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Sweet Home Chicago | feat. Anaïs

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Mer 21 Déc - 22:22 (#)



Sweet Home Chicago
Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



V
oilà quelques nouvelles heures de sommeil que tu dois ajouter à la longue liste de celles que tu dois rattraper. Cause : multiple. Allongée rigidement au bord de ton propre lit, les yeux tantôt clos, tantôt fixant le plafond de ta chambre, tu laisses les pensées tournoyer dans ton esprit comme autant de bourrasques pleines de poussière et de feuilles mortes, luttant férocement pour être celle qui t’accaparera le plus.
Un moment, c’est la mort de ta mère et tous les mots, prononcés ou pas, qu’elle a emporté avec elle dans la tombe ; l’instant d’après, c’est le coup que tu as pris et le viol qui allait suivre si l’autre amie d’Anaïs n’avait pas été là. Et puis cette pensée dérive à nouveau, parfois en pensant au danger que tu as fait courir à la rouquine, à ce qui s’est passé ce soir-là en rentrant chez toi, à la raison pour laquelle elle est allongée à côté de toi en ce moment. Parfois aussi à Elinor, au fait qu’elle sera forcément déçue d’apprendre les événements de la nuit, au pincement du palpitant que tu sentiras lorsque ses yeux impassibles se poseront sur ton visage désolé. Au milieu de tout ça, quelques vieux souvenirs et un lot d’angoisses existentielles.

Tu pousses un long soupir, et tu hasardes une main sur ta table de chevet pour attraper ton téléphone. Lentement, en veillant à faire le moins de bruit humainement possible, tu te tournes et allumes l’écran. Un nouveau soupir. Il est tôt, trop tôt pour commencer sa journée et pas assez pour se rendormir. Cinq heures cinquante, une heure un peu bâtarde, d’autant plus que ton réveille sonnera dans un peu moins d’une demi-heure.
Dans une longue expiration, tu fermes les yeux. Tu resquilles avec le raisonnable, flirtes avec la limite ; un tout petit peu plus longtemps et les secondes devenaient heures. Pas le choix, donc : tu te lèves et à pas de loup, sors de la pièce pour rejoindre la cuisine, téléphone à la main.
Tes mouvements sont comme dilatés dans le temps alors que tu prépares de quoi déjeuner. Tu n’as pas faim, mais peut-être qu’Anaïs voudra manger un bout. Tu te forceras quand même, parce que le trajet sera long et tu n’auras pas envie de faire d’escales inutiles. Deux jours de route pour retourner jusqu’à Chicago, les obsèques, en le trajet retour. Ce n’est pas un voyage touristique. Tu aurais très bien pu prendre l’avion, ou le train pour t’y rendre, ç’aurait été moins cher et surtout moins contraignant, mais tu vois dans ce sacerdoce une vertu cathartique. Tu n’es pas certaine qu’elle soit là, en réalité, mais tu en as envie. Le voyage doit être long si tu veux qu’il te change, si tu veux y voir un avant et un après.

Le lait était en train de frémir sous ton regard distrait lorsque tu entends du bruit derrière la porte de ta chambre. Tu lèves les yeux un instant et tu croises le regard de ton amie et camarade d’infortune lorsque celle-ci passe le pas de la porte. C’est un demi sourire teinté d’amertume que tu lui adresses dans la pénombre avant de percer délicatement le silence.

- Bien dormi ?

Elle s’est assoupie avant toi, hier soir, et tu l’as regardée quelques temps avant de toi aussi sombrer pour trois ou quatre heures.

- Je te prépare un chocolat, j’espère que ça t’ira.

Entendant la casserole s’agiter comme une réponse à ta déclaration, tu lui apportes l’attention qu’elle réclame et coupe le feu avant de verser le lait dans un mug vraisemblablement bien utilisé à l’effigie de Chet Baker.

- On en a pour deux jours de trajet pour aller jusque Chicago. Et idem pour le retour. Si tu veux toujours venir, je ferai un crochet par chez toi pour que tu puisses récupérer des affaires si ça te va ?

Elle est têtue, et tu sais déjà qu’elle ne changera pas d’avis. A ce stade, tu ne sais pas encore si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Elle t’empêchera sans doute de déclencher quelques incendies une fois de retour dans la ville des vents.



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Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
Anaïs Wilhm
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A SONG OF BLOOD

En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
Sweet Home Chicago | feat. Anaïs Homepics

Thème : Mama Cass Elliot - Make Your Own Kind Of Music
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Jeu 5 Jan - 16:18 (#)

Anaïs illustration

Une sensation d’absence. Un vide. J’ouvre les yeux, fixant l’obscurité qui m’entoure alors que ma main tâtonne le lit à l’aveugle pour n’y trouver que du vide. Il me faut un moment pour que mon esprit sorte de la brume et que je me souvienne où je suis. Le col roulé que je porte aide à faire le lien avec les événements de la veille et l’endroit où je me trouve. Chez Heidi. Son lit dans lequel j’ai dormi. Ses fringues que je porte. Je soupire en me roulant en boule et ferme les yeux. Je suis tellement fatiguée par tout que c’est presque un miracle que je parvienne à me lever le matin. Alors après une telle soirée…

La seule chose qui parvient à me tirer du lit, c’est la promesse que j’ai faite à Heidi. Que j’ai réussi à lui arracher après moult proposition têtue de ma part et refus obstiné du sien. A peu de oses près, cela ressemble à une force inarrêtable face à un objet inamovible. Qu’elle cède, c’est inattendu, mais ça montre qu’elle s’ouvre peu à peu, qu’elle se rend compte qu’elle n’est pas seule. Et que je suis aussi têtue qu’elle.

