Vous êtes d’accord avec ça, hein ? Ou alors ce qu’ils disent sur vous c’des conneries ? »

Un murmure d’hostilité perce sa voix, comme s’il doutait que je puisse approuver une telle chose. Hélas, je crains ce qui pourrait se passer si je venais à les contrarier. Rien n’est plus dangereux qu’un groupe d’hommes en chasse se pensant dans leur bon droit, surtout quand ils semblent aussi désorganisés. Fort heureusement je connais ce type de personnes, c’est bien avec des gens comme eux que j’ai passé ma soirée. Ils détestent les étrangers et pensent que les forces de l’ordre sont contre eux. Hors de question que je leur suggère d’appeler la police. Mais si je soutiens officiellement une telle chasse et que cela se sait, alors j’aurais des ennuis bien différents. Je me plante bien en face de mon interlocuteur et commence :

« Je vais vous dire quelque chose, monsieur…
- Donaghue, Winston Donaghue.
- Eh bien monsieur Donaghue, sachez que si la chose ayant fait ça attaque quelqu’un, vous êtes dans votre bon droit de vous défendre avec une force de frappe équivalente. » Face à son froncement de sourcils indiquant qu’il n’était pas sûr de comprendre, je précise: « Si on essaie de vous tuer, vous êtes en droit de tuer pour vous défendre. »

Un éclair de compréhension nait dans ses prunelles faiblement éclairées par les phares des voitures. J’ai choisi mes mots avec précisions. Je me doute bien que Winston a uniquement compris qu’il avait le droit de tuer, mais techniquement je n’ai fait qu’énoncer la règle de la légitime défense. Les autres hommes armés ont bien entendu ma déclaration, et ils ne me verront sans doute pas comme une opposante. Malgré tout une voix s’élève plus loin :

« Et qu’est-ce qu’elle en sait celle-là ?? » Je me tourne vers la provenance de la voix et distingue la silhouette d’un homme au ventre mou avec une casquette de baseball vissée sur la tête. Sans me démonter, je lui réponds en me présentant : « Je suis Anna Janowski. Je suis avocate et j’ai pour habitude de défendre devant les tribunaux des humains qui ne souhaitent que se défendre face aux CESS. »

L’homme semble peu impressionné mais j’entends quelques personnes réagir. Peut-être me connaissent-ils comme Winston, peut-être pas. Toujours est-il que j’espère qu’ils me considèreront comme une alliée et qu’ainsi je courrais moins de risque à me faire tirer dessus par mégarde ou à dessein. Je me demande même si cette situation ne pourrait pas m’être bénéfique. Il va falloir la jouer fine : assez impliquée pour parfaire ma réputation, pas trop pour ne pas tomber du mauvais côté de la barre du tribunal.

Cette nuit risque d’être longue.

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Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
Anaïs Wilhm
Anaïs Wilhm
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A SONG OF BLOOD

En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Thème : Mama Cass Elliot - Make Your Own Kind Of Music
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Mer 11 Jan - 13:05 (#)

Anaïs illustration

Ma tête posée contre la vitre, j’observe le ciel nocturne alors que le silence n'est dérangé que par le ronronnement du moteur et le son des pneu frottant le bitume abimé de la route. Loin des lumières aveuglantes des villes, elles sont parfaitement visible, pictant la voûte céleste de points scintillants. C’est le genre de chose qui me fait me sentir toute petite comparée à l’immensité de ce qui nous entoure. Mais ça a quelque chose de fascinant, de se dire que toutes ces étoiles sont si loin qu’une vie ne suffirait pas pour les atteindre. Ça fait relativiser tout un tas de choses et en apprécier bien d’autres. Un long bâillement vient interrompre mes pérégrinations célestes et j’entends le conducteur, Franck, souffler doucement, amusé.

- Ça va derrière ?

- Impec’, mais j’ai hâte d’arriver.

- On n’est plus très loin de Mooringsport. C’est l’affaire d’une petite demi-heure.

Je soupire de soulagement. Enfin ! Cela va faire 8 heures qu’on roule et je n’en peux plus. J’ai besoin d’un thé, d’un lit douillet et d’enfin dormir. Une semaine à faire l’apprenties interne à l’hôpital de Kansas City m’a donné plein de perspectives sur le métier et sur les voies que je peux suivre après mes études, mais je suis complètement crevée. J’ai l’habitude de dormir peu, mais une semaine entière à bosser sans arrêt m’a complètement épuisée. Je savais plus ou moins à quoi m’attendre, mais la réalité dépasse toujours un peu les attentes, que ce soit en bien ou en mal. Résultat des courses, j’étais certaine de ne pas vouloir travailler en hôpital en tant qu’interne. Beaucoup d’heures, un travail pas si intéressant et pas vraiment de reconnaissance non plus. Et le sentiment de pas pouvoir faire assez pour ceux en ayant besoin. Le personnel de l’hôpital était satisfait de ma présence, mais ce n’était pas vraiment une vois dans laquelle j’allais m’orienter. Ma spécialisation en maladie du sang m’envoyait ailleurs. Si je pouvais trouver un sponsor, ouvrir un cabinet cinq ans après mes études était faisable, du moment que je ne me tuais pas à la tâche dans un hôpital comme celui de Kansas City.

Mais pour l’heure, il me tarde d’arriver. J’avais prévenu Daphné que j’arriverais au milieu de la nuit pour qu’elle ne m’attende pas, mais je n’imaginais pas arrivée si tard. Le covoiturage a du bon, mais les horaires sont parfois moins pratiques que ce qu’on aimerait. Le couple qui m’a pris a heureusement été adorable et a allégé un peu la lourdeur des heures de route. Surtout sur une route aussi pourrie que celle-ci. Les nids de poule semblent faire concurrence aux fissures par ici. Je savais que Mooringsport, et à plus forte raison le Camp Gitan, était un peu isolé, mais quand même, ils pourraient faire un effort pour que ce soit praticable.
Etouffant un nouveau bâillement, je regarde un instant mon téléphone. Près de trois heures du matin. J’espère que Daphné va me laisser dormir. Je sais que je lui ai promis d’être opérationnelle, mais si j’ai pas au moins six heures de sommeil je serai un zombie incapable de comprendre un mot de ce qu’elle me raconte.

- C’est quoi ce bordel ?

Je relève le nez en entendant Franck et jette un œil à l’extérieur. Il semble qu’il y ait un rassemblement de voitures et de silhouettes au beau milieu de la route. Un imposant camion barre le passage et des gens gravitent autour. La voiture ralentit puis s’immobilise, attirant l’attention d’un type qui approche. J’ai du mal à en être sûre avec l’obscurité et la lumière qui éclaire tout sauf sa silhouette, mais il semble tenir un truc en main. Quand il arrive à notre niveau, j’entends le conducteur jurer tout bas et je comprends pourquoi. L’homme tient un fusil dans sa main. Il tapote à la vitre, réveillant la femme, Liliane, qui sursaute alors qu’il lui fourre le faisceau de sa lampe torche en pleine tronche. Elle baisse la vitre, visiblement pas très contente.

- B’soir m’sieur, m’dame… Et mam’zelle – ajoute-t ‘il en m’apercevant à l’arrière, m’aveuglant avec sa foutue lampe torche.

Je les laisse discuter, comprenant qu’un groupe de miliciens a barré la route et empêche tout le monde d’avancer. Lorsqu’il parle d’une voiture dans le fossé, je me décale sur la banquette pour apercevoir une partie du véhicule autour duquel sont agglutinés tout un tas de gens. Je trouve ça bizarre que des types armés entoure un simple accident de voiture, surtout sans le moindre gyrophare à l’horizon et en barrant complètement la route sans la moindre signalisation. Quelque chose cloche.

- Oui on vient de Kansas City et on rentre à Mooringsport. Et on dépose cette jeune femme au camp gitan en passant.

Oh oh… Le type me fixe d’un air que je n’aime pas du tout. J’aurais préféré que Franck la ferme sur ce coup-là. Les gitans se sont pas les gens les plus appréciés du coin, par pure racisme ou incompréhension, mais je ne serai pas surprise que le type soit anti-CESS et que le camp soit un lieu connu pour en abriter. Peu probable, vu que personne d’extérieur, ou presque, n’y entre, mais avec ce genre d’individu…

- Sort de la voiture.

Gagné. Je soupire, déjà fatiguée de la suite, haussant les épaules au regard navré de Franck. Pas comme s’il pouvait deviner que ces types étaient cinglés. Au moins il ne braque pas son arme sur moi, c’est déjà bien. Je ne comprends pas ce qu’il se passe, ni pourquoi il me fait avancer vers d’autres personnes. Et je remarque alors la grande trainée de sang et la voiture ouverte d’où elle semble venir. Ah. Ceci explique cela, je présume. Le sang n’a pas l’air très vieux vu la couleur et la façon dont il brille sous la lumière des phares.

- Je suis étudiante en médecine, je peux aider s’il y a un blessé.

- Ta gueule.

Merveilleux. Il me pousse presque contre un grand homme à la peau sombre et au crâne chauve qui semble lui aussi être tombé au mauvais endroit au mauvais moment. Les hommes armés ont tout de l’anti-CESS de base, le redneck de la campagne qui a peur de sa propre ombre tout en blâmant n’importe qui d’autre que lui pour le moindre problème. J’entends vaguement le type papoter avec un autre et les deux me regardent d’un air que je n’aime pas du tout. Ils viennent de me coller une étiquette « suspect » sur la tronche parce que je vais au camp gitan. J’ai mon tel dans la poche, je devrais appeler les flics, mais comme je m’en doutais, le réseau ici fait des siennes. De toute façon je doute qu’ils me laissent faire gentiment pendant que j’appelle les autorités qu’ils n’ont sûrement pas envie de voir débarquer. Tout ça sent l’illégalité à plein nez.

Je suis encore tombée au bon endroit moi, tiens…




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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

Pseudo : Carm'
Célébrité : Lily Sullivan
Double compte : Alexandra Zimmer & Inna Archos
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Crédits : Lyrics: The Great Malarkey
Ven 13 Jan - 23:08 (#)

The Hunt

Le silence et la nuit totale. Elle appréciait cela.
Au-dehors, les étoiles étaient revenues à la vie en l’absence des lumières citadines, et la lune les suivait, de sa clarté irréelle qui douchait les arbres et les futaies d’une teinte froide. La route n’était qu’un filament de noirceur craquelée qui disparaissait au-delà des faisceaux de sa voiture, elle-même un minuscule point bleu sombre mouvant au centre d’une immensité de ténèbres. La Jaguar semblait se fondre dans les écharpes d’obscurité, que ses phares déchiraient momentanément. L’étoffe nocturne se recousait à son passage, et la poussière de la route y tissait alors des scintillements éphémères dans la toile de la nuit sauvage.

À l’intérieur de l’habitacle, Elinor avait laissé l’obscurité nocturne s’infiltrer, l’envelopper et la bercer dans une douce étreinte de calme et solitude, de la même manière qu’elle recouvrait les alentours champêtres. Les lumières tamisées du tableau de bord répondaient aux étoiles, hautes derrière les vitres, recouvrant les banquettes de cuir noir de filaments de couleurs passées, fluctuantes, au milieu d’une couverture d’ouate nocturne. Seul le silence rythmait sa conduite. Le bruit monotone du moteur n’était alors qu’un lointain ronronnement étouffé, rassurant, qu’elle n’aurait jamais voulu briser par une station de radio criarde.

L’isolement de ces terres lui convenait à merveille. L’esprit semblait pouvoir enfin respirer sous l’immensité du sombre ciel, et la nature, le vent et les feuilles, étaient empreints d’une beauté secrète, qui paraissait n’être destinée qu’à ses yeux de créature nocturne. Tout était plus suave. Tout était plus riche. La nuit était bien plus belle loin de la cité des humains, et comment elle, une vampire, n’aurait-elle pas pu apprécier une telle balade ? Elle se sentait détachée de tout, ici. Même du temps. Elle n’avait plus rien, mais pouvait tout faire. Le monde, la nuit. L’ambition, la liberté. Seule l’immensité des cieux noirs l’observait à présent.

La poésie du français lui avait déteint dessus. Cela fit naître un sourire dans l’obscurité de l’habitacle, mais Elinor n’en apprécia que davantage cette équipée. Le rendez-vous d’affaires s’était très bien passé, et elle avait bien assez de temps libre devant elle avant le lever du soleil. Rien ne pressait. Elle aperçut l’éclat des lumières de très loin, et commença à ralentir la Jaguar roulant à vive allure. Elle plissa les yeux, habitués à l’obscurité rassurante de la route déserte, en identifiant peu à peu la raison de tout cet amas de lumières.

De nombreuses voitures et des camions barraient la route. Elle jeta un coup d’œil à l’heure très tardive sur le tableau de bord, en s’arrêtant derrière la dernière voiture arrivée juste devant elle. Curieux, et plutôt de mauvaise augure au milieu de nulle part, estima-t-elle en remarquant les hommes armés marchant çà et là, qui observaient les voitures avec des airs suspicieux. Elle fit mine de ne pas avoir vu ni leurs armes ni leurs allures : après tout, elle n’était pas censée pouvoir voir aussi bien dans l’obscurité de l’arrière-pays.

On ne tarda pas à l’aborder à son tour. Un homme, armé lui aussi, se faufila entre le capot de la Jaguar et la voiture de devant, ses traits bourrus brièvement éclairés par les phares. Il lissa du plat de sa grosse main la carrosserie neuve d’un air admiratif, avant de venir tapoter à la vitre de la conductrice. Elle s’empressa de la descendre, adoptant un air à la fois inquiet et aimable par précaution.

« B’soir m’dame. Sacré voiture que z’avez là, et neuve en plus qu’on dirait, » commença-t-il en plaçant le faisceau de sa torche en plein sur le visage d’Elinor.

Elle détourna les yeux, battant vivement des paupières. « Bonsoir monsieur. Votre torche s’il vous plaît, vous m’éblouissez. »

L’homme hésita un instant. Quelque chose dans le ton sinueux et ferme de la femme modifia subtilement son attitude, comme une soudaine prise de conscience de sa maladresse. Il détourna sa torche vers le bas, n’éclairant plus que le haut de la portière, sur lequel il s’appuya lourdement. Il sentait la transpiration ; la vampire percevait aussi une foule de parfums, comme la terre, le métal de son arme et son après-rasage.

« Pardonnez m’dame. C’est que z’êtes bien pâle, ça inquiéterait pas mal d’gens dans l’coin… Vous v’nez d’où ‘vec vot’ belle Jaguar ? C’est pas l’heure ni l’coin à vous balader ainsi sans vot’ mari, si j’me m’abuse. »

L’immortelle l’observa une fraction de seconde. Elle n’avait pas besoin de connaître les circonstances exactes de ce contrôle routier amateur pour flairer le danger de la situation. De sa main enveloppée de petits gants de cuir élégants qu’elle appréciait enfiler pour conduire, Elinor coupa le contact de sa voiture.

« Mes parents sont anglais, il y a moins de soleil là-bas. Ils m’ont transmis leur teint. » Il hocha la tête pour toute réponse, sans ajouter un mot. Elle continua de dérouler son récit fictif, en arborant un air respectueux et assuré sur son visage. « Je retourne chez moi, à Shreveport, après être resté tard chez des amis. Malheureusement non, mon mari n’était pas de la soirée. »

Un sourire ricanant se dessina sur le visage de son interlocuteur. Bien entendu tu penses à ça, jugea-t-elle. Exactement ce qu’elle avait anticipé, ce qu’elle avait cherché à provoquer en réalité, et les paroles de l’homme ne firent que confirmer son intuition. « L’est pas au courant de vos escapades nocturnes vot’ mari ? »

Elinor poussa un soupir de circonstance. Elle laissa quelques secondes nécessaires pour simuler une gêne toute aussi fictive que son prétendu mari, avant d’articuler lentement. « Eh bien, malheureusement, et puisque vous voulez le savoir, mon mari est décédé il y a cinq ans en opération. Afghanistan. »

« Oh. » Cette fois, il eut l’air réellement navré. Elle le savait très bien : le service à la nation créait immédiatement un capital sympathie chez cette catégorie de personnes. « Pardonnez, j’voulais pas être grossier. Mon frère a été là-bas lui aussi, pas une guerre facile. Il a servi dans quel corps, feu vot’ mari ? »

Cette question aussi, elle l’attendait. Un siècle et demi à louvoyer dans les sociétés et les nids à serpents de l’humanité l’avait gratifié d’une adresse indéniable dans l’art de la tromperie. Élaborer une histoire réaliste en quelques secondes était devenu une seconde nature, dont elle accentuait l’authenticité par ses sombres talents. Elle se tourna à nouveau vers lui, et planta ses yeux dans ceux de l’homme.

« Le même que celui de votre frère, » lui affirma-t-elle en influençant son opinion. « La pension reversée est d’ailleurs une bien maigre consolation malgré une belle voiture, croyez-moi. Monsieur ?... »

Une lueur de compréhension traversa l’expression de l’homme. « Oh, Hugh Clint. M’voyez désolé m’dame, c’est une coïncidence, mais mon frère a servi dans les marines aussi. C’est moche d’perdre quelqu’un, surtout si jeune. J’suis sûr que vous r’trouverez l’bonheur, j’veux dire, sauf vot’ respect. »

Elle lui sourit de plus belle. La torche faisait briller sa pâleur, mais elle avait pris l’habitude de se donner des couleurs avec un maquillage adroit, et une respiration simulée. Elinor chassa une mèche de cheveux noirs de son front blanc, appuya son bras contre le bord de la vitre, et laissa son chemisier s’ouvrir légèrement.