Finalement debout, je me frotte les yeux encore embués en sortant de la chambre d’Heidi, entrant dans sa cuisine où elle m’accueille avec un sourire amer auquel je répond avec un de mes crus du genre. Ouais, la soirée était de la merde, mais on est ensemble, entière, c’est déjà pas mal. Parfois j’ai envie de hurler, d’insulter le monde entier en me demandant pourquoi ce genre de choses tombe dessus sans cesse et tient tant à bousiller tout ce que j’essaie de construire. Projets, envies, relations. Tout a été impacté, d’une manière ou d’une autre, par l’aléa des catastrophes qui semblent rester dans mon sillage. Comme si j’attirais le malheur.

Je passe une main dans mes cheveux ébouriffées, avant de bailler alors qu’Heidi s’est mise en tête de me préparer le petit déjeuner. J’accueille sa question avec un hochement de tête fatiguée avant de m’adosser au comptoir, l’observant s’affairer d’une façon qui la rend captivante. Ou alors j’ai l’esprit encore endormi et ai du mal à raccrocher les wagons.

- Ça va, ton lit est confortable. Merci d’avoir été là.

Je sais que ça lui a coûté de partager son lit, son espace, avec moi. J’ai l’impression d’être la première qu’elle laisse à ce point pénétrer dans son domaine, son intimité. Et j’ai toujours peur de tout gâcher, de briser cette confiance qu’elle libère au compte-goutte. J’ai tellement l’habitude de créer des problèmes sans le vouloir…

- Chocolat c’est parfait, merci.

Et dans un mug de Chet Basket, s’il vous plaît. Je ne peux m’empêcher de sourire en voyant la représentation de l’une de ses idoles. Il faudrait que je pense à lui dégoter quelque chose de ce genre. Elle a beau détester les cadeaux, je sais qu’elle le garderait précieusement.

Et, évidemment, elle remet sur la table le trajet jusqu’à Chicago. Je mentirais si je disais que manquer des cours et un week-end avec Daphné ne m’ennuie pas. Mais il y aura d’autres week-end, je rattraperai les cours sans problèmes. Heidi a besoin de quelqu’un, qu’elle l’admette ou non. Je touille doucement ma boisson dans le mug avant d’en siroter une gorgée, frissonnant d’aise sous la sensation de la chaleur qui descend jusque dans mon ventre.

- Je viens toujours, mais oui faudrait faire un détour par chez moi, s’il te plaît.

Ça me laissera le temps de prévenir tout le monde que je vais disparaître pendant quatre jours entiers. Le genre de choses qui les ferait tous paniquer si je n’avais pas la présence d’esprit de les avertir.

- Je dois passer deux ou trois coups de fil et laisser un mot pour prévenir tout le monde. Ils me tueront à mon retour si je ne dis rien. Ça prendra pas longtemps.

Pas comme si j’allais rentrer dans les détails, c’est le genre de choses qui est compliqué à expliquer.

- Tu veux un coup de main pour préparer ton sac ?


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Jeu 12 Jan - 18:53 (#)



Sweet Home Chicago
Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



L
e temps semble passer au ralenti. Tes actions, celles d’Anaïs, vos paroles s’évaporent plus lentement en laissant dans l’air d’impalpables émanations amères. L’une comme l’autre vous savez que cette scène n’aurait jamais dû se produire. Que tout ce qui a conduit à cette matinée était injuste et malchanceux. L’univers ne connaît cependant pas la morale, et tu en es encore à te poser la question de s’il faut le haïr pour cela.
Enfin, ce n’est qu’une question parmi tant d’autres auxquelles tu n’auras sans doute jamais la réponse ; ce matin en tête de file : qu’est-ce que ça t’a fait de partager ton lit ? Ton regard s’attarde une seconde sur le visage fatigué de ton amie, sur ses lèvres roses se posant délicatement sur la céramique chaude et ses taches de rousseur s’élevant timidement sur ses pommettes.

- C’est gentil mais je vais m’en charger toute seule.

Pas que tu aies grand-chose à cacher dans ta garde-robe, mais c’est un moment d’intimité que tu réclames après un effort si important pour la partager. C’est un petit geste que tu fais pour te rattacher à la solitude aussi froide que rassurante, une ancre à un port désert.

- Je te sors mon chargeur, si tu veux pour ton téléphone. Je te laisse la cuisine pendant un moment, t’es chez toi de toutes façons ici.

Après un coup d’œil rapide, relativement, autour de toi pour t’assurer que tu n’oublies rien et que ton appartement ne va pas subitement prendre feu, tu prends la direction de la chambre. Toi aussi, il faut que tu préviennes. Tu attrapes ton téléphone encore posé sur la table de nuit et écrits un message rapide à Elinor qui ne le verra de toutes façons que ce soir : « Je m’absente 3 ou 4 jours. Je retourne chez moi enterrer ma mère. » La vraie ? L’ancienne ? Pour toi elle n’est plus que le résidu d’un rêve depuis longtemps abandonné et dont la plaie n’a pourtant pas encore réussi à cicatriser. Ce voyage, c’est l’occasion de régler cet état d’âme de manière définitive. C’est cliché de vouloir revenir différente de celle que tu étais en partant, mais est-ce pour autant mal de l’espérer aussi ? C’est bien pour le savoir que tu fais le voyage.
Et puis, tu te dresses immobile devant les portes du placard. Tu sais déjà exactement quoi mettre dans ton sac, mais pas où trouver le courage de le faire. Un peu de répit, c’est tout ce que tu aurais voulu.


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En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Ven 13 Jan - 17:24 (#)

Anaïs illustration

La chaleur bienfaisante de la tasse que je tiens entre mes mains se diffuse lentement dans tout mon corps. Je soupire doucement, appréciant la sensation qui s’en dégage. C’est futile, mais c’est le genre de petites choses qui me redonne un peu courage ou force quand j’en ai besoin. Une gorgée, et mon corps entier se réchauffe, envoyant un frisson de bien être dans chaque fibre de ma personne. C’est sans doute le meilleur moment du réveil, lorsqu’on est finalement sorti du lit alors que la chaleur et la douceur des draps nous murmurent de rester là. Le fameux « juste cinq minutes ».

Assise à la table d’Heidi, je la regarde s’éclipser dans sa chambre, comprenant fort bien qu’elle ne veuille pas de mon aide cette fois-ci. Intruse dans son intimité, je la laisse faire les choses à son rythme. Avec n’importe qui d’autre, les choses auraient été plus simples. Pas avec Heidi, pas encore. J’aimerais qu’un jour elle me parle et m’explique les raisons qui font qu’elle n’ose pas prendre la main que je lui tends. Que je comprenne pourquoi poser ma main sur son épaule quand elle en a besoin est si difficile pour elle. Je sais que si on commence à parler, on se dira beaucoup de choses. Peut-être beaucoup trop. Une part de moi en a envie. Le reste, angoissé et affolé, préfère enterrer l’idée et la mettre sous clé, trop inquiète à l’idée de sa réaction. Trop effrayée à l’idée qu’elle s’éloigne.

Je regarde mon téléphone d’un air absent. Un message de réponse de Zach au mien de cette nuit, qui expliquait où j’étais. Rien d’autre. Je soupire, la boule revenant au milieu de mon estomac. Même en sachant que je dois tirer un trait sur cette partie de ma vie, j’y arrive pas. Pas encore. Pas quand c’est si proche au point que je peux encore imaginer la chaleur qui m’enveloppait il y n’y a pas si longtemps que ça. Une fois branché, je le laisse trainer sur la table, observant le fond d’écran avec une pointe de nostalgie et une envie de remonter le temps. Peut-être que si je choisissais un chemin différent… je finis par soupirer et verrouiller l’écran. Je descends de ma chaise pour aller laver ma tasse, fixant le dehors à travers les stores qu’Heidi n’ouvre sans doute jamais. Ça m’occupe, le temps qu’Heidi se prépare. Je préfère qu’elle ne me trouve pas amorphe à sa table, les yeux fixant le vide comme ça m’arrive en ce moment.

Je finis par envoyer quelques messages aux personnes qui ont besoin d’être prévenues. Quelques-unes, au final. Vu l’heure et les connaissant, la plupart dorment encore. Je fais en sorte qu’ils sachent, qu’ils soient rassurés et que je n’ai pas besoin de répondre à trente-cinq appels durant le voyage. Ils comprendront que j’ai aussi besoin de changer d’air. J’y avais avant tout pour Heidi, mais je ne lui ai pas dit que j’en profitai aussi pour fuir la ville, fuir la réalité et plonger quelques jours dans autre chose. J’ai besoin d’une pause.

Lorsqu’Heidi sort finalement da chambre, j’ai prévenu tout le monde et je triture une mèche de cheveux qui a décidé de tomber sur mon visage. Je me fends d’un sourire qui se veut rassurant, doux. Ce voyage, même si la raison est tout sauf réjouissante, me fait envie. Je ne peu pas vraiment el lui avouer, elle pourrait mal le prendre après tout, mais je vais essayer de rendre ce passage difficile aussi agréable que possible pour elle.

- Prête ? J’ai prévenu tout le monde, me faut juste quelques affaires et ce sera bon.

Un simple sac à dos suffira. J’ai pas grand-chose à prendre, on part que quatre jours, en voyant large.

- Je vais prendre quelques trucs à boire et à manger chez moi. Je te prends quelque chose en particulier ?



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Ven 27 Jan - 14:27 (#)



Sweet Home Chicago
Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



D
evant toi, le désordre que tu avais laissé hier en fouillant pour ces vêtements que tu avais préféré enterrer sous d’autres plus convenables ; plus confortables, pour le corps comme pour l’esprit. Le manque de sommeil te fait te pincer l’arrête du nez et te frotter les yeux une seconde, et puis tu te décides enfin de trainer ta petite valise en dehors de son coin. Tu es partie avec elle, et c’est ironiquement aussi avec elle que tu reviendras.
A l’intérieur, tu y glisses en premier la robe que ta cousine t’avait fait acheter lorsque tu travaillais encore pour elle avant de la recouvrir de quelques autres vêtements de rechange. Finalement, l’intérieur de la petite malle ressemble à un enchevêtrement de tissus noirs et sans la moindre fantaisie. Un matelas neutre et que tu trouves douillet et rassurant ; pas de couleur, mais les textures tendres et familières du coton et de la soie. Tu enfermes un dernier soupir dans la valise et la refermes avec précipitation, comme si tu t’étais ressaisie spontanément. Aussitôt, tu te relèves et franchis à nouveau le pas de ta chambre, rejouant la scène d’il y a quelques minutes à l’envers.

- J’imagine que c’est bon, oui.