« Merci de votre considération, elle me fait chaud au cœur, sincèrement. Mais excusez-moi, je raconte ma vie. » Elle désigna d’un hochement du menton le barrage routier. « Pourriez-vous me dire ce qu’il se passe là-bas ? J’aimerai pouvoir rentrer chez moi, Hugh. »

Le dénommé Hugh toussota. Le faisceau de sa torche jetait une lumière crue sur le chemisier d’été, léger et de couleur crème, que la conductrice portait, et sur la naissance de sa poitrine. Ses longues jambes étaient enveloppées dans une jupe de tailleur plus sombre, qui se découpaient dans l’obscurité du siège. Il se reprit et détourna les yeux, avant de s’éclaircir la voix en désignant le blocage de la route face à eux.

« J’veux pas vous affoler m’dame, mais soupçon de meurtre. L’coupable pourrait être encore dans l’coin, alors on filtre tout ce qui se passe pour essayer de le coincer. Ça rassurerait tout le monde si vous pouviez sortir, qu’on fasse l’point et discuter, tout ça. »

L’immortelle mima un air inquiet. « Un meurtre ? Attendez, je ne veux pas rester ici s’il y a un meurtrier en cavale. »

L’homme se redressa, levant une main rassurante. L’autre tenait son fusil, que Elinor fixa avec une fausse appréhension. « Vous risquez rien ici, avec tous ces gars. C’est même mieux qu’être seule sur la route. Puis une fois que tout sera réglé, on vous laissera repartir. Z’inquiètez pas, on est pas des brutes. »

Elle scruta à nouveau en face à elle. Une expression de frayeur contrôlée s’attardait sur ses traits mais, au fond d’elle-même, Elinor pestait. Tout ce contretemps était ridicule. Elle n’avait aucune envie de palabrer avec une bande de pseudo-justiciers avinés au beau milieu de la nuit. En se tournant vers le dénommé Hugh, elle lui adressa un nouveau sourire faussement maladroit, et celui-ci fit de même à son tour.

« Bien sûr, je comprends, » lui dit-elle en prenant son sac à main sur le siège passager. « De nos jours, on ne sait plus qui est qui, il faut faire attention. »

L’homme lui sourit de plus belle. Il avait les dents jaunes, une salopette sale et la casquette vissée à son crâne à demi chauve sentait la bière. Elinor le sentait la déshabiller du regard quand elle ouvrit la portière, posant ses chaussures à talons plats sur la route abîmée. Elle lui aurait volontiers crevé les yeux.

« Z’avez bien raison. ‘Comprenez qu’on peut se fier à personne, surtout avec tout ces trucs surnaturels au jour d’aujourd’hui. À propos, vot’ p’tit nom, j’vous ai pas demandé ? »

« Victoria. Victoria Hamilton, » fit-elle sans hésitation, en sortant de la Jaguar, qu’elle ne verrouilla pas au cas où le type aurait voulu fouiller le coffre, lequel était d’ailleurs vide.

Le visage de Hugh se para d’un air étonné et intéressé. Ses yeux avaient du mal à remonter plus haut que le cou d’Elinor. « Ah, oh, comme le sénateur ? Un lien de famille ? »

Elle souffla un rire parfaitement feint. « Non, pas du tout. On me le demande souvent, mais non, c’est le nom de ma maman. »

L’homme n’en fut que plus souriant. Il en faut peu, pensa-t-elle en suivant le type vers l’attroupement qui s’était formé à côté de la Buick accidentée. Elle lui aurait bien arraché la langue aussi, tant qu’à faire.



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Dim 15 Jan - 13:48 (#)

II

Alors que j’approche du groupe amassé là, je perçois la confirmation de ce que monsieur le raciste décérébré me disait l’instant d’avant : un meurtre. Ou tout du moins ce qui laisse supposer qu’il y en a eu un : des torches électriques sont braquées sur une voiture ayant visiblement fait une sortie de route. Une belle voiture, une vieille voiture. Le genre que les collectionneurs apprécient. Et vu l’état impeccable de la carrosserie bleue, c’est quelqu’un qui doit aimer en prendre soin. Portières et coffres ouverts, elle stagne là dans les herbes du bas-côté de la route, abandonnée. Rien qui laisse supposer un meurtre, d’un premier abord. Mais l’indice suivant ne trompe pas : sur le sol terreux aux côtés du véhicule s’étend une large traînée de sang. Et longue, comme si on avait tiré un corps hors de l’ancêtre à quatre roues. C’est sûr : il y a eu un mort. Oh, j’aurais bien dit qu’il s’agissait à première vue d’un conducteur un peu franc qui aurait percuté un sanglier et l’aurait traîné pour aller le planquer dans les buissons avant de reprendre sa route, mais les gens du cru ont déjà porté leur conclusion. Et puis, le type en question serait sans doute déjà revenu, vu le nombre d’automobiles présentes. Après, il manque quand même quelque chose : il n’a pas l’air d’y avoir de corps. On peut écarter toute de suite la possibilité de l’attaque d’un animal sauvage. Et ce même si la victime était sortie pour vider sa vessie : les bestioles n’ont pas pour habitude d’ouvrir les portières et coffres des voitures. Alors quoi ? Difficile à dire.

Je suis tiré de mes pensées par un léger choc dans mon dos : on vient de pousser une jeune femme contre moi, avec la même délicatesse dont ils ont fait preuve avec moi. Je me tourne vers elle, confus, et l’observe. Elle a l’air bien jeune. Bien inoffensive. Bien loin des tronches des autres personnes rassemblées ici par la milice sans badge. Une suspecte, elle ? Ils sont complètement à l’ouest. Moi encore, avec ma carrure, ma tronche et ma couleur de peau, j’peux comprendre qu’un bête type bas de plafond puisse avoir des doutes, mais elle ? Je me tourne vers son bourreau. Un type pas bien plus présentable que le précédent, avec un corps de lâche et un bide à bière. Une posture de vers de terre et une tête à moitié dégarnie. Il remarque que je le scrute, et avant qu’il ne puisse prendre la parole, je lui lance :

« Les gars, vous déconnez là. Vous l’avez vue ? Elle a le profil-type d’un tueur des marais, peut-être ? Laissez-là dans sa voiture, elle a autre chose à faire que de voir vos armes la menacer. »

Le type en question n’apprécie pas tellement mon intervention. Ô surprise. Il me regarde de son air torve, et m’envoie un coup de la crosse de son arme en plein bide, éructant :

« Ta gueule, l’esclave ! Si on voulait t’entendre l’ouvrir, on t’le dirait. »

J’encaisse le choc un peu trop bien à son goût. Oui, ça percute le muscle douloureusement, mais là où un mec lambda serait plié en deux, je reste bien debout. Pire, sentant une sourde colère monter en moi, je lui fais face de plus belle, le surplombant de toute ma taille.

« Répète ça ? »

Il n’y a pas grand-chose qui puisse me faire sortir de mes gonds, mais un racisme primaire si obvious… Je n’ai guère le temps de développer cependant. Ni de profiter de la peur dans le regard du débile : un coup sec me percute l’arrière du genou, me forçant à le mettre en terre dans un rictus douloureux. Le benêt qui m’a sorti de ma caisse a assisté à tout ça, et n’a pas l’air d’apprécier qu’on s’en prenne à son pote. Il cogne vivement ma tempe avec le manche de son arme, gueulant :

« Putain, j’t’ai dit quoi ? Reste à genoux, sac à merde. Et te mêle pas de ça. »

Je secoue la tête. Un liquide chaud me coule sur l’arcade. Du sang, bien sûr. Mon sang. Ces brutes n’ont pas tardé à se montrer violents. S’ils étaient moins nombreux et moins armés, je leur aurais montré, moi, ce que ça fait de s’en prendre à un géant du Mad Dog. Mais là, je ne peux rien faire… Ils n’hésiteraient pas une seconde à en finir avec moi. Avec ou sans témoins. Fermant un œil, à moitié sonné, je relève la tête. Deux nouvelles venues tranchent avec la population locale. Le genre pété de thunes. L’une avec une robe blanche, droite, sans folie. Le type de robe qu’on voit sur les femmes d’affaire. Et puis l’autre, plus loin, dans un tailleur sombre non moins bourgeois. Elles n’ont visiblement rien à voir l’une avec l’autre, mais semblent avoir une emprise que les autres n’ont pas sur les idiots du coin. Les maîtresses de ces chiens ? Mon regard tente de capter le leur. Qu’est-ce que j’espère, au juste ? De la pitié ? De l’aide ? Sait-on jamais si elles peuvent me reconnaître : je ne passe pas inaperçu, à Downtown, et le Voodoo a sa petite réputation. Deux choses que les connards du cru ne doivent pas connaître, pour le coup.



Quéquisspass ?:
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Mar 17 Jan - 8:49 (#)

La nuit semble plus lourde, chargée d’une violence qui ne demande qu’à exploser. Autour de la voiture abandonnée, deux hommes discutent en se demandant à voix basse ce qui a bien pu se passer. Le conducteur a-t-il été trainé dehors par la bête ? Pourquoi la trace n’était-elle pas plus longue ? Leurs questionnements ne trouvent aucune réponse satisfaisante et je comprends bien rapidement que les maigres capacités de détective des gens présents ne seront clairement pas suffisantes pour résoudre ce mystère. Peut-être nous ferons nous attaquer par le monstre à l’origine de cet attroupement, peut-être même que nos justiciers seront ceux-là même qui provoqueront le plus gros carnage à cause d’une panique incontrôlée. J’ai déjà vu ça tant de fois au tribunal, des humains ayant tué d’autres humains en les prenant pour des CESS. La stupidité va régner, la frustration va monter et le tout va exploser dans un grand fracas de coups de feu incontrôlés. Les choses ne se présentent vraiment pas bien.

Un vrombissement grandit puis s’étouffe dans le calme inerte de l’embouteillage à l’arrivée de nouvelles voitures. Déjà les conducteurs et passagers se font alpaguer par la milice et de nouvelles voix s’élèvent dans l’obscurité. Je me détourne de la voiture noyée dans la lumière vive et pâle des phares et jette un œil aux ombres qui s’amassent sur l’asphalte, curieuse des nouveaux venus. Une silhouette frêle est menée vers les gens sous bonne garde tandis qu’une femme élégante se fait conduire jusqu’ici après une conversation avec un des hommes armés, sans doute pour lui montrer également la voiture abandonnée. D’autres passagers demeurent dans les voitures, ombres immobiles dans les habitacles de métal. Quelqu’un finira-t-il par appeler la police ? Risquons-nous de nous retrouver dans une fusillade entre forces de l’ordre et milicien en plus du reste?

La nouvelle venue à la silhouette élancée et à l’allure élégante n’a même pas le temps d’arriver que déjà une voix abrupte perce la nuit, faisant monter la tension ambiante. Un hoquet de stupeur se fait entendre parmi les quelques personnes lambda que l’on a fait sortir des voitures, réagissant à la remarque haineuse du redneck qui hurle sur un homme noir à la haute stature. Mon attention se porte sur l’altercation juste à temps pour voir le bouseux frapper violement l’homme tandis qu’un autre milicien vient aider son violent comparse. La très faible lueur illuminant la scène me donne l’impression d’assister à un spectacle d’ombres chinoises des plus brutaux. Les choses sont déjà en train de dégénérées. Que la milice improvisée plombe un monstre quelconque m’importe peu, mais je n’ai pas vraiment envie de me retrouver sur les lieux d’un lynchage, le grand public et mes détracteurs feraient bien rapidement des amalgames. Quelques parts parmi les ombres, le regard du colosse mis à terre capte le mien. Je me fiche pas mal de son sort, mais si la violence grimpe si rapidement, même ma sécurité serait en péril. J’avance vers eux dans un bruit de talon rendu bizarre par le revêtement de la route et je m’approche du groupe ayant été sorti des voitures et encadré par la milice.

« Messieurs, je croyais que c’était un monstre que vous cherchiez. Je doute que ceci fasse avancer les choses. »

Ma voix est forte et clair, ne tremblant pas. Inutile de condamner leur acte pour des raisons plus morales, cela ne me ferait passer que pour leur ennemie, ce que je ne souhaite pas. J’espère même que ce mystérieux pouvoir que je semble détenir puisse m’aider à gagner au moins leur attention si ce n’est leur sympathie, mais la haine déformant le visage de l’homme violent semble le rendre imperméable à la raison. Son regard me fait comprendre que je n’ai clairement pas le bon genre pour être une personne qui mérite d’être entendue. Déjà, il ouvre la bouche pour cracher une insulte mais une voix plus forte provenant de ma gauche l’interpelle :

« Carl ! Qu’est-ce que tu fous ? » Un silhouette plutôt mince et haute de taille passe devant les lumières des phares et se rapproche suffisamment pour que l’on puisse le distinguer. Il s’agit d’un homme un peu plus âgé que les autres, les traits tirés par une vie pas forcément facile et les cheveux commençant déjà à grisonner. Sa stature est plus maigre que celle de ses comparse mais, malgré tout, les autres le regardent avec un air plutôt respectueux. Il ne tient pas de fusil mais on distingue clairement une arme de point coincée dans son pantalon. A son arrivé, il capte l’attention des miliciens sans mal. Il s’approche vivement du dénommé Carl et se plante en face de lui, le surplombant d’une tête de haut. La faible luminosité arrive tout de même à capter l’éclat coléreux de son regard. « On est là pour chasser une putain de bête, pas pour s’amuser. » Il ne jette pas un seul regard à la victime au sol. Il ne fait que peu de doute que sa haine soit aussi intense que celle de Carl, mais lui au moins semble plus focalisé sur l’objectif du soir. Il se tourne vers les autres brandissant en l’air ce qui semble être un petit crucifix rattaché à une chaine et jette à la ronde d’une voix forte : « Sortez tout le monde des voitures ! On va leur faire faire un test à l’argent ! »

Le collier accroche un raie de lumière et la froideur pâle de son éclat nous confirme qu’il s’agit bien là du métal le plus utile qu’il soit. Au moins ce plan fera avancer les choses. Ainsi donc cet homme doit être leur chef, il est toujours intéressant d’identifier les leaders. Les autres milicien acclament ce plan d’action et subitement la nuit devient agitée. Les hommes armés toquent aux fenêtres des voitures sans délicatesse en sommant les passagers de sortir pour se réunir. Ils n’hésitent pas à saisir les récalcitrants pour les jeter dehors sans ménagement. Sans attendre, des miliciens ont déjà commencé à saisir des gens et le chef plaque sur leur peau le crucifix. S’ils trouvent un bouc émissaire le problème sera vite réglé. En revanche s’ils ne trouvent rien, les choses risqueraient d’empirer. Il vaut peut-être mieux ne pas trop attirer l’attention de ces gens-là.

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Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
Anaïs Wilhm
Anaïs Wilhm
Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
A SONG OF BLOOD

En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Mar 17 Jan - 17:51 (#)

Anaïs illustration

LLa tension dans l’air est si épaisse qu’on pourrait la couper avec un scalpel. Elle écrase et tend mes épaules, fait accélérer les battements de mon cœur. Tout ça sent mauvais. Une poudrière qui n’attend qu’une étincelle pour s’embraser. Le nombre de personnes présentes sur les lieux ne semble faire qu’augmenter et même une sorte d’aristocrate au port altier est prise dans tout ça. Au moins ils semblent la traiter correctement puisqu’elle n’est qu’escorter et pas pousser dans le dos d’un inconnu avec bien plus de force que nécessaire. Que je hais les types qui se croient tout permis parce qu’ils sont armés et possèdent une morale douteuse.

Je ne m’attendais par contre pas à ce que le grand homme à la peau sombre prenne ma défense. Même s’il me traite globalement de petite chose fragile, l’intention est là, mais j’aurais préféré qu’il s’abstienne au vu de la situation. Et ça ne manque pas. Le ton monte et les coups commencent à pleuvoir. Du sang coule déjà sur la scène alors qu’aucun « monstre » n’a été trouvé. Ça en dit long sur les vraies intentions de ces justiciers du dimanche, plus intéressés par le fait d’enfin user de leurs armes que de véritablement trouver un coupable, et non pas un bouc émissaire.  Je m’agenouille à la hauteur du blessé, fusillant l’autre empaffé du regard.

- Vous êtes pas bien ?! Vous auriez pu lui ouvrir le crâne !

Par chance, il semble que ce soit juste son arcade qui ait pris un méchant coup. Les blessures à la tête, ça saigne toujours beaucoup, même si elles sont sans gravité, mais difficile de dire s’il a une commotion ou non. Vu le coup qu’il a pris… User de magie serait plus rapide et efficace, mais avec les illuminés à côté, c’est un risque que je ne vais pas prendre. J’en suis réduit à me relever sous le regard des miliciens.

- J’ai de quoi le soigner dans mon sac dans la voiture. Je peux aller le récupérer ? S’il perd trop de sang, vous allez avoir des problèmes…

Celui qui a invectivé le dénommé Carl, apparemment le chef de cette bande de cinglés, me fixe un instant, me jaugeant visiblement une seconde avant de hocher la tête. Il se tourne néanmoins vers un de ses gars.

- Winston. Tu la surveilles.

Je me retiens de justesse de lever les yeux au ciel avant de trottiner jusqu’à la voiture de Franck qui m’ouvre diligemment le coffre en scrutant mon escorte d’un regard partagé. La situation est délicate pour tout le monde et je doute que ça s'améliore tout de suite. Je récupère mes sacs sous le regard suspicieux du fameux Winston.

- Y’a quoi dedans ?

- Mes affaires. Vous voulez vérifier si mes culottes sont piégées ?