Le sourire de l’étudiante ne te fait pas grand-chose. Peut-être est-il trop tôt, ou peut-être est-ce que tu n’arrives pas à l’imaginer sincère, lui trouver une raison. Comment pourrait-elle être contente à cet instant ? Ton regard dérive une seconde sur ta table, puis l’évier, comprenant ce qui s’est passé en ton absence. Elle n’avait pas à le faire, mais tu lui en es reconnaissante, c’est au moins ça que tu n’auras pas à faire en rentrant.
Dehors, les premières lueurs de l’aube filtrent à travers les stores, indifférentes. Elles ne savent pas que vous vous êtes levées avant elles, et elles, supérieures, s’en fichent bien. Tu te frottes les yeux une nouvelle fois d’un revers de main.

- Si t’es prête aussi on peut y aller.

Tu connais le chemin vers chez ton amie par cœur ; évidemment, ce fut aussi chez toi il y a quelques mois de ça. Ce n’est pas la première fois que tu la déposes, ni que tu vas la chercher, mais ça n’est jamais aussi tôt. D’un mouvement de poignet, tu coupes le moteur de la voiture. A cette heure-ci, l’agitation de la nuit est finalement retombée, et la rumeur du jour ne commence qu’à peine, et il est rare de voir le quartier enveloppé dans autant de calme. Ce constat ne fait que mieux rappeler pourquoi tu détestais l’endroit, et le détestes toujours.

- Je t’attends là. Te presse pas trop non plus, on est pas à la minute près. Et on pourra faire des pauses si tu as besoin de quelque chose, t’embêtes pas à essayer de trop planifier.

Derrière elle, tu distingues les géants de béton recouverts de suie et de moisissures, et te fais la réflexion une énième fois : elle ne devrait pas vivre là-dedans.


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En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
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Mer 1 Fév - 20:29 (#)

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Il ne faut pas longtemps pour qu’Heidi me ramène au pied de mon immeuble. Elle connaît la route, à force de m’y déposer. A cette heure, l’habituelle frénésie qui est d’ordinaire toujours présente est atténuée par l’obscurité et le sommeil des habitants. Il y a moins de monde, moins de bruit, mais toujours cette odeur qui agresse les sens. J’ai fini par m’y faire, mais dès que l’occasion se présente, je me trouve un appartement ailleurs. Celui-là est devenu un foyer aimant et doux, mais c’est la seule bulle de calme dans l’océan d’emmerdes qu’est le quartier dans son ensemble. Je me tourne vers elle alors que je sors de la voiture.

- D’accord, je prendrai juste que ce que j’estime nécessaire alors.

Qui équivaut globalement à ce que j’avais en tête à la base, mais je pense qu’Heidi essaie juste de me dire de lui laisser quelques minutes de solitude. La connaissant, passer des heures enfermée dans une voiture avec quelqu’un n’est pas quelque chose qu’elle a fait souvent ou a envie de faire. Je peux bien la laisser respirer un peu, ça ne coûte rien.

Je monte les escaliers en silence avant d’entrer dans mon appartement tout aussi silencieux que le couloir. Même les deux boules de poils dorment paisiblement et je me hâte de me changer dans une tenue plus habituelle et, surtout, à ma taille. Les vêtements souillés de la veille et les prêts d’Heidi rejoignent le panier de linge à laver et je m’attelle à fouiller le frigo à la recherche de quelques trucs à grignoter pendant le trajet.

- Dure nuit ?

Je sursaute si violemment que je manque de faire tomber la bouteille d’eau que j’avais dans la main. La scène tire un rire à Zach qui est adossé au mur derrière moi, les bras croisés et un sourcil interrogateur levé.

- Va pas imaginer des trucs, j’étais avec Heidi.

Le sourcil se hausse un peu plus, le sourire s’élargit et je lève les yeux au ciel.

- Non, Zach, on a juste…

- Je sais Poussin, je te taquine juste. J’ai eu ton message, tu pars combien de temps ?

- Trois, peut-être quatre jours.

- Hmm… Tu me tiens au courant, que j’apprenne pas une mauvaise nouvelle via un coup de fil d’un flic ou un toubib, pigé ? J’appellerai la fac pour toi.

- Bien reçu, Chef ! Et merci, je te revaudrai ça.

Il m’embrasse le front en riant doucement et me laisse faire mon sac en se servant un café. Outre le change pour quelques jours et de quoi dormir sans piquer un col roulé à Heidi, j’embarque quelques fruits, barres céréales et des bouteilles d’eau pour la route en elle-même. Une fois sur place, je ne sais pas trop ce qu’elle a prévu, mais j’emporte quelques billets verts histoire qu’elle ne paye pas pour moi. Déjà que je me suis invitée, je vais pas la faire payer ma part en plus. Elle me trimballe déjà en ville d’ordinaire… J’embrasse Zach sur la joue avant de quitter l’appartement en lui promettant encore une fois d’être prudente. C’est devenu une constante dès que quitte l’appartement, maintenant. Prudence. Tout le temps.

Je rejoins Heidi un quart d’heure après avoir quitté sa voiture et, pendant un bref instant, je me suis demandée si elle n’allait pas partir sans moi. A peine la pensée est formulée dans mon esprit que je me sens coupable de simplement l’avoir envisagée. Et preuve en est, elle est toujours là, dans sa voiture. Seule. J’inspire et ouvre la portière pour me glisser sur le siège à côté d’elle, lui jetant un bref regard interrogateur.

- Je t’ai pas trop fait attendre ? T’as le bonjour de Zach au fait.

Je pose mon sac sur le siège derrière nous et attache ma ceinture.

- Quand tu es prête.


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Ven 3 Fév - 15:24 (#)



Sweet Home Chicago
Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



P
lus les secondes passent, seule à l’intérieur de la voiture, plus tu as simplement envie de repartir sans Anaïs. Elle n’était pas prévue dans l’équation lorsque tu as envisagé ce voyage à la place de simplement réserver un billet d’avion. L’objectif était de t’isoler encore plus, faire en sorte que personne ne puisse te reconnaître pendant une poignée de jours jusqu’à la cérémonie, de te retrouver seule face à tes pensées et de les combattre par toi-même pour obtenir sur elles une victoire éclatante et sans appel. Anaïs vient bouleverser tout ça. Elle ne se rend pas compte que sa présence même rongera le lustre de ton trophée comme un gaz corrosif et débilitant.
Et tu ne te rends sans doute pas compte de tout le bien qu’elle pourrait t’apporter si tu n’étais pas aussi obstinée dans l’idée que tu dois effectuer chaque pas en avant sans l’aide de personne.

Tu regroupes tes mains sur le haut du volant et poses ton front dessus une minute ou deux en fermant les yeux. Tu es fatiguée. Si fatiguée. Ce n’est pas vraiment prudent de prendre la route dans cet état, mais tu es pressée d’en finir. Tu envies le moment où tu te laisseras tomber sur le lit un peu trop mou d’un motel oubliable et celui ou tu t’endormiras devant les images colorées de dessins animés parce que tu n’auras rien trouvé de mieux à la télévision pour combler le vide.
La portière s’ouvre à nouveau, et tu relèves la tête lentement en direction de la rouquine en clignant quelques fois des yeux pour que ta vision redevienne nette. Tu fronces ensuite légèrement les sourcils en rallumant le moteur.

- Pourquoi ?

La question est sincère, tu ne connais pas cet autre locataire de l’appartement d’Anaïs. Vous ne vous êtes presque jamais adressés un regard, et peut-être encore moins la parole. Tes gammes devaient d’ailleurs sans doute le rendre fou avant que l’étudiante n’arrive chez lui, et sans doute même après. Enfin, tu hausses les épaules et remets le contact. D’un coup d’œil, tu inspectes la jauges de carburant ; l’instant d’après, vous êtes de retour sur la route en direction du Nord. Plus les mètres passent sous les pneus de ta voiture, plus la certitude grandit : quelques jours en dehors de cette ville, peu importe les raisons, te feront du bien.

- Y’a assez d’essence pour aller jusqu’à Little Rock, on aura qu’à s’arrêter là-bas pour manger aussi.

Rapidement, les géants de béton s’allongent derrière vous et cèdent leur place au paysage péri-urbain dans toute sa fadeur.

- Je t’en voudrai pas si tu dors. On a pas eu une longue nuit.


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En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Dim 5 Fév - 21:59 (#)

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En regardant Heidi, j’ai l’impression d’avoir interrompu quelque chose. De gêner. Depuis la veille, je n'y ai pas vraiment repensé, mais c’était sans doute égoïste de ma part de la forcer à accepter ma présence. Je m’inquiète pour elle, mais peut-être que la laisser faire face à ses démons aurait été plus pertinent que d’essayer de retarder l’inévitable. Une part de moi se dit qu’elle aurait simplement refusé fermement ou serait partie sans moi si vraiment elle ne voulait pas que je vienne. Mais une autre part ne peux s’empêcher d’y penser. D’imaginer qu’elle avait peur de ma réaction ou qu’elle n’osait pas dire clairement qu’elle ne voulait pas que je sois là.

Je suis encore en train d’empirer les choses en voulant l’aider.

Installée à côté d’elle, je l’observe quelques secondes avant de détourner le regard, regardant par la fenêtre les immeubles et  s qui défilent en cherchant une réponse à cette question que je n’avais pas envisagée. Elle est simple, au final.

- On passe du temps ensemble, il veut juste bien s’entendre avec les gens que je fréquente, même sans les connaître vraiment.

Et il a rien contre Heidi, il sait le bien que ça me fait d’avoir une amie en dehors de la fac et qui n’est liée à rien de magique ou surnaturel. Je me contente de hausser les épaules.

- Je parle assez de toi pour qu’il sache que je risque rien. Je pense que ça le rassure, c’est tout.

Car ça reste toujours là, cette peur que quelque chose arrive. Que la nuit me fasse disparaître soudainement ou qu’un accident se produise alors que je suis ailleurs. Que la magie fasse quelque chose. Ça ne l’a jamais vraiment quitté depuis Halloween. Rien n’a jamais été pareil.

- Oh, okay, quelques heures devant nous en somme.

Et tandis que la ville laisse place à un côté un peu plus vert que le gris du béton et de l’acier, elle revient, cette culpabilité. Je ne sais pas, et doute, même, qu’elle pensait à me faire une remarque concernant ma présence, mais le message me parvient quand même. Je hoche simplement la tête avant de la caler contre la vitre, mon regard se perdant dans le vide du ciel qui s’illumine et se pare de couleurs avec la venue du jour.

- D’accord. Tu me réveilles si tu as besoin.

Comme si j’allais fermer l’œil, de toute façon. Elle sait que je dos peu en temps normal, lui en ai parlé, de mes nuits courtes et de l’incapacité que j’ai à fermer l’œil une fois mon cerveau en marche. Je ferme les yeux pour donner le change, mais je doute qu’elle s’en aperçoive. Elle veut juste être tranquille.