Il me regarde d’un air éberlué, comme s’il pensait que j’étais sérieuse. D’accord, pas de sarcasme avec ces abrutis. Je suis trop fatiguée pour être donne humeur ou patiente avec des cons pareils. Au moins il ne fouille pas mes sacs de voyage ou mon sac à main. Il n’aurait pas aimé trouver un athamé à l’intérieur. Et j’aurai eu du mal à justifier sa présence sans trop en dire.
Quand je reviens vers le blessé, ils ont commencé à faire sortir les gens des voitures et leur chef pose un objet sur leur peau. Sans doute un test à l’argent. Quelle bande d’abrutis. Plus je regarde la scène, plus je suis convaincue qu’un garou ou un vampire n’a rien à voir avec ça. Et les autres Eveillés étant pas plus sensible à l’argent que les humains, ça ne va servir à rien. Seulement à faire porter le chapeau à un parfait innocent.

Je ravale les mots qui menacent de m’échapper et me mets à hauteur du blessé. Le sang a bien recouvert le côté de son visage, mais au moins la plaie est facile à repérer, même dans la nuit. Et puis si je suis discrète, ils ne verront pas un peu de magie. Je commence à fouiller mon sac pour en sortir ce que j’ai récupéré de l’hôpital. J’enfile une paire de gants avant d’approcher le visage du souffrant.

- C’est quoi votre prénom ?

Wilson.

- Okay Wilson, moi c’est Anaïs, vous voulez bien que je jette un œil à votre blessure ?

Avec sa permission, je nettoie sa plaie avec une compresse. Il l’a pas loupé, c’est sacrément bien entaillé… Vu que tout le monde a l’air trop occupé à chercher un bouc émissaire pour faire attention à ce que je fais précisément, j’empêche le sang de couler trop abondamment, histoire de pouvoir travailler plus vite. Je commence à sortir les bandes de suture, puis désinfecte la plaie avant d’appliquer de quoi la refermer. Ça ne prend pas longtemps et, une fois terminé, je coagule un peu le sang pour être sûre qu’il ne continue pas de saigner durant le reste de la nuit. Je retire mes gants en lui offrant un sourire réconfortant.

- Voilà, ça devrait tenir. Je vous dirais bien d’aller à un hôpital dès que possible, juste au cas où. Vous avez pris un méchant coup quand même…

Je n’ai pas perçu de saignement interne, donc je pense que ce n’est pas nécessaire, mais je peux me tromper. Mieux vaut être trop prudent que pas assez dans ce genre de cas. S’il a une commotion, il va le sentir passer et je ne peux simplement pas la détecter dans ces conditions. Je range mes affaires, ferme mon sac et me relève, roulant mes gants en boules et les fourrant dans une poche de mon sac.

- Okay gamine, ton bras.

Ah oui, le test d’argent. Je fixe le chef de ce troupeau d’intolérants, puis l’objet qu’il tient. Une croix. Une foule d’images et de sensations me frappe violemment. L’immaculé d’un sol blanc. Le son des rires qui m’entourent. La chaleur du métal qu’on chauffe. L’odeur. La douleur. Mes mains se mettent à trembler violemment et je recule d’un pas. Merde. Pas maintenant. Pourquoi il faut que je panique maintenant ? Je ne risque rien avec un test à l’argent, alors pourquoi a-t-il fallu que ça revienne maintenant ?

- Non… Me touchez pas !

Je n’ai pas pu empêcher mes mots de sortir. Je sais que c’est la pire chose à dire, la pire manière de réagir. Je veux juste qu’il tienne cette horreur loin de moi. Plus personne n’utilisera une foutue croix pour me faire du mal. Je ne vais pas rester là à les laisser faire ce qu’ils veulent.

- Bouge pas, gamine…

Le cliquetis d’un fusil qu’on arme me fige. Mon cœur bat si vite et si fort que c’est presque un miracle que je l’ai entendu. Je vois même pas où il est. Pourquoi c’est si dur de respirer ?
Je panique… je sais que je panique. Ça ne m’était pas arrivé depuis si longtemps, j’arrive plus à gérer tout ça d’un coup… Daphné m’a aidé à gérer. Comment je fais ? Je fais quoi ? Comment je respire déjà ?

- Me touchez pas…





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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

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Sam 21 Jan - 23:27 (#)

The Hunt

La route craquait sous les bottes des hommes affairés. Leurs voix vibrantes de colère refoulée remplissaient l’air de vapeurs irritantes, et leurs mouvements saccadés faisaient craquer les rares futaies rachitiques qui bordaient le fossé séparant la rase campagne du bitume. Une odeur de poudre saturait la nuit. Le métal des armes jetaient des éclairs menaçants lorsque les justiciers amateurs traversaient les flambeaux des phares et les senteurs sauvages s’effaçaient au profit de la sueur, de la peur et de la bière. Mais c’est le parfum du sang plus que tout autre chose, qui donnait à la scène un aspect sinistre et froid ; presque mortel.

Elinor fit mine de rien percevoir de ce tableau. Elle suivait le dénommé Hugh Clint, qui l’escortait d’un peu trop près à son goût, quand sa chaussure buta fortuitement contre une pierre à la jonction de la route et de la terre. Un court instant, elle se laissa déséquilibrer, la main droite tendue, avant que son chevalier servant à l’odeur rance de bière ne vienne lui saisir la paume. Elle se rattrapa mollement à sa main, en lui adressant un sourire de soulagement ; en son for intérieur, elle prit note de laver ses gants à son retour.

« Merci Hugh. Excusez-moi, on ne voit pas grand-chose dans cette pénombre, » fit-elle en retrouvant son équilibre.

« Oh, milles pardon, j’vais vous éclairer devant. ‘Vrai qu’il fait sombre comme dans l’cul d’un noir. »

Elle railla de sa mémoire la délicatesse du parlé local. « Mais je ne comprends pas, qu’est-ce qui vous fait dire qu’un crime a été commis ? »

L’homme leva sa main épaisse, en montrant la Buick de collection abandonnée une dizaine de mètres plus loin ; de là-bas émanait une puissante odeur de sang, que Victoria n’était pas censée sentir. Celle-ci suivit son mouvement des yeux, en affichant la même expression d’incompréhension, la parfaite comédie comme il sied au rôle d’une faible femme confuse. Le chevalier rance s’empressa alors de tout lui expliquer.

« ‘Voyez pas d’ici, mais il y a des traces de sang à côté de l’caisse. Trop pour être normal, voyez. » Victoria ne distinguait rien, bien entendu, et elle s’apprêtait à lui répondre, lorsque l’altercation éclata.

Nouveaux éclats de voix. Nouvelles odeurs de sang. Le parfum capiteux du liquide vitale emplit à nouveau l’air ambiant, en venant flatter les narines sensibles de la vampire ; celle-ci porta son regard vers une jeune femme en colère, flanquée d’un colosse à genoux. À celui-ci, l’immortelle ne renvoya qu’un regard craintif. C’était celui de son rôle, Victoria, veuve d’un ancien marine, qui n’avait d’autre envie que de rentrer chez elle, plutôt que de s’attarder  sur le lieu d’un crime. Elle s’adressa à Hugh sur le ton de la confidence.

« Ce n’est pas un peu trop brutal comme traitement ? Cet homme saigne, on dirait, » fit-elle en parvenant à inclure quelques trémolos très convaincants dans le timbre de sa voix.

Il se racla la gorge, réajusta sa ceinture sur sa bedaine naissante, et prit un ton condescendant. « Oh ma foi, z’inquiétez pas, c’est qu’il a dû l’mériter. Ils savent c’qui font. »

Naturellement, pensa-t-elle avec la furieuse envie de lever les yeux au ciel. Ses mains se mirent à serrer son sac à main, faussement craintive, en analysant la situation délicate qui s’offrait à ses yeux. Elle n’avait guère besoin de réfléchir pour cerner l’aspect catastrophique de cette pathétique parodie de justice, et du risque que tout cela faisait courir sur sa propre sécurité. Trop d’incertitudes. Trop d’acteurs instables et armés.

Parfois, nous aurions bien besoin d’une nouvelle peste noire, rumina-t-elle. À quelques mètres d’elle et de son chevalier servant, une jeune femme s’évertuait à recoudre l’arcade du colosse à genoux, tandis que les miliciens s’invectivaient pour mettre en place un test à l’argent généralisé. À coup de crosses et de sifflets, on fit masser les occupants des voitures les uns à côté des autres pour recevoir un objet des mains de celui qui avait tout l’air du leader. Elinor mémorisa ses traits durs et vieillissants, en pestant intérieurement.

Le crucifix brillait froidement sous les lueurs des torches. Elle pouvait presque sentir sa morsure d’ici, alors que la vampire analysait les options qui se présentaient à elle : la duperie ou la fuite. Un nouvel incident interrompit toutefois ses réflexions, lorsqu’une seconde altercation éclata, encore une fois autour de la jeune femme et du colosse blessée. Des armes furent pointées. Des déclics métalliques noyèrent les voix des spectateurs sous un silence craintif, et l’on n’entendait plus que les invectives rageuses des hommes.

Même Hugh avait levé son fusil. Même le vieux leader avait pris en main le pistolet à sa ceinture, et parmi les témoins paralysés de terreur, nul n’osait plus émettre un son ni un geste.

« Tu joues à quoi, gamine ? T’es QUOI ?! » hurla un milicien au canon scié, qui se tenait juste à côté du grand homme noir.

Silencieuse et immobile, Elinor réfléchissait à toute allure. Ses traits faussement effrayés scrutaient chacun des hommes, mais toutes ses pensées analysaient froidement la situation : devait-elle s’impliquer, ou non ? Une fusillade présentait toujours un risque indéniable, après tout. Une balle perdue, un mauvais geste, tout pouvait arriver, et bien entendu, c’était sans compter le futur bilan avec les autorités qui arriverait un jour ou l’autre. Des questions entraînant d’autres questions. Des secrets à étouffer. Et une aube qui arrivait.

« Attendez... » fit-elle à Hugh, prenant peu à peu sa décision. « Ce n’est qu’une jeune femme, elle pourrait être votre fille, vous n’allez pas tirer, elle n’a rien fait. »

Son voisin hésita, puis grommela sur un ton peu amène. « On sait pas ce qu’elle est, restez en arrière, ‘sait jamais ce qu’on a en face... »

Évidemment. Elinor conçut clairement la manœuvre qu’elle s’apprêtait à faire. Un pion pour renverser le jeu d’échec. Elle s’éclaircit la voix, et s’adressa d’une voix forte, quoique légèrement brisée pour mimer une vive émotion, de façon à capter toute l’attention de la petite foule, miliciens comme témoins.

« Pardon messieurs, mais vous voyez bien que vous lui faites peur. Baissez donc vos armes. Même dans le pire des cas, vous voyez bien qu’elle est encerclée. Personne ne risque rien. »

La dépense de sa Présence allait lui coûter à force. Qu’importe, c’était nécessaire, estima-t-elle tandis que l’attention des hommes se tournait vers elle, en abaissant les canons de leurs armes. Elle capta les yeux du leader, et décida de concentrer ses efforts sur lui, alors que chacun avait leurs yeux rivés sur elle. Elinor s’avança au milieu de l’arène, entre la jeune femme et le blessé, ses yeux plantés dans ceux du meneur.

« Monsieur, laissez-moi faire s’il vous plaît. Toutes ces armes l’effraient, c’est évident. Et il n’y a pas lieu de créer plus de violence que nécessaire, » fit-elle doucement, d’un ton conciliant. « Je vais lui faire faire son test, et nous nous passerons tous de coups de feu. »

Le leader sembla décontenancé un instant. L’autorité qui émanait de lui vacilla, comme si la Présence de la vampire l’aspirait avec avidité. Celle-ci lui sourit, parvenant à lui arracher un rictus affable.

« Paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté, » récita-t-elle posément. « Vous avez lu la Bible, non ? Je suis certaine qu’une présence féminine l’aidera à se calmer. Et puis, vous pourrez nous surveiller pendant ce temps, n’est-ce pas ? Entre nous, cela me rassurerait aussi. »

« Très bien. » Il jeta un regard à la ronde, ramassant ainsi son autorité, et se rangea finalement à l’avis de la  vampire. Il confia le crucifix dans la main de celle-ci, alors protégée par ses gants, et s’adressa à ses recrues. « Les quittez pas des yeux, vous autres. Mais j’veux pas un doigt sur une gâchette, pas de conneries. »

La main de l’immortelle s’abaissa sous le poids de l’objet. L’aura mordante de l’argent filtra à travers le cuir du gant, lui prodiguant des frissons désagréables qui fourmillaient dans sa chair, comme un millier de crocs affamés. Pourtant, ses traits ne trahirent rien. Elle adressa un sourire de remerciement au leader, lequel le lui renvoya discrètement, avant de tourner les talons, et de s’avancer vers la jeune femme en panique.

Dans l’encadrement des torches, et les fausses ombres que créaient ces faisceaux entrecroisés, au milieu des gueules sinistres des fusils, Elinor affichait un calme souverain et un sourire confiant en accaparant le regard de l’inconnue paniquée. Une boucle noire d’ébène zébra son front d’un trait obscur, alors qu’elle se baissait légèrement pour plonger ses yeux noirs dans ceux de l’humaine en crise de panique.

« N’aie aucune crainte, je ne te ferai aucun mal. Je viens t’aider. Respire lentement, tout va bien. Écoute ma voix, une inspiration à la fois, doucement. » lui confia-t-elle d’une voix envoûtante, tout en mimant elle-même une respiration. « Inspire, voilà doucement. Expire, lentement. Bien, continue, inspire, expire. »

Autour d’elles, Elinor pouvait ressentir le feu des prunelles des spectateurs les observant. Sa Présence avait capté sans mal toute l’attention des uns et des autres, et un silence attentif s’était appesanti sur la scène.

« Concentre-toi sur ta respiration, reprends le contrôle de toi-même. Tu as joliment soigné cet homme, et je suis sûre que tu es assez courageuse pour surmonter tout ça. Tu as des notions en médecine ? » La jeune femme hocha la tête en guise de réponse. « Je m’appelle Victoria, et toi ? »

« Anaïs. »

« D’accord, Anaïs. Écoute, j’ai besoin que tu m’aides pour calmer la situation. Ces hommes voudraient que tu prennes dans ta main ce crucifix, seulement quelques secondes, et ensuite tu leur rends. Ils te laisseront tranquille après ça, d’accord ? »

Elinor ouvrit la main, dévoilant le crucifix brillant dans la lumière électrique et sa chaînette de la même matière lovée dans le creux de sa paume, contre le cuir couleur caramel de son gant. Elle maintint ainsi la parfaite maîtrise chaleureuse et rassurante de sa voix, sans cesser de fixer Anaïs dans les yeux.

« Ce n’est qu’un petit objet, tu n’as rien à craindre de lui. C’est toi qui contrôle cet objet, il n’a aucune prise sur toi, » lui affirma-t-elle gentiment en lui tendant l’objet d’argent. « Prends-le dans ta main, tu verras que que ce n’est rien de plus qu’un peu de métal. Inspire, expire, n’oublie pas. Tout ira bien. »

L’immortelle laissa la chaîne du crucifix se dévider dans la paume de la jeune femme. J’espère au moins que ce n’est pas une de ces bestioles, pensa-t-elle en laissant le bijou s’échapper. À défaut de sauver cette jeune femme, une telle surprise aurait le mérite de trouver un bouc-émissaire et de libérer la route. Dans tous les cas, elle était certaine que cette manœuvre aurait au moins le mérite de gagner la confiance de ces abrutis Une pincée de bigoterie. Une pincée de vulnérabilité. Elinor la connaissait par cœur, cette recette.



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Mar 24 Jan - 16:32 (#)

III

Alors que je me pensais le défenseur chevaleresque de la jeune princesse malmenée, c’est elle qui vient désormais à mon secours de manière aussi surprenante qu’inattendue. Elle s’insurge du traitement qui m’est infligé, et demande à quérir de quoi me soigner. Je ne crois pas que la blessure soit si grave : je suis fendu à me prendre des coups qui peuvent parfois saigner abondamment. Mais son dévouement soudain faiut chaud au cœur, en comparaison au traitement qui m’a été réservé ici jusque-là. Des deux femmes dont je prêchais l’aide du regard, c’est la première qui prend ma défense. Celle à la robe blanche. Elle houspille les responsables de mon sort en indiquant l’inutilité d’un tel accès de violence dans la présente situation. Le hargneux de service qui m’a explosé l’arcade tente de la reprendre, mais une autre voix retentit. Celle d’un homme plus âgé. Il s’impose, malgré sa faible carrure, face aux gorilles surarmés, et gronde un dénommé Carl, celui responsable de ma plaie. Les mots choisis pour évoquer l’incident me font grincer des dents : s’amuser. Vraiment ? Il ne vaut pas mieux que ses pairs, même s’il a sans doute plus de plomb dans la cervelle qu’eux. Je jette un regard reconnaissant à la femme d’affaires, même si elle ne doit guère s’en soucier.

Cela sonne le retour de ma petite protégée, qui s’agenouille à mes côtés pour prendre soin de ma blessure. Nous échangeons nos prénoms, elle dit s’appeler Anaïs, et s’enquiert de mon état. Je la laisse observer la plaie en acquiesçant d’un signe de tête lorsqu’elle m’en demande l’autorisation. Compresses et désinfectant sont utilisés. Puis des strips de suture. Elle me conseille d’aller au plus vite à l’hôpital quand nous en aurons fini ici. Je la rassure :

« Vous inquiétez pas, j’ai l’habitude de me prendre des coups. Merci… »

Mais nous n’avons guère le temps de deviser plus longuement : le milicien plus âgé a décrété qu’il était temps de faire passer un test d’argent à tout le monde. Y compris ceux qui sont restés dans les véhicules jusqu’ici. Le test ne donne rien, aucun CESS n’a été détecté, jusqu’à ce qu’il approche d’Anaïs. Elle réagit subitement, vivement, comme si elle avait quelque chose à se reprocher. Sur la défensive, elle refuse de se soumettre au test, s’attirant forcément la suspicion immédiate des mecs armés. L’un d’eux la met en joue, menaçant, alors que le vieux approche sa croix d’argent. Je me relève, prêt à la défendre coûte que coûte. Si elle réagit comme ça, c’est qu’elle craint ne pas passer ce test, et je ne peux laisser faire ça : ces cons seraient capables de la tenir responsables du meurtre sans plus de recherches. Le type menaçant ma soigneuse d’une arme s’énerve, et je vais pour me tourner vers lui et dévier son arme, mais une voix féminine retentit, apaisant subitement une tension devenue  bien trop forte, au bord de l’explosion. Un de ces êtres qui en imposent naturellement, au charisme impérieux. C’est la bourgeoise aperçue plus tôt. Alors que le type au fusil baisse son arme, frustré mais obéissant, elle supplie le chef de bande de réaliser elle-même le contrôle à la croix d’argent à coup d’arguments bibliques. Je lève les yeux au ciel. Mais il semblerait que nous ne soyons pas loin du moyen-âge, dans la tête des gens du cru, puisque l’homme grisonnant accepte les conditions de l’inconnue. Il lui donne son bijou, et elle s’approche d’Anaïs. D’un ton maternel, elle parvient à apprivoiser la peur de la petite, rendant plus humain le traitement qu’ils lui réservent tous. Elle se présente, Victoria, et semble convaincre la jeune femme de se plier à l’examen.

La croix tombe de sa main gantée en direction de celle d’Anaïs. Je dois faire quelque chose. Instinctivement, sans vraiment réfléchir, je précipite mon bras en avant et rattrape le bijou argenté avant qu’il n’atteigne la soigneuse. Ça risque de ne pas leur plaire, mais actuellement, je n’en ai pas grand-chose à foutre. J’enferme le précieux dans ma large paume, serrant mon poing avec conviction. Déterminé, je plante mon regard dans celui du leader, prêt à argumenter.

« Vous n’avez pas le droit. Il n’y a que des agents assermentés qui peuvent faire ce genre de choses. Et vous ne l’êtes clairement pas. »

De ce que j’en sais, en tout cas. Mais je ne compte pas paraître douter de ça. Je me tourne vers la dénommée Victoria, poursuivant.

« Pas plus que vous, m’dame. »

Le vieux s’interpose, sec :

« Et t’en vois, des agents, ici ? Moi pas. Et y’a eu un putain de meurtre, alors laisse tomber tes principes à la noix et laisse-nous gérer la situation. C’est clair ? »

J’inspire et expire lourdement. Je sais que ce que je fais me mettra dans de beaux draps. Mais je n’en ai cure : mes idéaux, je ne les laisserai pas tomber. Je tente cependant de calmer le jeu.

« J’comprends. J’suis pas plus heureux que vous de ce qui est arrivé là. J’peux comprendre aussi que vous vouliez empêcher un potentiel coupable de s’enfuir. Mais ça… »

Je désigne une arme. Puis ouvre la main où se trouve le pendentif.

« Et ça, c’est pas votre taf’. Appelez les flics, décrivez leur la scène, tenez même le blocus si vous voulez, mais n’en faites pas plus. C’est leur boulot. »

J’aurais aimé être comme cette femme, Victoria, et en imposer par un charisme naturel. Ça marche, souvent, d’ailleurs. Ma condition physique, ma stature, jouent en ma faveur, habituellement. Mais là, face à des racistes armés de fusils, c’est autre chose… Il ne plie pas sous mon regard, et reste cinglant dans sa réaction. Ferme.

« Rendez-le moi. »

Je pince les lèvres. Il en est hors de question. Je ne laisserai pas ces fanatiques œuvrer librement. Je n’ai pas l’intention de jouer les héros. Je n’en ai pas même la capacité. Mais je dois faire quelque chose. Quelque chose de stupide, en vérité…

« Non. »

Refermant ma main, je me tourne vivement vers le bord de la route et projette de toutes mes forces le bijou dans l’obscurité de la nuit. Je dois gagner du temps. Le temps que ça se tasse, le temps que les forces de l’ordre arrivent et maîtrisent la situation. Perdue dans les hautes-herbes, ils mettront un sacré temps avant de retrouver la croix. Je fais de nouveau face au type. Son regard est empli de colère, de haine. Des armes à feu sont braquées sur moi, et je ferme les yeux, maudissant mon geste, maudissant leur esprit étriqué.



Quessquisspass ?:
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Jeu 26 Jan - 8:51 (#)

La nuit se met subitement à s’agiter à l’annonce faite par celui qui est visiblement à la tête de cette milice improvisée. Les silhouettes tressaillent dans l’ombre, gonflées d’inquiétudes ou d’impatience. Les miliciens armés invitent sans politesse les gens à sortir de leur voiture et moi-même je me rapproche de quelques pas de l’attroupement se formant, tout en restant en périphérie, pour constater que les premiers tests à l’argent sont effectués sans mal. Certaines personnes parmi la petite foule semblent même rassurées d’avoir été innocentés ou de voir que les choses sont sous contrôles, comme si la possibilité de se faire tirer dessus ou de se faire dévorer par un monstre venait de s’amoindrir.

Brutalement, cette ambiance apaisée se charge de nouveau de stress et de danger. La jeune soigneuse se débat et refuse le test. La foule se crispe, les fusils se braquent, la tension emplie l’air comme le ferait une odeur épaisse et suffocante. En spectatrice, je me contente d’observer la scène. Auraient-ils trouvé si rapidement leur coupable ou bien s’agit-il d’autre chose ? Quoi qu’il en soit, si elle se fait abattre, peut être que cela calmerait les rednecks et que l’on pourra tous rentrer dormir. Il y aura bien quelqu’un pour appeler la police, mais il y a de fortes chances pour que les coupables revendiquent eux-mêmes leur acte héroïque de pourfendeur de monstres. Avec une habitude paisible, j’imagine déjà les grandes lignes du procès qui pourrait avoir lieu. Je vois déjà la chef des milicien dans un costume bon marché à la barre des accusés, le procureur appuyant sur la jeunesse de la victime et son avenir prometteur. C’est toujours plus difficile de faire acquitter quelqu’un quand la victime est une jolie jeune fille blanche. Pourtant, avec un bon jury, on peut encore espérer qu’ils s’identifient à cet homme qui, empli de l’envie de protéger les siens, a pris les armes pour retrouver un terrible meurtrier. Imposer un test à l’argent pourrait être discutable, mais aux vues de la situation beaucoup de nos concitoyens pourraient approuver. Finalement, si elle refuse de toucher le crucifix c’est bien qu’elle a quelque chose à cacher, n’est-ce pas ? Déjà, au milieu du chaos, j’acquière la certitude que s’il y a une personne abattue ce soir, tout se jouera sur le choix du jury lors du procès qui en suivra.

Mais nul coup de feu ne vient fracasser la nuit. A la place, la voix forte et étonnement mélodieuse de la femme élégante s’élève pour enjoindre tout le monde au calme. En quelques mots bien choisis elle parvient à faire redescendre la tension ambiante. Visiblement ce n’est pas maintenant que nous allons rentrer dormir. J’en serais presque déçue. Le crucifix change de main et le test reprend dans un calme dissimulant tout de même une tension contenue. La plupart des gens s’étaient éloignés de la jeune fille rousse durant sa crise, craignant sa potentielle nature, et les miliciens, bien que calmés, maintiennent tout de même une poigne ferme sur leurs armes, prêt à réagir en cas de besoin. La voix calme de la femme bien habillée résonne quelques temps dans la nuit tandis que tout le monde n’attend que de la voir toucher la peau de la jeune fille avec la croix. Enfin, la chaine coulisse, l’objet s’approche de la peau de la petite et dans un geste aussi vif qu’inattendu le géant noir saisit l’objet avant que la rousse n’ait pu le toucher. Un hoquet de surprise résonne de la part d’un des témoins et la colère des milicien semble se déverser dans l’air. Que fait-il cet idiot ? Peut-être que finalement ils ne l’ont pas frappé suffisamment fort.

L’argument légal me fait hausser un sourcil et rapidement le ton monte entre le colosse et les miliciens. L’un suggère d’appeler la police, l’autre se contente de lui hurler des ordres au visage. Dans un élan de bêtise inconsidéré, le réfractaire jette au loin le crucifix sous mon regard médusé. Croit-il vraiment que ça changera quoi que ce soit ? Le milicien qui lui fait face a les yeux exorbités de rage et la faible luminosité se reflète d’une manière glaçante de le blanc de ces yeux beaucoup trop exposé. D’un geste vif, il assène un nouveau coup à l’importun tout en lâchant un flot d’insultes. Le bruit mat du coup résonne dans l’obscurité et les gens lambda s’éloignent un peu tandis que les autres miliciens se rapprochent. Nous ne nous en sortirons jamais si les choses continuent ainsi. Je ravale un soupire et m’approche du groupe, prenant à mon tour la parole en m’adressant à l’assemblée, mais plus particulière au trublion qui rend tout plus compliqué.

« Nous sommes bien loin de la ville et il est plus de trois heures du matin, même si on appelle la police ils ne pourront pas envoyer qui que ce soit avant bien longtemps. Et de toute façon il ne fait aucun doute que l’une des personne présentes a déjà appelé les forces de l’ordre, ne soyez pas stupide. »

Pour dire vrai, il me semble tout à fait possible qu’une des personnes présentes dans l’embouteillage ait effectivement appelé la police, même si je n’en ai aucune certitude. Parmi les plus idiots des miliciens, certains grognent en affirmant que la police ne sert à rien et que ce sont tous des vendus. Les autres semblent comprendre qu’il s’agit surtout d’une manière de calmer les esprits, ou alors sont-ils trop stupides pour ne serait-ce que réagir. Je fais de nouveau quelques pas, me plantant à côté du chef des milicien, ne laissant aucun doute sur le camp que je soutiens ici. A présent plus près du rebelle, je constate à quel point il est encore plus grand que ce que je m’imaginais. Je me sens minuscule même perchée sur mes talons vertigineux, mais sans m’en inquiéter, j’enchaine d’une voix assurée :

« Vous savez, il ne sera pas difficile de convaincre un jury qu’un test à l’argent ait été nécessaire ici. N’importe qui d’un peu censé trouvera au contraire que c’était même une très bonne idée. » Délicatement, j’approche ma main de mon oreille pour décrocher la boucle pendante qui y est accrochée. Ça m’ennuie d’utiliser mes propres bijoux, mais les choses iront plus vite ainsi. La lumière des phares accroche l’éclat argenté de ma boucle d’oreille et je peste intérieurement à l’idée de devoir ainsi prêter ce bijou que j’apprécie et qui est bien couteux. Malgré tout, je le tends à la femme qui s’était proposée de réaliser le test à l’argent et lui dit : « Tenez, prenez ça. » J’ajoute avec un regard peu avenant au colosse : « Et je vous prie de ne pas jeter mes bijoux au loin cette fois. N'importe qui de raisonnable a forcément quelque chose en argent sur lui, alors ne nous faites pas perdre de temps. A ce rythme on sera encore là au lever du soleil. »

Cette idée ne m’enchante pas vraiment en considérant le temps et le sommeil perdu. Cela m’apprendra à terminer des rendez-vous si tard et dans des lieux tant éloignées. Pour le moment il n’y a que deux moyens pour que cette histoire se règle : soit ils trouvent un bouc émissaire et les choses se finissent rapidement, soit ils ne trouvent rien et il finiront soit par se lasser, soit par tuer quelqu’un au hasard. Je ne suis pas enchantée de devoir voir quelqu’un se faire abattre, mais à choisir je préfère que ce soit n’importe qui plutôt que moi. Et puis, si ça fait un CESS en moins dans cette ville, ce n’est pas moi qui irais m’en plaindre.

Qu’on fasse donc ce test à cette gosse et qu’on en finisse rapidement. Ma patience s’épuise, tout comme celle des miliciens.

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Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
Anaïs Wilhm
Anaïs Wilhm
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A SONG OF BLOOD

En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Mer 1 Fév - 20:14 (#)

Anaïs illustration

Une voix perce l’obscurité sinistre et le son assourdissant des pulsations cognant à l’intérieur de mon crâne. Calme et douce, à l’opposée de la fureur des hurlements alentours que je devine plus que je n’entends, trop focalisée sur le simple fait de respirer normalement. Pourtant la voix m’atteint aisément, m’attire à elle et je relève les yeux, fixant les prunelles sombres qui l’accompagne. Un bref moment, je me demande ce que c’est, ce qu’il se passe. Comment cette voix peut-elle être si agréable à écouter ? Pourquoi j’ai envie de n’écouter qu’elle, soudainement ? c’est étrange… Mais tout ça n’a pas vraiment d’importance, au final. Cette voix... Inspirer, expirer. J’écoute ce qu’elle dit, fait comme elle. Mon esprit s’éclaircit doucement. Victoria ?

- Anaïs.


Soudainement, cet objet qu’elle tend n’a l’air que de ça. Un objet. Un simple objet. Elle a raison, il ne va rien me faire. Je respire doucement, et laisse mon cœur reprendre un rythme moins effréné. Je pensais en avoir fini avec ce genre de crise. Après tout ce temps passer à accepter el passé et dompter ce qui en a résulté, c’est un bel échec que de succomber à nouveau. Je peux blâmer tout ce que je veux, la fatigue, les armes, la tension qui règne aux alentours, mais au final je suis la seule fautive. Rien à craindre de lui. Je le sais, ce n’est qu’un objet, il n’a aucun pouvoir. Il ne rien se passer quand je l’aurais pris en main. Pour faire cesser les cris, faire baisser les armes. Alors je tends la main, machinalement, sans même réfléchir à mon geste.

Mais rien. Jamais je ne sens la froideur métallique atteindre ma paume. Je cille, sors de mon espèce de transe étrange en fixant un instant celle qui se trouve en face de moi. Victoria, je crois. Sa main est vide et son regard tourné ailleurs. J’entends la voix du grand type qui avait pris un coup et tourne la tête juste à temps pour le voir jeter l’objet qui disparait dans l’obscurité et les champs alentours. Les insultes et les cris reprennent, les coups aussi et je crains soudainement le pire, mais c’est une personne inattendue qui offre une autre solution. Malgré sa plaidoirie à vomir justifiant les actions des sales cons intolérants alentours, elle offre un bijou en argent. J’inspire profondément et me redresse, attirant quelques regards. La crise est passé et malgré mes mains qui tremblent, j’ai repris mes capacité cérébrale. Ou en tout cas j’ai plus de neurones actifs que quelques secondes plus tôt.

- Je vais le faire votre foutu test, c’est bon.


Je tends la main jusqu’à ce que le boucle d’oreille glisse dans ma paume. Un silence de quelques secondes se passe avant que je n’agite l’objet en le pinçant entre mes doigts, histoire que tout le cercle de crétins puisse se rendre compte qu’il ne se passe rien.

- Satisfaits ? On peut partir maintenant ? Peut-être qu’un test à l’argent sera accepté par un tribunal, mais une prise d’otage, des coups et blessure et insultes raciales, j’ai de sérieux doutes. Surtout sans la moindre preuve que ce qu’il se passe ici soit l’attaque d’un quelconque CESS. Parce qu’un Garou enragé aurait anéanti cette voiture, pas gentiment ouvert les portières et le coffre. Et un vampire n’aurait sans doute pas laissé autant de trainée de sang, il aurait juste bu et se serait tiré. N’importe qui aurait pu faire ça, y compris un humain, mais ça, vous y avez pas pensé je présume ?

J’en ai marre de leur connerie et de leur justice à sens unique. Rien ne prouve qu’un CESS soit dans le coup. Rien ne prouve le contraire non plus, mais ils se sont juste concentrés sur ce fait, oubliant totalement qu’un type armé peut tuer aussi efficacement qu’un CESS, si ce n’est plus facilement encore. Si j’avais été sensible à l’argent, aucun n’aurait hésité avant de me tirer dessus et je frissonne à l’idée qu’ils découvrent que je n’ai rien d’humaine, finalement. Le test à l’argent ne prouve pas qu’on ne soit pas un CESS, simplement qu’on n’est pas u garou ou un vampire.

- T’as l’air de t’y connaître…

Je roule des yeux, exaspérée par cette situation et l’incroyable connerie dont tous ces pécores font preuve. J’ai envie de leur hurler dessus pour qu’ils comprennent la stupidité de leur manœuvre. Ça ne va rien résoudre, potentiellement faire des victimes et empêcher la police de faire son boulot. Ça n’apporte rien de bon à part de l’angoisse et des dégâts à tous les niveaux.

- Je me suis renseignée ouais, vous devriez faire pareil, ça vous évitera de tirer sur n’importe sans raison valable.

Mais pour ça, il leur faut plus d’un cerveau pour huit, et c’est clairement une denrée rare dans les parages. Sans doute que les balles sont plus fréquentes que les neurones dans le coin. Vive l’Amérique tiens… Je conçois que se renseigner soit compliqué. Je l’ai appris à la dure, en croisant un rhino garou enragé et des vampires affamés, mais je n’ai pas besoin d’ajouter l’huile sur le feu en racontant des choses qu’ils pourraient utiliser pour justifier leur action ridicule. Je préfère qu’ils se rendent compte de la stupidité de leur barrage routier et laisse tout le monde repartir.

- Madame ? Victoria ?

Je me suis rapprochée d’elle et lui chuchote, un sourire reconnaissant sur les lèvres malgré la fatigue qui commence sérieusement à anéantir ma patience.

- Merci pour tout à l’heure, sans vous j’aurai pas réussi à émerger si vite. Si je peux faire quelque, hésitez pas.