- Désolée...

Après tout ce qui arrivé ces derniers temps, j’ai jamais eu l’impression d’être aussi seule et paumée depuis des années. Je pensais qu’en focalisant mon attention sur Heidi, peut-être que j’arriverais à oublier le trou que j’ai dans la poitrine et à l’aider, elle, à défaut de me sortir de mes problèmes. Visiblement , malgré les années qui passent, je continue de faire les mêmes erreurs, de fuir mes problèmes et d’ennuyer ceux qui me sont proches. Un soupire m’échappe et je serre le téléphone que j’ai gardé dans la poche.

Il reste désespérément silencieux.

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Lun 6 Fév - 22:19 (#)



Sweet Home Chicago
Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



L
e monde se divise ultimement en deux catégories : les gens que tu apprécies, et les autres. Anaïs fait partie de la première catégorie. Son colocataire bourru appartient à l’autre. Qu’est-ce que ça veut dire, s’entendre bien ? La réponse soulève bien plus de questions qu’elle n’en résout. Tu ne t’entends qu’avec les gens que tu apprécies, et réciproquement, ce qui implique que tu places ta confiance en eux. C’est un acte loin d’être anodin qui requiert une méthode et une alchimie particulière pour y arriver. S’il suffisait de te passer un bonjour par procuration, ton amitié perdrait la valeur précieuse que tu lui accordes. N’en déplaise tristement à Anaïs, tu ne t’entends pas avec ton ancien voisin et tu n'as aucune intention de le faire.

La conversation dans la voiture est réduite au minimum, tant en mots qu’en volume. Les paroles se fondent dans la musique et les bruits de la route, si bien qu’ils semblent ne pas résonner comme les autres, presque comme si on les avait imaginés. Les yeux rivés sur la grande ligne de béton qui s’étend devant vous, tu pourrais presque avoir l’impression que vous communiquez sans même parler.
Tu sais comme tu es lorsque tu es fatiguée. Exactement comme maintenant : lasse, morose. Mais toi, ce matin, tu n’as pas le choix ; Anaïs, si. Elle pourrait fermer l’œil un moment pour éviter que le manque de sommeil n’assombrisse sa journée plus que l’inévitable des souvenirs encore à vif. Elle semble accepter et comprendre, au moins un instant. Tu n’avais cependant pas vraiment entendu arriver son dernier mot, quelques centaines de mètres plus loin.
Désolée ? Tu n’en doutes pas, mais de quoi ? Tu n’as pas souvenir de l’avoir accusée de quoi que ce soit. Qu’a-t-elle pu comprendre à travers tes mots qui la pousserait à s’excuser ? Ton besoin de solitude déguisé en attention sincère et bienveillante ? S’attacher aux autres implique une complication des sentiments, une ambiguïté et une contradiction apparente dont personne ne semble parler assez.
Finalement, un sourire doux-amer se fraye un chemin sur le bout de tes lèvres laissées au naturel, en réponse à sa demande de pardon. Tu hausses doucement les épaules, et ton regard toujours braqué sur la route se teinte d’une tendresse bleue.

- C’est peut-être un peu tard pour être désolée.

Il est trop tard pour faire demi-tour, et de toutes façons tu te refuses de laisser la rouquine seule quelque part qu’elle ne connaît pas.

- Fallait y penser avant d’être têtue comme une mule.

Ton sourire se détend subtilement en même temps que ton cœur se pince à peine. Toujours à te mettre des bâtons dans les roues et te pousser à dévier de la trajectoire de tes envies. Toujours à vouloir te faire sortir de chez toi, toucher de l’herbe. T’accompagner dans les moments difficiles. Tu ne vas pas pour autant nier tes envies devant elle, pas maintenant qu’elle les a dévoilées à travers tes mots.

- Je savais à quoi m’attendre, j’aurais aussi pu le prévoir. Je prends ma part de responsabilité. Faut croire que c’est pas si grave que ça.

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Anaïs Wilhm
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En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
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Mar 7 Fév - 11:38 (#)

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Ce voyage, je pensais que c’était l’occasion pour moi de comprendre et d’en apprendre plus sur Heidi. De l’aider dans son processus d’émancipation du passé et de la voir trouver cette libération qui lui tient tant à cœur. J’avais peur pour elle, je voulais simplement être là. M’étais-je montrée si arrogante que je n’avais pas compris qu’elle n’avait pas besoin de moi ? Qu’elle s’en sortirait, que je sois là ou non. La réalité, c’était que je n’avais pas voulu comprendre. Je n’imaginais pas qu’on puisse se sortir de ses problèmes seule. Moi je n’y arrivais pas, et j’avais reporté ça sur elle alors que c’était idiot. Arrogant. J’avais placé des œillères a vu des derniers événements et je n’avais pas pensé à elle, ironiquement. Et je me sentais coupable, maintenant. Trop tard.

Le regard perdu sur le paysage qui défile à vive allure, je pince les lèvres, encaissant les premiers mots sans broncher. Elle aurait même pu être plus mauvaise que je n’aurai rien trouver à redire. Je sais qu’elle n’a pas la langue dans sa poche. Néanmoins, mon cœur se serre et je garde le regard fermement braqué ailleurs que sur elle, mal à l’aise à l’idée de percevoir colère ou lassitude dans son regard. Y voir de la déception serait sans doute pire.

Pas si grave que ça.

Malgré tout, en entendant ça, avec ce ton doux, je détache mon regard et le tourne vers elle. Je décèle le sourire qui détend ses traits et, l’espace d’un instant, son regard tendre qui croise le mien avant de revenir sur la route. J’ouvre la bouche, reste sans voix un instant avec de fixer la route devant nous, sans trop savoir quoi dire. Paradoxalement, sa réaction me fait me sentir encore plus coupable. J’ai vraiment merdé. Je me frotte les yeux en soupirant.

- J’ai vraiment pas assuré.

Meilleure amie tu parles. Je lui ai foutu la trouille de sa vie, l’ai forcé à partager son intimité en sachant qu’elle déteste qu’on s’introduise dans son espace vital et je l’accompagne dans un voyage qu’elle aurait dû faire seule pour confronter ses démons et en sortir grandie. Pourquoi je n’arrive à rien faire juste ? Pourquoi tout ce que j’essaie de faire, ça finit par être mal ?

- Fous-moi des claques la prochaine fois, ça m’évitera de faire ou dire des conneries…

En plus de me ramener au présent. Qu’est-ce qui m’a pris, exactement ? La réponse vient aussi vite que la question. J’avais juste peur de la perdre, elle aussi. Vu l’état dans lequel on était toutes les deux la veille, j’ai imaginé le pire sans prendre le temps de réfléchir à tête reposée. Résultat des courses, c’est plus par égoïsme que par altruisme que je l’accompagne, et ça fait mal de s’en rendre compte. Je pensais faire ça pour elle, mais une bonne partie de tout ça, je le fais pour moi en me cachant derrière la détresse d’Heidi pour justifier tout ça. Pitoyable.

Trop tard. Elle l’a dit elle-même. Je peux m’apitoyer sur mon sort tant que je veux, ça ne changera rien à la situation. Je suis avec elle, dans sa voiture et en route pour des heures de route. Si je veux que ce voyage lui soit utile, ce n’est pas en faisant la gueule et en assombrissant l’ambiance que ça va faire quoi que ce soit de bien.

- Merci de.. de pas trop m’en vouloir. Je suis vraiment désolée.

Inspire. Expire. Laisse le mal-être glisser dans un coin pour le ressortir plus tard. Il est clair que je vais méditer dès l’instant où on s’arrêtera un moment. J’en ai vraiment besoin.

- C’est comment Chicago ?

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Lun 13 Fév - 19:21 (#)



Sweet Home Chicago
Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



L
a rouquine a visiblement l’air de beaucoup s’en vouloir. Pourquoi cette fois plus qu’une autre ? Ce n’est pas la première fois qu’elle fait quelque chose contre ta volonté première, principalement en te tirant hors de chez toi pour prendre un coup de soleil en touchant de l’herbe. Tu as beau râler au début, tu sais que quelque part ça te fait du bien, et tu es certaine aussi qu’Anaïs le sait ; elle ne persévèrerait pas sinon. Quel est le problème alors ? La durée ? La raison ? C’est vrai que pour elle qui a de fortes valeurs familiales, elle doit avoir du mal à concevoir qu’on puisse ne pas être attristé par la mort d’une mère.
Ce que tu ressens, c’est surtout de la colère. Une rage qu’elle soit partie avant que tu aies pu lui prouver tout ce que tu avais à prouver ; une rage de devoir abandonner l’espoir d’un jour lui extorquer des excuses. L’humaine ne te manquera pas, et tu seras contente de la savoir bouffée par les vers. Et pourtant, au fond de toi, tu ressens le besoin de lui adresser un message d’adieu qu’elle n’entendra même pas. Tu veux écrire la conclusion de votre histoire, avoir raison malgré tout, à la fin, que ce soit elle qui l’admette ou toi qui le prouve.

- Crois-moi, t’as pas envie que je te mette une claque.

D’ailleurs, en en parlant, la dernière que tu as pris te lance. Sous tes cernes violettes, un cocard bleuté décore un côté de ton visage. Tu grimaces légèrement en soufflant. Il va falloir maquiller tout ça avant de te présenter à ta famille, sinon ils auront raison avant même que tu ne prononces le moindre mot.

- Je t’ai dit, sois pas désolée. Si j’avais vraiment pas eu envie que tu m’accompagnes j’aurais juste eu à partir pendant que tu récupérais tes affaires.

C’est difficile à expliquer, cette sensation de ne pas avoir envie de quelque chose qui est pourtant bon pour soi. C’est stupide, quelque part. Absurde, illogique. Humain. Longuement, tu souffles alors que sa question te laisse un moment pensive.

- Chicago c’est… j’en sais rien. Pour moi c’est une galerie de mauvais souvenirs. Je pourrais te dire qu’il fait plus froid qu’à Shreveport et qu’il y a plus de gratte-ciel mais ça tu t’en doutes déjà.

Pendant une paire de secondes, tu revisites mentalement les lieux les plus marquants de ton enfance. La maison de tes parents, les écoles par lesquelles tu es passée, les magasins dans lesquels tu avais l’habitude de voler. Un sourire bleu se dessine sur ton visage, à la fois heureuse d’être loin de tout ça et furieuse d’y être passée. Il mute pourtant en une expression un peu plus douce et tendre tandis que tu ne quittes pas la route des yeux.

- Je te ferai visiter si tu veux, on aura sans doute le temps avant de repartir. Il y a un endroit que j’aimerais te montrer.

La boutique de musique, proche de ton ancien lycée. Possiblement le souvenir le plus heureux que tu tires de cette période. Plus qu’heureux, en fait : salvateur. Ça te ferait plaisir de partager ça avec elle, de lui montrer où est née l’amie qu’elle épaule aujourd’hui.