Ce qui est tout de même un sacré exploit. La seule qui a réussi à annuler une crise aussi efficacement c’est Daphné et ça a pris tout de même plus de temps que ça. Peut-être que c’est une professionnelle qui a l’habitude. Quoi qu’il en soit, je lui en suis reconnaissante, peu importe comment elle s’y est prise. Si elle pouvait sortir le groupe d’illuminés de leur transe de crétinerie aigue ce ne serait pas de refus non plus. J’ai pas envie de passer la nuit ici à me demander ce qu’ils vont faire ensuite.




Spoiler:
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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

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Sam 4 Fév - 18:11 (#)

The Hunt

Tout aurait pu se dérouler à merveille.
Le cercle d’acteurs décérébrés s’était resserré, leurs réactions battant la mesure de la mélodie d’Elinor, tels des marionnettes attentives, sales et mal rasées. Pendant ce temps, réduits à l’état d’un cafouillis d’ombres filiformes, les témoins assistaient dans un silence tendu à l’épreuve de l’argent, qu’une vampire orchestrait pour eux sous les feux des phares. Elle-même était consciente de cette ironie mordante, mais à nul moment ses traits n’offrirent le moindre indice de sa supercherie ; elle était une humaine du nom de Victoria, et voilà tout. Tout le reste n’était que calme et méthode.

Ces masques de comédie, elle les connaissait bien. Sa Révélation à elle s’était montrée bien différente, et jamais elle ne s’était résolue à abandonner la trame d’ombre enveloppant son identité. Cette nuit encore lui avait donné raison. Ainsi, la Victoria humaine laissa la chaînette du bijou d’argent se dérouler, et son expression affichait toute la sincérité et la bienveillance du monde, qu’une pincée de crainte factice venait opportunément ternir ; Elinor aurait pu être une actrice oscarisée. Et les mailles cliquetèrent à l’intérieur de sa paume gantée, l’espace d’une seconde où le temps fut suspendu.

Avant que sa manœuvre ne vole en éclats. Une poing épais s’empara à la volée de la chaînette, sous le nez et l’œil étonné de l’immortelle, qui n’eut qu’à peine besoin de feindre cette expression-ci. La bienveillance stupide l’étonnait toujours. Et voilà donc ce colosse, dont la peau empestait toujours le sang, déballant un discours moraliste, et parfaitement vain à son avis, au beau milieu d’un troupeau d’abrutis armés, dont la tolérance n’allait pas plus loin que leur gâchette. Manifestement, aucun d’entre eux n’allait se montrer très réceptif au bon sens. Elinor ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel.

Quels principes mal placés, pensa-t-elle avec dépit, en reculant prudemment de deux pas. Car bien vite, les miliciens auto-proclamés exprimèrent leur désaccord, un doux euphémisme, sous la forme d’un torrent d’invectives et d’insultes qui irritèrent sa sobriété toute britannique. Comme de bien entendu, le ton monta à toute allure, les menaces furent lancées, alors que l’homme s’obstinait dans ses mêmes principes moralisateurs. Elinor se tut prudemment. Somme toute, que ces marionnettes aient jeté leur dévolu haineux sur quelqu’un lui convenait tout à fait, tant qu’elle n’en était pas la cible : elle recula d’un pas en arrière, préférant les laisser se débrouiller.

Mais l’inattendu frappa une seconde fois. Manifestement décidé à se faire tabasser, le colosse lança l’objet incriminant de toute ses forces dans l’obscurité des futaies de l’arrière-pays. Elinor suivit des yeux l’arc-de-cercle que le bijou décrivit dans les ténèbres, en portant une main devant sa bouche : si ce geste avait tout l’air d’une expression choquée, ce fut surtout pour étouffer un éclat d’hilarité. Jamais elle n’aurait conçu geste plus stupide. À croire qu’il aime souffrir, ou qu’il se voit tel un chevalier blanc sorti d’un conte de fées.

Tout le reste s’enchaîna en quelques secondes. Alors que l’immortelle tâchait de reprendre son sérieux de manière discrète, en s’attendant à voir le colosse réduit à l’état de fétu sanguinolent par la fureur des miliciens, une nouvelle femme prit les choses en main. Voilà enfin quelqu’un de raisonnée, pensa-t-elle en récupérant délicatement la boucle d’oreille qu’on lui tendait. De nouveau au centre de l’attention, elle qui désirait volontiers laisser ces idiots s’entre-tuer, elle n’eut d’autres choix que de reprendre son rôle, et son expression mal à l’aise de simple humaine.

« Je vous remercie, » déclara-t-elle sobrement, avant de se tourner vers la dénommée Anaïs qui semblait avoir repris le contrôle d’elle-même.

Le bijou passa de main gantée en main tremblante, et la question fut promptement réglée comme ce bijou atterrissait sans effet dans la paume de la jeune femme, comme cela aurait déjà dû se produire auparavant. Quelle perte de temps, maugréa-t-elle, en faisant de nouveau quelques pas en arrière, avant qu’un nouvel affrontement n’éclate. La voix acérée de méfiance du leader claquait au milieu de la conversation entre lui et Anaïs, tant et si bien, que les hommes autour d’eux commencèrent à resserrer leur cercle et la méfiance redevint aussi tranchante que le fil d’un couteau.

Elinor attendit que leur discussion venimeuse se termine pour placer ses propres pions. « Excusez-moi, monsieur. Quand pensez-vous que la circulation pourra être rouverte ? »

« Pour ça, on va terminer les tests, et ensuite on jettera un coup d’œil dans les voitures pour être sûr. » Le leader renifla d’un air décidé, et resserra la ceinture de son pantalon, qui tombait sur ses hanches maigres. Puis il se tourna vers ses comparses abrutis, la main sur la crosse de son pistolet, et distribua ses ordres d’un ton sec.

« Bon. Tous ceux qui ont pas été testés, formez une ligne ! Et tous les gars qui ont rien à faire, commencez à regarder dans les bagnoles ! »

Un discret rictus de contrariété plissa les lèvres de l’immortelle. Dans la mesure où personne ne fait encore obstacle, calcula-t-elle, la question de la fouille devrait normalement être rapide. Elle hésita néanmoins. Sa main droite ouvrit le sac à main qu’elle portait à son bras, et vérifia la présence de ses deux téléphones. Un smartphone classique, d’usage quotidien, et un téléphone satellite un peu plus volumineux, réservé aux cas d’urgence. Elle commença à envisager l’éventualité de s’en servir, pesant rapidement le pour et le contre.

D’un côté, calcula-t-elle encore, tout le monde semblait l’avoir oublié. De l’autre, ces abrutis représentaient encore un risque, et un imprévu supplémentaire, tel qu’un chevalier idiot en armure immaculée, n’était pas non plus à exclure. Elinor le savait : il lui aurait suffit de quelques secondes pour appuyer sur une simple touche et commanditer une extraction d’urgence. Dans sa volonté extrême de maîtriser les évènements et d’assurer sa sécurité, elle avait évidemment prévu cette éventualité, et s’en félicitait aujourd’hui.

Le moment était-il venu ? Elinor hésita à user de cette carte. Une voix frêle et timide l’interrompit dans ses conjectures. La petite Anaïs s’était avancée à côté d’elle, lui chuchotant remerciements et reconnaissance.

« Ce n’est rien, » fit-elle en lui adressant un sourire, et en chuchotant à son tour. « Ces brutes ont le crâne trop épais pour comprendre que pointer une arme sur la tempe n’est pas une solution. Mais je vous remercie, pour l’instant tout va aussi bien que possible dans cette situation. »

Un vrai miracle, de son propre avis. Les justiciers du dimanche avaient repris les tests à l’argent parmi les derniers témoins, dans un ordre tout relatif, tandis que d’autres surveillaient le colosse rebelle. Quelques insultes résonnaient à l’encontre de ce dernier, mais l’ambiance paraissait relativement disciplinée pour le moment. Un trio de miliciens passaient entre les voitures, éclairant l’intérieur des habitacles grâce à leurs lampes torches, sans doute pour préparer des fouilles en bonne et due forme.

Elinor embrassa brièvement du regard cette pathétique parodie d’autorité. Puis, alors qu’une nouvelle idée faisait son chemin à l’intérieur de son esprit, son attention revint subitement se poser sur Anaïs. Elle se souvint soudainement des paroles de sa Marquée, à propos d’une amie du même nom et menant des études de médecine.

« Vous m’avez dit vous appeler Anaïs, non ? » lui chuchota-t-elle avec curiosité. « Vous ne connaîtriez pas une certaine Heidi ? Jeune, blonde ? »

Le hasard lui semblait curieux. Toutefois, sa Marquée portait un nom assez peu répandu, en plus de n’avoir qu’un nombre très restreint, pour ne pas dire inexistant, d’amies proches. Elle était certaine d’avoir vu juste. Autour d’elles, les tests intrusifs s’enchaînaient, alors que le leader de ce groupe dépenaillé commençait à disperser ses hommes selon un semblant d’ordre pour procéder à la suite. Qu’ils le fassent, pensa-t-elle, je n’ai rien d’important dans la Jaguar. Pourvu qu’ils n’abîment pas les cuirs : ils valent plus que leurs vies.



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Lun 13 Fév - 16:23 (#)

IV

Evidemment, ils n’apprécient pas des masses mon geste, et en sus des armes pointées sur moi, un nouveau coup de crosse de fusil m’est envoyé dans le bide, me faisant un instant me pencher en avant sous la douleur, souffle coupé. Bordel, ils n’y vont pas de main morte. Je grimace, me relevant en serrant les dents alors que la femme en robe blanche qui a l’air d’être avec eux – leur cheffe ? – discoure sur la forte probabilité qu’un appel à la police  ait déjà été passé. Je souffle des naseaux : j’espère bien, oui, mais ça n’empêche en rien l’illégalité de leurs actions envers les citoyens présents ici. La légitimité d’un test d’argent ? Ok. Le reste, j’en doute. Coups et blessures volontaires, prise d’otages. Je doute que cela soit accepté comme des « bonnes idées ». Par un jury ou n’importe quel type armé d’un tant soit peu de logique élémentaire. Ce qui n’est pas le cas des bouseux, visiblement.

La nana poursuit, et donne même l’une de ses boucles d’oreilles pour poursuivre le test d’argent, me demandant de ne pas la projeter au loin, celle-ci. Alors qu’elle me sermonne sur la nécessité de porter quelque chose en argent, je commente, amer :

« Alors je dois être déraisonnable. C’est à vous qu’on le doit, tout ce bordel ? Vous organisez les choses ici ? »

Mon attention est toutefois prise par le test d’argent qui se poursuit sur la jeune soigneuse, qui accepte finalement de le passer. Avec brio, puisqu’elle ne réagit pas à la présence du métal. Je fronce les sourcils : pourquoi diable a-t-elle si violemment réagi si elle ne craignait pas le résultat ? En tout cas, le fait qu’elle soit testée négative lui fait pousser des ailes : avec une hargne certaine, elle évoque tout haut ce que j’ai pensé tout bas : l’illégalité d’une prise d’otages et tutti quanti. Et il y a bien assez de témoins ici pour enterrer les responsables pour un petit moment, ou leur faire au moins payer des dommages et intérêts. Physiques et moraux. Anaïs recentre ainsi le débat sur la raison de cette situation ubuesque : le pseudo-meurtre. Elle ouvre la possibilité de la scène sanglante à la responsabilité d’un humain, et non d’office d’une créature surnaturelle, les provoquant un chouïa sur le fait qu’ils n’y ont sans doute pas pensé. Le pire, c’est que c’est sans doute vrai : dans ces esprits influencés, les raccourcis se font bien trop facilement. Et souvent erronément. Elle donne cependant une information que je ne connaissais pas : les tests à l’argent révèlent bien les vampires – et les garou, haem – mais pas le reste des surnaturels, quels qu’ils soient. Je ne sais pas si c’est fondamentalement une bonne idée de leur dire ça : ils voudront aller plus loin que leur foutu test, du coup. Même si la p’tite faisait ça dans une bonne optique, ils pourraient mal comprendre le bousin.

Sans plus se mêler de la situation, elle se tourne vers la bourgeoise qui lui a fait passer le test pour la remercier. Merci de quoi ? D’entrer dans leur jeu pervers et dégradant ? De confirmer la pertinence d’un test d’argent face à une situation qui n’engage peut-être pas le moindre CESS ? Ce monde part en couille, définitivement. Je m’en détourne un instant : la nouvelle vient de tomber, ils rouvriront la circulation lorsqu’ils auront fini leurs tests d’argent et quand ils auront jeté un œil aux voitures. Je lève un sourcil. Quoi ? Mais pour quoi faire ? En tout cas, ça la fout mal : ils s’organisent et envoie des types fouiller les premières voitures à la lampe torche. Que cherchent-ils, au juste ? Un corps ? Ça ne m’arrange pas des masses, s’ils poussent la fouille un peu trop. En tout cas, on peut dire que j’ai réussi le test d’argent, en empoignant ce foutu bijou. Je me tourne tant vers le vieux débarrassé de sa croix d’argent que vers la nénette en robe blanche. Un sacré couple d’organisateurs.

« OK, ok. On est partis sur de mauvaises bases. Mais vous espérez trouver quoi exactement, dans ces bagnoles ? Une arme ? Tout le monde peut en porter, z’êtes bien placés pour le savoir. Un cadavre ? Tous ces types viennent d’arriver sur les lieux, bien après vous. Le responsable de la boucherie n’a aucun intérêt à traîner encore dans le coin, ou de s’approcher de la caisse s’il l’a laissée là dans un premier temps. Tout ce que vous faites, c’est bloquer inutilement d’honnêtes citoyens qui souhaitaient juste rentrer chez eux. Celui que vous cherchez, il est déjà loin, avec tout ce temps perdu. »

Je guette les alentours.

« Vous avez retrouvé un corps ? Plusieurs ? J’crois que la meilleure chose à faire, c’est d’organiser une battue dans les friches aux alentours. Trouver des indices sur ce qui s’est passé, pas juste un coupable au hasard parmi des mecs qui n’étaient même pas présents. J’veux bien aider, s’il faut. Et j’dois pas être le seul. »

Si je convaincs, cela ne laisse rien paraître. Chez le vieux en tout cas. Je laisse mon regard posé un instant sur la femme. Au moins auront-ils le bon sens de ne pas démonter les roues des véhicules pour retrouver un bout d’intestin. Même si je ne sais toujours pas ce qu’ils espèrent trouver. Visiblement, en tout cas, leur foutu test à l’argent semble ne rien donner. Y’a pas l’air d’y avoir de vampires dans le coin, par chance. En même temps, statistiquement, c’est assez logique, même si on est en pleine nuit. C’eut été un peu facile, pour eux : ils auraient trouvé le coupable idéal, quand bien même ils auraient été dans l’erreur. En tout cas, la battue est délayée, s’ils la font. Un sens des priorités qui me fait secouer la tête. C’est un peu aberrant, comme le QI peut tomber vite à mesure qu’on s’éloigne des grands centres urbains.

Puisque mon aide, du coup, n’est pas requise, je m’avance vers Anaïs, en proie avec sa « sauveuse ». Cette dernière lui marmonne des trucs, tentant sans doute de lui faire avaler quelques couleuvres pour la convaincre de l’absolue nécessité d’un test d’argent, ou d’une connerie de ce genre. Je m’approche de la jeune femme pâle en m’exclamant :

« Des messes basses ? Heureusement que vous ne semblez pas sur la liste des suspects, ils pourraient vous le faire payer cher. »

Je lève un sourcil, puis me tourne vers Anaïs.

« Ça va, gamine ? Pas de mal ? »

Physique, ça a l’air d’aller, mais mental… Cette crise n’avait rien de naturel. Même si je peux comprendre l’angoisse, dans ce genre de situation de merde.


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Anonymous
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Mer 15 Fév - 9:42 (#)

Tandis que je donne mon bijoux qui scintille dans les lumières des phares, l’homme ayant jeté le crucifix s’adresse à moi, semblant croire que je suis la responsable de ce qu’il se passe ici. Une expression sincèrement interloquée se peint sur mes traits mais peut-être celle-ci n’est-elle pas visible dans l’obscurité de la nuit. Aurait-il reçu un coup de trop qui le fait délirer ? L’expression du chef des miliciens se renfrogne, visiblement mécontent du fait que quelqu’un ose imaginer qu’une femme puisse lui donner des ordres. Depuis le moment où je l’ai vu pour la première fois, sa colère ne semble que grandir. Ayant repris contenance, je fixe mon regard dans celui de mon accusateur et lui rétorque d’une voix dégoulinante de mépris :

« Mais qu’est-ce que vous racontez ? Je ne faisais que rentrer chez moi avant de découvrir le barrage. » Je parviens même à retenir un pauvre abruti. Il est beaucoup trop tard pour être facilement diplomate et la fatigue tend à faire baisser mon niveau d’amabilité feinte. Je reprends sur le ton d’une évidence : « J’ai juste un minimum de sens civique. Le moins que l’on puisse faire en attendant la police c’est de démasquer un suspect. C’est précisément pour ce genre de cas que le deuxième amendement existe. »

La possibilité de créer des milices armées pour se défendre est effectivement constitutionnelle dans ce beau pays et nul ne saurait attaquer la constitution sans être immédiatement identifié comme antipatriotique. Aussi, j’espère que l’évocation des forces de l’ordre tempèrera les ardeurs des miliciens, leur rappelant que les actes de ce soir ont tout de même beaucoup de témoins. Si quelqu’un réagit au test à l’argent et qu’ils l’abattent, ce sera défendable devant une cour de justice. Ce ne sera pas la première fois. En revanche, je crains que s’ils ne trouvent rien de cette manière ils se laissent noyer dans des actes qui ne pourraient être que difficilement justifiables.

Le test à l’argent reprend et les protestations se font plus vives. Tous retiennent leur souffle quand le métal touche la peau de la jeune fille agitée. Mais rien ne se passe. L’espace d’un instant j’envisage même que l’on m’ait menti au moment de l’achat de la boucle d’oreille et qu’il ne s’agisse pas d’argent mais plutôt d’un métal quelconque, mais je repousse rapidement cette idée. Nul ne peut me berner concernant les bijoux. Mon expression se fait incrédule, ne comprenant pas pourquoi elle a fait tant d’histoires. Les regards des miliciens se croisent, les sourcils froncés d’incompréhension. Des accusations de prise d’otages et d’agressions s’élèvent dans la nuit, portées par la voix claire de la jeune fille dont la non-réaction à l’argent a étonné tout le monde. Elle enchaîne en soulignant que la théorie d’une attaque CESS ne correspond pas à la situation et une voix au fond de la petite foule lui rétorque en lui demandant qu’est-ce qu’elle peut bien en savoir ? Pourtant, elle pourrait bien ne pas avoir tort. Mon regard se tourne pour se porter de nouveau sur la voiture noyée dans l’océan de lumière des phares. La scène est étrange, cela est évident, mais qui peut se targuer de savoir ce qu’il se passe dans la tête d’un CESS enragé ? Il n’est pas plus logique de croire qu’un humain ait fait ça.

Les badauds sont mis en ligne et le test à l’argent continue. Des hommes commencent à sinuer entre les voitures, braquant leurs lampes torches à travers les vitres pour scruter l’intérieur. Que cherchent-ils au juste ? Peut-être ne le savent-ils pas eux-mêmes. L’ambiance déjà tendue semble gagner en puissance à mesure que le test avance sans rien révéler. La nervosité des hommes armés semble emplir l’air jusqu’à le rendre collant et plein de hargne. Plus les secondes s’égrènent, plus il est simple de comprendre qu’ils veulent un coupable coûte que coûte, quand bien même celui-ci ne fut qu’un pauvre hère présent au mauvais endroit au mauvais moment. Dans ce coin du monde, la justice n’est à présent plus qu’une excuse pour laisser éclater haine et colère. Le test se révèle finalement non concluant et l’on me restitue ma boucle d’oreille que je glisse dans mon sac à main. Il faudra que je la désinfecte précautionneusement. Pourtant, les miliciens ne décolèrent pas, continuant à jeter des regards suspicieux et plein de hargne à leurs suspects. De nouveau, l’inconnu qui ne comprend rien à la hiérarchie de la milice reprend la parole. Je doute que souligner l’incohérence des actions des miliciens soit la meilleure idée qu’il soit, d’autant plus que leurs premiers échanges étaient pour le moins musclés. Et je doute qu’ils apprécient se laisser dicter leur conduite par qui que ce soit. Le chef des miliciens maigrelet s’approche à grandes enjambées de l’important et tente de fixer son regard dans le sien de manière menaçante. Hélas la différence de taille est telle que s’en est bien ridicule. Empli de hargne, il crache presque ses mots :

« Du sang ! On cherche du sang. L’espèce de monstre qu’à fait ça en a forcément foutu partout ! » Les traits du chef milicien sont tellement tirés de colère qu’on pourrait croire qu’ils vont céder sous la tension. « Et tu veux nous envoyer dans le bois pour que le putain de monstre qu’à fait ça puisse s’échapper ? Hein ?! »

Se rend-il au moins compte que le test à l’argent n’a rien révélé ou bien l’a-t-il déjà oublié ? Jusque là leurs actions avaient un minimum de sens, mais à présent que leur plan A est un échec, il semblerait que leur plan B ne soit pas au point. Inquiète, j’attends que le chef milicien s’éloigne pour aller donner ses directives à ses hommes et je me rapproche de Winston, l’homme qui m’avait reconnu et fait sortir de ma voiture. Non loin de nous, à portée de voix, se trouve l’étrange petit groupe constitué de la fille agitée, du géant à la grande-gueule et de l’élégante femme d’affaire. Avec politesse, j’interroge Winston :

« Excusez-moi, mais je voudrais savoir comment on en est arrivé là. Qui a trouvé la voiture ? »

Il me regarde avec des yeux idiots, semblant rassembler ses souvenirs. Sous l’effort mental, il fronce les sourcils, comme pour essayer de retracer le déroulé des évènements. Il se gratte sa barbiche mal rasée, et après des secondes qui ont paru des heures, il répond :

« C’est le p’tit tony qui a trouvé la voiture, j’crois. Il rentrait chez sa mère. Et puis après il a appelé les gars, et les gars ont appelé les autres. »

Je ne suis pas bien sûre de faire la différence entre qui sont les gars et qui sont les autres, mais admettons. Je ne demande même pas pourquoi il n’a pas appelé la police, sachant pertinemment que dans ce coin de l'État il ne s’agit là ni de leur premier réflexe, ni de leur dernier.

« Et pourquoi être venus aussi nombreux ? Avec des armes ? » Je me tourne brièvement vers la voiture suspicieuse et enchaîne : « D’accord, cette situation et ce sang, c’est étrange. Mais les portières sont juste ouvertes. Et puis, vous savez à qui appartient cette voiture ? »

Son expression se fait plus dure, plus fermée, et il jette un œil vers le chef milicien qui continue à sinuer dans la foule en aboyant des ordres. Winston fait un petit geste du menton vers l’homme maigre et dis :

« C’est sa femme. C’est sa voiture. On a fouillé l’coin mais on l’a pas retrouvée. Et puis les voitures des gens ont commencé à arriver, alors on les a bloquées. »

Mes yeux s’écarquillent un peu et je commence à comprendre le côté chaotique et désespéré de ses nouvelles instructions. Cela n’augure rien de bon. Le regard de Winston est sincèrement peiné face à cette situation. Je commence à comprendre que ce barrage est surtout un moyen d’essayer de faire quelque chose, même quelque chose de peu efficace, afin de se dire qu’ils auront tout tenté. Après une seconde de silence, je reprends :

« C’est terrible, et j’en suis sincèrement navrée. Mais y a-t-il plus de preuves ? Des choses qui pourraient vous faire croire que l’agresseur est toujours ici ? Si ce n’est pas le cas, retenir tous ces gens ici n’est sans doute pas le plus efficace pour aider votre ami. Prenez le nom des personnes présentes et appelez la police. » Il ouvre la bouche pour protester machinalement que la police ne sert à rien mais je l’interromps : « Je sais votre opinion sur les forces de l’ordre, mais elles disposent de moyens que vous n’avez pas. A force de rester ici nous avons piétiné la scène de crime et possiblement réduit les chances qu’ils trouvent quoi que ce soit. Mais il n’est pas trop tard. » Je n’y crois pas vraiment, mais je mets toute mon âme à le convaincre tant je souhaite rentrer chez moi et oublier cette nuit. Je fais un geste vers le mari inquiet qui dirige la milice et implore Winston : « Convainquez-le. Ou alors convainquez les autres ! Le mieux à faire pour sa femme est de faire venir des professionnels. Appelez la NRD s’il le faut ! Ils savent gérer les monstres. »

Winston est mon meilleur espoir. Le chef milicien semble trop perdu dans sa peur et sa colère pour se laisser convaincre, à plus forte raison par moi, une inconnue. Winston pourra sans doute lui faire entendre raison, et si ce n’est pas le cas il pourra convaincre les autres miliciens. Du moins espérons-le.


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Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
Anaïs Wilhm
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En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Jeu 23 Fév - 21:11 (#)

Anaïs illustration

Au cœur de la nuit, seulement éclairée par les phares de voitures parfois fatiguées par les années, la scène possède une ambiance des plus dérangeante. Les hommes armés vont et viennent, testent et fouillent, tandis que ceux qui se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment n’attendent qu’une chose : que tout ça soit derrière eux. Et on se demande sans doute tous la même chose. Combien de temps encore cela va-t-il durer ? Quelqu’un a-t-il appelé la police ? Quand est-ce que celle-ci va enfin montrer le bout de son gyrophare ? Je doute qu’elle puisse désormais faire quoi que ce soit avec tout ce monde qui se balade sur la scène. Quoi qu’il se soit passé ici, les chances que la vérité éclate sont minces.

Malgré mon envie de régler ça au plus vite, je n’ai aucunement l’intention d’aider cette bande de racistes intolérants. S’ils avaient appris que je n’étais pas aussi humaine que ce à quoi je ressemble, je doute qu’ils auraient eu le moindre scrupule  me faire porter le chapeau d’un crime dont personne ici n’est responsable. C’est désolant de voir ce genre de comportement. J’aurai pu aider, utiliser le sang de la victime pour essayer de déterminer certaines choses et, peut-être même, a retrouver si elle est dans les parages. Mais au vu de leur réaction, donner la moindre information de ce genre serait comme me coller une cible sur le front. Qu’ils se débrouillent, ces ignares.

Au moins, toutes les personnes présentes ne sont pas des bigots assoiffés de sang. Victoria semble bien plus humaine que tout ces types proclamant que des monstres sont responsables de tous leurs maux. Je me demande encore comment elle a fait pour me sortir de ma crise, mais je n’ai pas vraiment le temps d’y penser plus que ça. Pas quand elle me sort une bombe de cette amplitude en chuchotant.

- Heidi ?

Jeune et blonde ? Déjà que le prénom me donne suffisamment l’assurance qu’on parle bien de la même personne, la description, aussi vague soit-elle, le confirme pour de bon. Si le lien c’est fait entre mon prénom et celui d’Heidi, c’est que c’est cette dernière qui lui a parlé de moi. Mais pourquoi ? Pourquoi aurait-elle parlé de moi à cette femme ? Elle lui fait forcément confiance, et ces personnes-là sont limitées pour Heidi. Et au vu de la tenue et des manières de Victoria, je ne vois pas cinquante possibilités.

- Vous êtes sa mécène, c’est ça ?

Le monde est petit. Croiser la mécène d’Heidi au milieu de la nuit sur une route normalement peu fréquentée à cause d’un barrage improvisé de milicien, ça sort tout droit d’un scénario que je n’aurais même pas daigné lire. Ça semblait juste trop improbable.

- Elle m’a parlé de vous, mais elle est restée très vague à votre sujet. Elle disait que vous étiez du genre discrète.

Ce que j’ai toujours trouvé bizarre pour une mécène, puisqu’elle a tout à gagner à afficher son soutien à l’artiste qu’elle sponsorise et aide. Sauf si l’artiste en question était une catastrophe, mais Heidi avait son orchestre et un vrai talent, donc ça ne collait pas trop. Le nombre de questions qui se bousculent au bord de mes lèvres devient prodigieux et je me retiens de ne pas me lancer dans un interrogatoire. La situation n’est pas vraiment idéale et je ne voudrais pas me la mettre à dos. Ou Heidi, si elle l’apprend.

- Merci pour ce que vous faites pour elle. Vous l’aidez bien plus que je ne pourrai jamais le faire et…  merci, elle le mérite.

Elle mérite de voir ses rêves exister enfin, après tout ce qu’elle a vécu. Et en sachant bien que je ne pourrai jamais l’aider de la façon dont elle en a besoin, c’est rassurant de savoir que quelqu’un l’a prise sous son aile.
La voix de Wilson attire mon attention et m’empêche de vraiment entamer une conversation avec Victoria. Sans doute pour le meilleur, j’aurai eu du mal à retenir ma curiosité et il n’aurait pas été de bon ton de le faire pendant un tel moment.

- Elle s’inquiétait juste pour moi.

Si Heidi a voulu garder l’identité de sa mécène secrète et si ladite mécène a chuchoté, ce n’est sans doute pas pour rien et il vaut mieux que je ne commence pas à dévoiler ce genre de choses, même à un type visiblement sympathique comme Wilson.

- Je vais bien, vous en faites pas. J’ai l’habitude.

Ce qui n’est pas du tout rassurant à entendre et pas franchement malin de ma part d’avoir sorti quelque chose de ce genre sans réfléchir. J’ai pas spécialement envie qu’ils se mettent en tête que je suis une petite chose fragile qui panique au moindre truc.

- Désolé, les armes à feu c’est pas vraiment ma tasse de thé… ni ce genre de types.  Et vous, votre tête ?

Je les hais vraiment, ces types. Ceux qui ne savent que pointer du doigt ce qu’ils ne connaissent pas et ne souhaitent pas connaître semble être la réponse la plus évidente à leurs yeux et je doute que ça change de sitôt dans ce pays. Dieu bénisse l’Amérique, qu’ils osent dire.

Non loin, la jeune femme blonde avec un air supérieur semble s’intéresser davantage à la situation et, à portée d’oreille, je me permets d’écouter. Après tout, on est tous coincés là par leur faute, ce serait la moindre des choses de connaître la raison. Et elle fait sens, au final. Que le femme de ceux qui les dirige soit une victime potentielles explique sans mal la nervosité ambiante et le fait que la logique semble avoir largement déserté le neurone qu’ils se partagent à quinze. Et ils cherchent du sang. Dommage pour eux, j’aurai pu les aider aisément, mais je n’ai aucune envie de dévoiler quoi que ce soit à mon sujet. Me faire insulter de sorcière serait le dernier de mes soucis s’ils venaient à comprendre ce que je suis et ce que je peux faire. Et il y aurait un carnage à Mooringsport après ça…

Alors l’idée qu’ils prennent nos noms ne m’enchantent pas, mais alors pas du tout. Je n’ai aucun envie que l’un de ces types le note et se mette à fouiller. Les chances sont minces, mais avec un dossier comme le mien, le sigle « CESS » est inscrit en lettres capitales tout en haut, probablement. Et j’ai suffisamment eu de problèmes avec les milices anti-CESS pour en plus ajouter un groupe armé local à la liste. Non, vraiment, il faut qu’ils trouvent autre chose et nous laissent partir avant que la blonde ne commence à leur mettre tout un tas d’idées de ce genre en tête.

- On a tous passé le test à l’argent, vous pouvez nous laisser partir, non ?

A croire qu’ils ont oublié que personne ici n’est un « monstre » et que celui qu’il recherche est sans doute déjà loin, si tant est qu’il y ait eu un monstre pour commencer. Les lois de ce pays arrangent vraiment les pires personnes…

- Et elle a raison, appelez la police ou la NRD. Les deux même. Et laissez-les gérer ça. Eux savent ce qu’ils font.

En tout cas plus qu’une bande de locaux paniqués et armés, pour sûr.

- Il est quatre heures du matin, on est tous épuisés et franchement sur les nerfs. Appelez la police et laissez les faire leur travail !

Ça doit pouvoir les faire réagir un peu. Et c'est le cas. Juste pas de la façon dont je l'imaginais. Parce que leur chef explose littéralement, lâchant un cri de rage qui résonne dans la nuit, attirant tous les regards, hébétés, surpris, ou effrayés vers lui. J'ai pas le temps de comprendre ce qu'il lui arrive qu'il se rue vers moi et que sa large main calleuse enserre mon visage. J'entends les expressions surprises autour de moi, mais suis trop occupé à sentir ses doigts écraser mon crâne et à tenter de me débattre comme je peux face à sa poigne d'ours alors qu'il me traine plus loin pour me jeter sur le sol, son arme pointée sur moi.

- C'est toi... depuis le début t'es louche... t'es une de ces putains de sorcières ! Où est MA FEMME ?

- Chef...

- VOS GUEULES ! Dis-moi où elle est...


Un peu sonnée par le choc sur le sol, je redresse la tête pour faire face au canon de son arme alors qu'il en arme le chien. Ses yeux sont ceux d'un fou avec qu'on ne peut raisonner. Et, se superposant au son des battements de mon cœur, je peux ressentir le sang qui coule dans ses veines jusqu'au sien. SI c''est lui ou moi...

Je me choisis moi.




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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

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Mar 28 Fév - 18:22 (#)

The Hunt

Dans d’autres circonstances, Elinor aurait apprécié la conversation. Apprendre à connaître l’une des si rares personnes pouvant se vanter d’être l’amie de sa Marquée, découvrir sous quels termes cette dernière parlait de l’immortelle à autrui. Une curiosité soudaine, somme toute classique, la saisit aux premières réponses d’Anaïs, au point d’en oublier presque l’atmosphère sordide qui les cernait. Elle était sa mécène. Voilà donc le titre que sa Marquée lui attribuait auprès de ses rares amies, une astuce sur laquelle elles s’étaient en vérité toutes deux mises d’accord, et qui évitait les questionnements. Elle joua bien entendu le jeu de dupe.

Victoria hocha la tête, avec un sourire croissant. « Tout à fait, oui.»

Tout autour d’elles, toute cette démonstration de justice nocturne et nauséabonde pouvait se résumer en un seul mot : pathétique. Les hommes s’invectivaient les uns les autres, avec une camaraderie vulgaire qui heurtait sa sensibilité britannique, et interpellaient les otages, car ils l’étaient tous bel et bien, avec le tact de phacochères fouissant la boue. Elinor ne put réprimer un rictus de déplaisir. Elle se força à se concentrer sur la discussion avec la jeune femme, de crainte que son masque de Victoria ne soit troublé par des envies de meurtre. Un sourire aimable revint plisser ses lèvres, tandis qu’elle reprenait le rôle de la mécène.

« Eh bien, je suis d’avis qu’une mécène ne devrait pas tirer la couverture pour elle seule. Sans cela, l’artiste ne serait-elle pas reléguée au rang de faire-valoir ? » fit-elle pensivement sur ce même ton de confidence, avant de sourire à nouveau. « J’apprécie trop Heidi pour ça, et je suis d’accord : elle mérite mieux. »

De telles conversations étaient d’authentiques bouffées d’air frais, au milieu de cet étouffoir saturé d’odeurs de poudre, de haine et de sueurs. Elle aurait volontiers troqué le rôle de Victoria pour celui de la mécène, afin de continuer leur discussion au sein de l’habitacle climatisé et sécurisé de sa luxueuse voiture. Hélas, le démon du destin en avait décidé autrement. Elinor ouvrit la bouche pour poursuivre leur discussion, avant d’être interrompu aussi subitement que grossièrement. Voilà le benêt chevaleresque s’invitant entre elles, avec cette même indélicatesse grossière que n’aurait pas renié les autres phacochères du terroir.

À croire que cela est contagieux, pensa-t-elle en poussant un soupir agacé. Elinor toisa avec dédain le mâle manifestement pressé d’asseoir son esprit de chevalier pourfendeur des pécores, et s’apprêta à lui répondre de manière aussi méprisante que cinglante. Un art qu’elle maîtrisait à point. Son attention se porta toutefois sur la présence d’Anaïs, si bien qu’elle se ravisa au dernier moment : conserver les apparences intactes valait mieux, pour elle et pour Heidi, que la satisfaction d’humilier un imbécile indélicat.

« Malheureusement, d’autres personnes se sont hissées en haut de cette liste, » déclara-t-elle simplement, en balayant l’air d’un revers de main, comme pour chasser une mauvaise odeur.

Malheureusement, valait heureusement dans sa bouche. Car l’apparition d’un chevalier aussi massif, offrait une excellente cible qui, à défaut d’être plus éclairée que le reste du terroir, avait le mérite de lui épargner quelques efforts. Elinor abandonna la conversation au profit d’Anaïs et de son nouveau serviteur musculeux, n’écoutant que d’une oreille distraite l’écho des autres discussions, en restant muette et effacée. Partout, les hommes suant et jurant se réunissaient pour échanger sur les résultats, infructueux manifestement, des précieux tests en argent, tandis que la jeune femme blonde, bien habillée, discutait avec l’un d’entre eux.

L’intérêt d’Elinor se porta vers celle-ci. Quelque chose dans l’allure de cette femme, impérieuse et élégante, lui étant terriblement familier, comme une affiche de publicité que l’on avait souvent aperçu. Elle se mura dans un silence pensif, tout autant intéressée par les révélations du milicien, que par l’apparence familière de cette inconnue. Alors, c’est sa femme, résuma-t-elle pour elle-même, ainsi même l’amour fleurit dans la bouse, semble-t-il. Romantique. Tout du moins l’était-ce, jusqu’au moment où ladite femme reviendrait couverte de sang et d’entrailles, ses bourrelets de ménopauses et son triple menton dégoulinant de vomi.

Dieu que la mortalité est un naufrage. Elinor aurait pu en sourire, mais la Victoria de circonstance conservait un masque anxieux et sérieux, aussi factice que pratique. Et cette même Victoria mima un parfait sursaut de surprise au hurlement rageur qui éructa de la bouche du leader. Elle vit l’homme dépenaillé franchir la distance le séparant d’Anaïs, avec la rapidité conférée par la fureur, que ne lui aurait pas permis ses vieux os et ses décennies de bière. C’est avec consternation, et une certaine impuissance, que l’immortelle assista à l’assaut subite sur la jeune femme, qui fut agrippée, traînée puis propulsée au sol un peu plus loin.

Le voilà subitement en train de vociférer des accusations, nées d’un mélange de paranoïa et d’impuissance, et exhibant le sacro-saint second amendement de la constitution de ce pays de brutes. Tous les miliciens se tournèrent vers la scène, tandis que les témoins se reculaient dans une précipitation prudente et quelques exclamations d’effroi. Elinor ne fit pas un mouvement. Elle se mit à réfléchir furieusement, alors même que certains miliciens élevaient la voix, quoique timidement, pour essayer de raisonner leur vénéré chef. Ce qui s’avéra plutôt infructueux, tant celui-ci semblait avoir perdu toute lucidité.

« DIS-MOI OÙ ELLE ?! Sinon je jure devant Dieu que tu reverras pas le jour… OÙ ELLE EST, PUTAIN DE MERDE ?! »

Que faire ? Elinor calcula le pour et le contre, comme à l’accoutumée. D’un côté, elle n’avait aucun intérêt à risquer sa vie pour une quasi inconnue rencontrée à peine une minute plus tôt. De l’autre, elle aurait aimé éviter que l’amie de sa Marquée meurt lamentablement dans un fossé boueux de l’arrière-pays. Toute cette réflexion dura moins de quelques secondes, avant qu’elle n’opta pour un compromis satisfaisant, aussi bien pour Heidi que pour sa propre sécurité. Une décision, quoique épuisante, qui la vit puiser dans sa Présence encore une fois, insufflant dans ses mots ce talent obscur qui l’avait tiré de bien délicates situations.

« Attendez... » commença-t-elle d’une voix subtilement délicate, suave et mesurée, et cependant, que tous pouvaient entendre, comme si son timbre résonnait contre chaque oreille.

Aussitôt, l’attention des miliciens et des témoins les plus proches se tournèrent vers elle, alors que les yeux fous du leader oscillaient fébrilement entre la vampire et Anaïs. Elinor leva sa main droite, en montrant avec une hésitation feinte la campagne environnante, les buissons et les forêts plongés dans les ténèbres qui s’étendaient en bordure de la route brillamment éclairée. Elle reprit la parole sur un ton similaire.

« Vous n’avez rien entendu ? » Quelques murmures s’élevèrent, hésitants, pris à l’appât. « Quelqu’un a crié au loin, j’en suis certaine. »

Plusieurs têtes se tournèrent dans la direction de la forêt basse, à mesure que de plus en plus de miliciens élevaient la voix pour asseoir l’avis de la vampire. Quelques-uns hésitèrent au début, mais l’effet de foule, la rumeur galopante, et la Présence d’Elinor semèrent rapidement des graines convaincantes qui portèrent vite leurs fruits. Les miliciens s’assemblaient en petits groupes, l’attention tournée vers la forêt, échangeant à voix basse leurs avis sur le prétendu hurlement qu’ils croyaient tous avoir entendu.

On entendit leurs murmures s’élever dans l’obscurité, comme s’ils cherchaient à entendre d’autres cris. « J’ai cru entendre quelqu’un ouais, mais le chef gueulait... » « Moi j’suis sûr de l’avoir entendu, c’était par là-bas. » « Ouais moi aussi, ça peut pas être un animal, pour sûr. » « Faudrait aller voir… Chef ! » « Ouais chef, quelqu’un en plein milieu des champs comme ça, ça peut pas être normal. »

Crescendo, les voix rudes et paillardes des hommes s’élevèrent d’entre les ombres, gagnant en certitude et en intensité, tandis que leurs mains armaient leurs armes ou relevaient leurs ceinturons sous une assurance croissante. La lumière des phares illuminait les traits tiraillés de leur leader, partagé entre le doute et une fureur toujours intacte, que les invectives de ces hommes fissuraient. Il leva les yeux vers la forêt et, durant un court instant, les halos des phares firent briller la bordure de ses yeux, comme s’il pleurait.

« Ouais, ouais, c’est bon. » Le leader abaissa son pistolet, et pointa du doigt Anaïs. « Toi… Putain, tu bouges pas, que quelqu’un la surveille ! »

L’homme recula de quelques pas, en coinçant son arme à sa ceinture, au milieu des voix de ses troupes qui gagnaient toutes en intensité, selon un effet domino. On s’interpella, on se rassembla, on s’encouragea, et chacun des miliciens se remotiva face à l’espoir qu’ils avaient peut-être enfin une piste.

« Vos gueules ! Rassemblez-vous, formez une ligne, VITE PUTAIN ! Faut quelques volontaires pour rester ici, tout le reste avec moi, on la fait cette putain de battue. Grouillez-vous, faut aller voir ce que c’était ! »

Victoria ne dit rien. Elle se mit à l’écart, en souriant intérieurement.



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Lun 6 Mar - 0:26 (#)

V

La juriste autoproclamée du coin me renvoie mes propres approximations à la tête, invoquant le sacro-saint second amendement de la constitution. Celui qui permet à tous les débiles de l’arrière-pays de posséder des armes et de faire leur propre justice s’ils n’ont « pas le choix ». Une règle bien entendu bafouée et déformée sitôt que possible par les meurtriers en herbe, loin de toute justice règlementaire. En  tout cas, elle se désengage de la responsabilité de la situation, précisant qu’elle ne faisait que passer. Sans rire. Comme nous tous, quoi. Et ça, ça ne lui viendrait sans doute pas à l’idée de leur dire, à ces siphonné du cerveau. Non, elle préfère les prises d’otages, la violence, le sang. Une légiste républicaine, sans aucun doute possible. Trouver un suspect, même si ce n’est pas le bon, voilà ce qui importe. Satisfaire la soif de sang du peuple. L’existence de ce type de personnes m’écœure au plus haut point. Limite, je leur en veux plus à eux, les savants leaders, instruits et racistes malgré tout. Au moins les abrutis consanguins ont l’excuse inhérente de leur propre stupidité. De leur ignorance crasse et de leurs mœurs barbares. Mais pas elle. Pas cette pimbèche du beau monde prête à marcher sur des têtes pour se hisser plus haut que les autres. Elle doit prendre son pied, là, à défendre l’indéfendable à coups d’arguments législatifs, certes, mais corrompus.

À mon inquiétude sur ce qu’ils cherchent, le patron des débiles me rétorque agressivement qu’ils cherchent un corps, du sang, et le monstre qui a causé tout ça. Il m’accuse avec virulence de les mener vers les bois pour permettre au responsable de s’échapper. Une veine pulse sur la tempe du gueulard. Certainement pas pour abreuver ce qui lui sert de cervelle. En ne fouillant pas les alentours, c’est précisément ce qu’ils font, laisser le possible responsable se carapater. Comme si le type allait prendre sa voiture et se remettre à passer et repasser dans la circulation locale jusqu’à ce qu’on l’arrête. Avec surprise, je vois la jeune femme aux avis tranchés prendre en main la situation, une fois encore. C’est drôlement pratique de pouvoir se faire entendre de ces haineux. Encore une fois, il faut naître du bon côté de la barrière. Je me détourne d’eux pour rejoindre Anaïs et la péteuse de service. La première défend la seconde à mon arrivée, précisant qu’elle s’inquiétait juste pour elle, et me rassurant quant à son état. Elle explique son état de panique à la présence d’armes à feu et de types patibulaires et belliqueux. Je peux comprendre, oui. Je jette un regard de trêve à la protectrice inattendue : comment a-t-elle su que ça ne ferait rien à la petite ? C’était pas évident, au vu de sa réaction. Se connaissent-elles ? A-t-elle un don de prescience ? De détection du surnaturel ? Mais puisqu’elle me renvoie mes propres propos à la tête avec une amertume toute inquisitrice, je ne vais pas m’abaisser à présenter la moindre excuse pour mon jugement hâtif de sa personne et de ses intentions. Anaïs, elle, ma soigneuse altruiste, commence cependant à perdre patience, et prend à parti les ahuris, intervenant dans la discussion entre la légiste du dimanche et le chef des pantins de bouse. Elle crie à l’injustice, avance comme argument le passage au test d’argent et la nécessité pour eux de les laisser partir. Elle se fait pressante, rappelant l’heure et l’état de nerf de tout le monde. Si je n’avais pas moi-même été aussi frontal dans mon approche, et en cela je la comprends, j’aurais crié à l’erreur stratégique : ils n’ont pas l’air très réceptifs à ce genre de remarque. Et comme de bien, le gourou de secte s’emballe, s’approche un peu trop vivement de la jeune rousse et la saisit au visage brutalement. Les mots qui suivent ne sont qu’accusations haineuses et aveugles : il la traite de sorcière, la déduit responsable du sort de sa femme. Même ses hommes, cette fois, n’arrivent pas à apaiser cette subite rage. Sa femme… C’est elle la disparue, c’est à elle le sang, c’est pour ça toute cette putain de mascarade. Et là, il pète définitivement un câble. Il la pointe de son arme, menaçant. La moindre intervention risquée pourrait déclencher l’apocalypse : un meurtre gratuit. La sueur bat sur mes tempes encore sonnées du coup pris précédemment. Je ne peux pas agir, et je crache sur la situation. Je n’y vois aucune issue heureuse, là, dans l’instant…

Mais là, un miracle intervient. Un bruit, indescriptible, dans les sous-bois. Tout le monde semble l'avoir entendu, chacun se demande ce que c'est. Un truc vivant, c'est sûr : le coupable, la victime ? Un alligator de passage ? Quoiqu'il en soit, le leader rengaine son arme, déclarant enfin – ENFIN ! – l’ouverture de la battue. Il ordonne qu’on surveille de près la soigneuse émérite, séparant son groupe en deux : les batteurs, et les gardiens du troupeau d’otages rassemblés là.

Mais alors que je soupire d’aise de les voir partir, me disant qu’on va peut-être pouvoir discuter plus avant de notre départ avec les mecs qui restent, un type resté discret jusque-là s’approche nerveusement de son meneur. Et quand je dis nerveusement, c’est un euphémisme : il a l’air de se chier dessus en blocs cubiques. Il murmure un truc à l’oreille du boss, qui s’arrête subitement de marcher, se tournant lentement vers son adjoint avouant. Le cri rauque qui sort de sa gorge impose le silence à toute l’assemblée.

« QU’EST-CE QUE T’EN PUTAIN DE SAIT QU’ELLE EST MORTE ? »

Il repousse l’homme en arrière. La haine le consume, il parait totalement irraisonnable. Qu’a donc bien pu lui dire celui-là ? Le sous-fifre ne répond pas en tout cas, bégayant quelques justifications inaudibles. Il se fait repousser derechef.

« POURQUOI ÇA SERAIT PAS ELLE ? RÉPONDS ! »

Là encore, il s’embrouille, évite le contact visuel, et surtout se laisse complètement faire. Il se fait repousser encore, avec plus de virulence, et tombe à la renverse. Le vieux a complètement pété un câble. Toute la tension accumulée vient de se déchirer, inondant son esprit de rouge. Il donne un premier coup de pied sur le mec à terre. Puis un second, dans son ventre.

« PARLE, PUTAIN ! »

Un troisième, un quatrième, et l’autre ne répond toujours rien. Tout le monde regarde la scène, hagard. Personne, et surtout pas les crétins du coin, n’ose intervenir. Un coup après l’autre, il se déchaine sur le pauvre type, qui commence à cracher du sang. Ventre, visage, rien n’est épargné. La douleur est puissante, c’est évident, tant et si bien qu’il finit aussi par craquer. De désespoir, lui. Son cri n’est que panique et peine.

« C’EST MOI ! MERDE. C’ÉTAIT MOI. PITIÉ ! »

Je reste interdit. Comment ça c’était lui ? Le vioque doit bien savoir qui il est, même encoléré. Mais les coups se sont tus, et la plainte de l’homme roué de coups geignant dans la nuit précise les faits. Se aveux sont lourds, son ton blessé. Le sang et les larmes se mélangent sur son visage marqué.

« C’est moi… Je l’ai tuée. On s’aimait, boss. On… on allait se barrer. Mais au lieu de ça elle… elle a voulu tout te balancer. Putain… J’voulais pas. Putain, putain, putain ! »

Le meneur est immobile. Tendu. Si tendu qu’on pourrait le faire céder d’une simple pichenette. Mais cet immobilisme n’est qu’un calme avant l’inévitable tempête : son regard se fait meurtrier. L’amant va passer un sale quart d’heure, comme s’il n’avait pas déjà assez pris. Bordel, quelle situation de merde. Mais l’impensable se produit alors : le vieux sort son flingue et l’abaisse vers la tête du confessé. Apparemment, ici, une faute avouée n’est pas à moitié pardonnée. Par un réflexe instinctif, je me projette vers la scène, criant :

« NON ! »

Mais c’est trop tard. Un éclair, une explosion dans la nuit. Le sang éclabousse jusqu’à mon visage. Exécuté. Sans sommation. Le silence qui suit est si pesant que je me sens presque m’écrouler. De suspects d’une disparition, nous devenons témoins d’un meurtre.


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Anonymous
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Sam 11 Mar - 8:22 (#)

La tension emplissant l’air nocturne paraît poisseuse tant elle est dense. A mesure que la nuit avance, l’impatience gagne les otages et le désespoir rend les miliciens hargneux. La jeune fille semble avoir entendu notre conversation et elle s’égosille de nouveau en les enjoignant à appeler la police. Je doute qu’un énième appel au calme et à la raison soit utile. De mon point de vue, il faut réussir à changer l’avis d’un seul des leurs qui se chargera lui-même de convaincre les autres. Avec cette faune, seule la voix d’un des chien galeux de leur piteuse meute compte. Mais soudain tout bascule. Le chef improvisé de la milice branlante projette la petite sur l’asphalte sous mes yeux écarquillés de stupeur. En une seconde qui semble en durer mille, il pointe vers elle son arme dont l’ombre agressive se détache dans la pâle lumière des phares. Je plaque mes mains sur ma bouche de stupéfaction mêlée de peur. Je n’ai aucune envie de voir une jeune fille se faire abattre. Qui plus est, s’il commence à tirer sur les gens au hasard pour un oui ou pour un non, alors nous sommes tous en danger. Le temps semble figé en un instant brutal et expectatif. Un battement de cœur trop fort. Un souffle trop rapide. Et dans cet océan de d’angoisse mortel, une voix douce mais ferme s’élève et attire à elle tous les regards. En quelques mots elle note ce cri faible que l’on peut entendre au loin. Ainsi donc la victime serait toujours en vie ? La scène figée de ce théâtre macabre reprend vie et tous ceux retenant leurs souffles s’activent de nouveau, affirmant avoir entendu quelque chose. L’espoir de cette nouvelle détourne l’attention du chef de son envie d’exécution sans sommation, et déjà les miliciens s’organisent. Je prends une large inspiration, me rendant compte que j’avais retenu mon souffle face à la scène tétanisante. Mon cœur bat trop fort et la peur n’a toujours pas refluée, mais au moins le moment critique semble être passé. Hélas, un moment de crise ne vient jamais seul.

Des hurlements de colère éclatent derrière moi. Me retournant, je vois la silhouette du chef hurlant sur un homme à l’attitude semblable à celle d’un chien battu. Leurs cris captent l’attention de toutes les personnes présentes et c’est sous nos airs stupéfaits que l’homme avoue avoir assassiné l’épouse du chef. Et tout bascule.

Un coup de feu.

Trop fort, trop brutal. M’arrachant un sursaut. Brisant mes tympans. La nuit les englobe tel un linceul tant et si bien que je ne peux pas réellement distinguer les détails de la scène. Voilà qui est bien miséricordieux. Pourtant, même dans l’obscurité, nous voyons tous que la silhouette du corps affaissé est inerte, immobile. Une flaque sombre et épaisse commence à se former autour de son crâne qui ne possède déjà plus l’arrondi d’une tête humaine. Un haut le cœur me prend et je me détourne de cette image qui, je le sais, restera gravée dans ma mémoire.

Un instant s’écoule, ou peut être une éternité.
Un nouveau cri de rage déchire la nuit, traitant le tireur de fou. Un autre appelle ses camarades à lui prendre son arme. Un autre va même jusqu’à suggérer une vengeance à l’encontre du tireur. La colère des animaux blessés d’avoir perdu l’un de leur meute commence à ravager le groupe, mais d’autres voix s’élèvent pour défendre le geste du mari bafoué et endeuillé. Pour ma part, dos à la scène, incapable de soutenir cette vision grotesque, je noie mon regard dans le noir de la nuit qui a dévorée les champs. J’ignore ce qu’il va se passer à présent. Je veux m’en aller. Je ne sais même pas si je serai en état de conduire. Mon esprit n’est plus qu’habité par cette image du sang noir dégoulinant du crâne fracassé. J’avale de nouveau un haut le cœur. Je crois que je vais vomir.

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Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
Anaïs Wilhm
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A SONG OF BLOOD

En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Ven 17 Mar - 15:08 (#)

Anaïs illustration

AComment les choses avaient pu dégénérer à ce point ? On voulait tous rentrer chez nous, passer une nuit paisible. Au lieu de ça, tout était parti en vrille. Plus rien n’avait de sens et toute réflexion avait laissé place à une violence exacerbée. Assise sur le sol, les mains sur le bitume froid, je fixe le fou qui me menace pour un crime que je n’ai pas commis. Je n’écoute pas vraiment ce qu’il hurle, je me contente d’essayer de me calmer, de ne pas penser au canon pointé vers ma tête, ni à l’impuissance des gens alentours, ni au fait que mes mains tremblent violemment. J’essaie juste d’ignorer l’autre cœur que je ressens battre et sur lequel ma magie se focalise. Il suffirait d’un effort et il s’arrêterait à tout jamais. Et je deviendrai le monstre que tous clament que je suis.

Inspire, expire. Calme-toi.

Je me concentre sur mon cœur et ses battements, effaçant peu à peu ceux de l’autre illuminé. Un exercice simple à faire en condition paisible. Beaucoup moins lorsqu’un canon est pointé sur ma tête et qu’on me hurle dessus des questions dont je n’ai pas la réponse. Un sursaut après l’autre, ma magie tressaute comme si elle essayait de l’atteindre malgré tout. Il y a bien longtemps que j’ai pris le contrôle, mais c’est ce genre de moment qui me font craindre que tout bascule un jour. Et en fixant un instant le regard empli de haine qui me fait face, je crois que je comprends ce que Zach essaie de me dire depuis tout ce temps.

Même si tu veux pas en arriver là, d’autres prendront la décision à ta place. Et tu seras forcée de faire un choix. Et je préfère que tu fasses celui où tu rentres à la maison.

Le choix entre une atroce culpabilité ou la mort, voilà un choix que je n’ai pas envie de refaire. Et c’est un soulagement qui inonde mon corps tout entier lorsque l’attention se porte ailleurs, vers les champs. Un cri ? Je n’en suis pas certaine, mais si c’est le cas… Je me contente de me faire toute petite et de fermer les yeux. Inspirer, expirer, se calmer. C’est ça la priorité. Il suffit d’un peu de calme et ce sera bon. Mais c’est trop demandé que de pouvoir essayer de juguler les émotions qui se fracassent sur mon esprit comme une infinité de vagues. Les éclats de voix reprennent, mais, étrangement, ça ne me concerne pas, cette fois. J’ouvre les yeux pour observer la scène, atterrée. Que se passe-t-il, exactement ? Ils se battent entre eux.

Le coup de tonnerre qui résonne fige l’instant et le silence se fait. Je fixe sans comprendre la silhouette qui s’écrase au sol dans un bruit immonde et je fais une erreur. J’inspire. L’odeur métallique du sang emplie mes narines et mon cœur s’emballe à nouveau. Un meurtre. C’est à ça que je viens d’assister. Un meurtre causé par la folie et la rage. S’il y avait la moindre chance que les choses se passent bien, elle vient de complètement disparaître. Il ne reste plus que les cris des hommes dans la nuit rapidement étouffé par le sang qui bat à mes tempes.

Tel un automate et malgré mes membres tremblants, je me relève. Personne ne fait plus attention à moi, trop occupé à se hurler dessus entre ceux cherchant à justifier le meurtre et les autres. Est-ce que c’est vraiment l’important ? Stupidement, je jette un œil au corps et la vision de son crâne ouvert déversant un ruisseau de sang me retourne l’estomac. Je vois continuellement du sang et j’ai déjà vu des morts, mais il y avait quelque chose d’abstrait dans le fait de voir un corps allongé sur el sol, intact mais sans vie. Là, la violence suinte de la scène avec force, éclaboussant les alentours, acteurs et spectateurs. Tous témoins. Tous gênants.

Rien n’empêcherait le type de vider son chargeur sur les gens autour, non ? Il y a trop de monde. Mais certains sont prêts à le suivre dans sa folie et justifier son meurtre, alors pourquoi pas maquiller les choses. Ils sont fous, tous. Un pas en arrière et je touche le bord de la route, à quelques mètres des plans de cannes à sucre. J’évalue mes chances, mais je les imagine sans peine capable de me tirer dessus si j’essaie de m’enfuir là-dedans. S’il était seul, j’aurai pu faire quelque chose, mais avec autant d’hommes et d’armes… Ou peut-être…

Et tu seras forcée de faire un choix.

Le corps humain est une petite merveille d’évolution. J’ai passé des heures et des heures à étudier son fonctionnement, les kilomètres d’artères, veines et vaisseaux qui le parcourent et le font fonctionner dans le seul but de le soigner. Alors sentir ma magie parcourir ses mêmes vaisseaux est presque comme avoir une vision en trois dimensions de l’intérieur, c’est grisant. Le cœur est facile à repérer. Il bat si violemment grâce à la rage qui l’habite. Le ralentir de force. Ne pas aller trop loin. Entraver le mouvement du sang, contracter le muscle qui régit les battements du cœur. Je sens la sueur couler le long de ma tempe sous l’effort, mais le silence remplace bientôt les hurlements lorsque l’homme porte la main à sa poitrine. Il se plie, souffrant et j’entends les autres paniquer autour. Il suffirait d’un rien, à ce moment précis, pour que je réduise son cœur en miette.

Je relâche mon emprise d’un coup, et rétracte tout, effrayée par la sensation de puissance qui m’a envahi pendant quelques secondes et par l’idée que tuer cet homme ne demanderait qu’un peu plus d’effort. Le souffle court, j’observe l’homme au sol alors que ceux autour hurlent d’appeler une ambulance. Il ne va pas mourir, je m’en suis assuré, mais au moins a-t-il lâché son arme et la tension qui emplissait l’air s’est transformée en panique parmi les miliciens en voyant leur chef faire ce qui ressemble à un infarctus.

Je titube, prise de court par la dépense d’énergie que ce que je viens de faire a nécessité. Je n’avais jamais vraiment été jusque là avant cela. Lors de la rave party, je n’avais pas volontairement attaqué le cœur d’un homme, je m’étais contenté de contracter ses muscles pour prendre son arme. Que dirais Daphné s’il elle savait ? Je devrais lui dire dans tous les cas… Je fixe la scène en silence, n’ayant pas trop de ma paraître perturbée par ce qu’il se passe. J’étais à deux doigts d’aller trop loin. Et ça me terrifie. Ce n’est pas ça que j’essaie de faire. J’inspire longuement avant de faire un pas en avant. Je ne deviendrai pas le monstre qu’ils ont cru que j’étais. Jamais !

- Poussez-vous !

En me penchant sur cet homme à la fois victime et meurtrier, je me demande où se situe la ligne entre le bien et le mal dans cette situation. Je ne suis pas certaine qu’il y ait une vraie réponse à cette question. Ni si ce que j’ai fait est pardonnable. Il ne va pas mourir, mais l’expression de souffrance qui a crispé son visage ne quitte pas mon esprit. Et ne la quittera sans doute pas de sitôt.



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Fear is the mind killer
Elinor V. Lanuit
Elinor V. Lanuit
Fear is the mind killer
Those who are heartless once cared too much
En un mot : Humaine immortelle
Qui es-tu ? :
- Immortelle britannique du XIXème siècle, issue de la bourgeoise florissante du début de l’ère victorienne. L’élégance et le flegme de son époque vivent encore dans ses manières.
- Femme fatale au charme venimeux, calculatrice sans scrupules au besoin, elle manipule les cœurs aussi bien que les lettres et les chiffres.
- Perfectionniste à l’extrême, jadis reine stratège, elle a abandonné son clan et sa couronne pour revoir le soleil et étancher sa soif de connaissances.
- Autrefois vampire accomplie, fille des Lanuit, et éternelle solitaire, elle a renoncé à son vampirisme contre la promesse d'une éternité aux côté d'une ange.
- Humaine immortelle, initiée à l'alchimie, elle réapprend à vivre et explore les mystères du monde avec Lucie, l'avatar d'une Sainte incarnée sur Terre.

Facultés :
- Chacun de ses menus gestes contient une grâce et une sensualité étonnante, comme si son corps séculaire ne connaissait aucune autre manière de se mouvoir.
- Un rare talent pour la stratégie économique et à la tête d'une fond d'investissement douteux, elle détient une précieuse capacité à s’ancrer sans difficulté dans cette époque.
- Présence (niveau 1, palier 5). Elle a conservé un reliquat de cette discipline issue de son passé de vampire.
- Occultation (niveau 2, palier 2). De la même manière que ci-dessus, elle peut toujours se servir de cette discipline.
- Une alchimie balbutiante, que Lucie lui apprend. En retour, elle offre à l'avatar de la Sainte son amitié, et plus encore, un lien encore indéfini qu'elles partagent l'une et l'autre.

Thème : Anna Calvi : Wish
Like a mirror staring out to sea
My mind is free so please don't you stop me
No don't you stop me
I got one more wish before I die
So please don't you stop me
No don't you stop me

Pseudo : Carm'
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Double compte : Alexandra Zimmer & Inna Archos
Messages : 739
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Crédits : Lyrics: The Great Malarkey
Ven 31 Mar - 18:29 (#)

The Hunt

La lune jeta une lumière crue et froide sur la scène. Déjà, l’asphalte usé et craquelé par la chaleur de l’été absorbait les ruisselets de sang noirâtre qui charriaient des morceaux de cervelle, comme autant de petits bateaux blanchâtres. Cette forme d’œuf éclaté qui constituait un instant auparavant un crâne humain, se vidait désormais de son contenu, en fondant lentement pour former une flaque croissante. Une tâche de noirceur, où flottait le reflet circulaire de l’astre nocturne, et qui allait en s’élargissant. Beaucoup de hurlements de terreur s’ensuivirent. Des hoquets écœurés et quelques protestations d’horreur résonnèrent tout autour de la scène. Comment en était-on arrivé là, en l’espace d’un battement de cils ?

Victoria, en simple spectatrice, s’était tenue immobile tout du long. Une commode façade inquiète cachait en réalité son unique préoccupation, au moment où la violente altercation avait débuté : combien de temps cela allait-il encore durer ? Toute cette démonstration de fureur de cocu et de regrets pathétiques, n’avait en rien fait vibrer sa corde émotionnelle  ; à ses yeux, un vulgaire vaudeville éculé. Une perte de temps, voilà tout. Bien entendu, sa main s’était hissée jusque devant ses lèvres, et son regard s’était détourné du meurtre de sang froid, mais ce petit théâtre n’était que pure comédie pour une immortelle de son acabit.

Somme toute, Elinor n’était pas étrangère au meurtre. Celui-ci était un vieil ami, à ce stade de son existence. Mais la Victoria de cette nuit n’en connaissait rien, si bien qu’elle se détourna loin de la scène, marchant entre les voitures pour fouiller à l’intérieur de son sac à main. Ses doigts rencontrèrent son autre téléphone, un satellitaire, et elle hésita un instant à composer le code d’extraction d’urgence. Le moment est-il opportun… réfléchit-elle posément, en se retournant pour observer à nouveau la scène. Quoique la vampire puisse penser de cet évènement sordide, la police allait certainement boucler les alentours, et interroger chacun des témoins du crime, elle-même compris.

Un nouveau retard à venir. Une accumulation de délais, que Elinor pouvait de moins en moins se permettre à l’approche de l’aube. Toutefois, ce fut au moment où elle s’apprêtait à composer ce code, qu’une brusque plainte de souffrance détourna son attention vers la fraîche scène de crime. Là-bas, au milieu des phares, de la tâche d’hémoglobine épaisse et du regard ahuri des miliciens, le chef de ces derniers s’effondra au sol, en se tordant de douleur. Bientôt, l’amie de sa Marquée vint s’accroupir à son chevet, lui prêtant assistance dans ce qui ressemblait de loin à une quelconque attaque cardiaque. Une moue dépitée tordit les lèvres de Victoria. Les coïncidences naturelles font de très mauvais romans, jugea-t-elle en rangeant son téléphone.

Comme l’on criait à l’ambulance, que les miliciens s’éparpillaient dans le désordre, Elinor jugea le moment opportun pour pousser sa chance. Tout autour d’eux, les phares des voitures éclairaient les faciès choqués des spectateurs innocents, les traits paniqués des miliciens ; celui de Victoria affichait un air aussi contrit et neutre que la vampire pouvait arborer. Toutes ces gesticulations et atermoiements de volailles paniquées avaient le don de l’irriter, si bien qu’elle se hâta, les yeux rivés au sol, vers l’énorme poids lourd qui barrait encore la totalité de la route. Près du capot brûlant du monstre routier, deux miliciens discutaient bruyamment, leurs armes coincées dans leurs ceinturons, tandis qu’ils mimaient de grands gestes consternés en reconstituant l’incident.

« Messieurs s’il vous plaît, » les interpella-t-elle en s’approchant. « L’un de vous est-il le conducteur de ce camion ? »

Deux airs ahuris se tournèrent vers elle. Casquette élimée et t-shirt de station service les habillaient, que les lumières électriques rendaient sales en faisant ressortir toutes les tâches graisseuses. Elinor se campa ainsi devant eux, profitant de leur hébétement pour leur dicter la conduite à suivre, sans même se présenter.

« Il faut rapidement dégager la route, » enchaîna-t-elle tandis que l’un des deux miliciens répondait par l’affirmative. « Une ambulance va arriver, il faudra bien la laisser passer. Et la police également. »

Le plus ventru des deux hocha fébrilement la tête en s’adressant à son comparse. « Vrai, z’avez raison. Hé, Jay, tu peux me guider à l’arrière ? J’vais me ranger sur le côté. »

Le dénommé Jay parut sortir du sommeil. Il hoqueta un bref murmure d’acquiescement , avant de tourner les talons, tandis que son collègue se hissait à l’intérieur de la cabine du camion. À son tour, Elinor s’éloigna du poids lourd, en suivant la bande de terre herbeuse qui courait le long de la route pour rejoindre l’extrémité du bouchon, en direction de la ville. Loin de la scène du crime, les voix s’atténuaient, et l’on entendait que le moteur de l’engin et les bruits flasques des vomissures, alors que quelques témoins vidaient le contenu de leur estomac dans les buissons adjacents. L’air dans ces environs était moins pesant, et la lourdeur de la poudre, de sang et de la sueur, laissait la place à une faible brise qui apportait les senteurs des feuilles séchées et de l’herbe tendre.

Un répit bienvenu. L’odeur capiteuse de sa nourriture commençait à irriter ses sens, et Elinor vécut comme un apaisement cette brève interlude. Elle s’arrêta à côté de la dernière voiture de la file, et contempla alors la nuit qui s’étendait sur la rase campagne verdoyante, et plus loin, les forêts enveloppées de ténèbres. Au loin, les premiers échos des sirènes de police naquirent, à mesure que ses sens de vampire les percevaient. Elle jeta un coup d’œil vers le camion que les deux miliciens terminaient de déplacer sur la bordure de la route, libérant enfin le passage routier. Puis elle attendit l’arrivée des autorités.

Quelques minutes plus tard, les lumières criardes des gyrophares crevèrent l’obscurité venteuse de la rase campagne, tandis que les véhicules de police apparaissaient en file indienne. Les forces de l’ordre s’arrêtèrent en bon ordre le long de la bordure poussiéreuse de la route, laissant l’ambulance se positionner au plus près de la scène. Elinor avait patienté au même endroit, les mains croisées en évidence sur son sac à main, les lumières vives des phares baignant son visage pâle. Elle s’avança sans attendre à la rencontre des officiers de Shreveport, afin de leur montrer patte blanche, en déposant sa version des faits ; plus vite elle se montrerait coopérative avec eux, plus vite elle fermerait définitivement cette parenthèse désagréable.



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