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Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
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* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Jeu 16 Fév - 11:40 (#)

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LL’ambiance que je trouvais pesante se détend un peu après que les choses aient été mises au clair. Je ne sais pas si j’aurais supporté le voyage avec ces non-dits et cette tension qui se serait épaissie si l’abcès n’était pas crevé très vite. Les choses sont dites, je respire mieux et un léger rictus creuse les fossettes sur mes joues à sa réponse. Heidi restera Heidi.

- Vu comme ça, effectivement.

Je me serais sentie un peu nulle si j’étais redescendue pour ne plus trouver sa voiture, m’obligeant à remonter et m’inquiéter pendant les jours suivants. Elle aurait été dans son bon droit et je ne lui en aurais pas voulu. Pas vraiment. Le fait qu’elle ait posé l’option et ait décidé de m’attendre, m’apaise un peu. Je n’ai pas tout foiré, visiblement, il y a peut-être encore une chose ou deux que je peux faire bien. Je m’enfonce un peu plus dans le siège passager, détendant mes épaules trop tendues pour un voyage aussi long.

C’est en écoutant parler de Chicago, du peu qu’elle en dit, que je me rend compte du nombre de questions que j’ai encore à son sujet. Malgré le temps qu’on passe ensemble, on en a dévoilé si peu l’une à l’autre. Je ne sais presque rien de sa vie d’avant, de ce qu’elle faisait, ce qu’elle aimait faire, ce qu’elle aurait aimé faire. Je sais juste que sa famille est un ramassis d’ordures l’ayant poussé à la fuite et que ce voyage c’est son moyen de prouver qu’elle est plus que ce qu’ils pensaient. Qu’elle est meilleure. Parce qu’elle en doute encore.

- Je sais qu’on l’appelle la Cité des Vents, donc oui je m’étais fait un peu cette image-là. Gratte-ciel, du vent et du froid.

N'ayant jamais quitté la Louisiane, je peux difficilement cacher la curiosité qui émane de ma voix. Je suis une enfant de la région, j’ai toujours vécu ici, entre LaFayette et Shreveport, quittant rarement la première avant de m’installer dans la seconde sans plus vraiment mettre un pied plus loin, à l’exception de l’unique sortie à la Nouvelle-Orléans, quand j’avais 13 ans et suffisamment de mémoire pour en garder un souvenir, certes vague, mais synonyme de joie et d’une époque plus simple où tout semblait tracé. Ce qu’on peut être naïf, à 13 ans.

- Visiter ? D’accord. Tu seras ma guide.

J’essaie de ne pas paraître trop enthousiaste à l’idée. Observer des brides du passé d’Heidi m’intrigue, mais je ne veux pas qu’elle pense que c’est la raison de ma venue. Même si je ne vais pas refuser une telle offre. Et sans doute qu’elle a quelque chose en tête, je la vois mal me faire une visite touristique des points d’intérêt de la ville.

Un silence confortable s’étire délicatement durant quelques minutes, ne laissant que les bruits de la route et la musique comme fond sonore. C’est relaxant, similaire à bien des moments où, dans l’appartement d’Heidi, la musique parlait pour nous. Et, comme presque toujours, c’est moi qui le brise, parce qu’une question tourne dans mon esprit incapable de se calmer quelques instant sans une réelle méditation.

- Heidi, je voulais savoir… Pourquoi Shreveport ?

Cela fait longtemps que je me pose la question. Pourquoi venir dans cette ville en particulier, alors que tant d’autres avaient plus d’opportunités, plus de potentiels. Moins de danger. Pourquoi pas la Nouvelle-Orléans ? Berceau du Jazz qu’elle aime tant. Pourquoi Shreveport et pas ailleurs ? J’avais bien une idée, mais Heidi était humaine et le surnaturel ne semblait pas jouer un rôle dans sa vie.

- T’aurais pu aller n’importe où, pourquoi ici ?


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Ven 17 Fév - 23:08 (#)



Sweet Home Chicago
Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



C
omme un château de sable emporté par la mer, la tension s’effondre peu à peu sur elle-même, et l’atmosphère redevient une plage au sable lisse et sereinement balayé par une marée tranquille. Pas un bâtiment à l’horizon, pas une âme qui vive, seulement le vent sifflant sa mélodie contre les parois nues des falaises calcaires à la pulsation lente du va et viens des vagues. En plein cœur des routes de Louisiane fendant le bayou comme Moïse a fendu la Mer Rouge, tu te prends à rêvasser d’un coin que tu n’as jamais vu de tes yeux et qui n’existe sans doute pas, quelque part entre Liscannor et Douvres. Quelques minutes ou bien quelques heures à imaginer sentir le parfum de l’iode et le goût du sel sous le ciel gris, toi au sommet du mur de craie assise seule face à la grande Bleue sur cette herbe au vert que l’on ne retrouve nul par ailleurs ; un plaisir solitaire que tu t’accordes rarement, ces derniers temps.

Tu ne pouvais cependant pas éviter la véritable destination du voyage éternellement, et encore moins traverser l’atlantique en voiture. Les nappes blanches et immaculées se muent en trottoirs grisâtres et en murs sans âme. Le chant des macareux s’enroue pour devenir les râles disgracieux d’une foule informe. C’est une ville comme une autre, mais celle-ci c’est la tienne. Elle restera sans doute encrée dans ta peau et dans cet accent des grands lacs maintenant subtil mais qui jure toujours avec la langue des sudistes.
Il est vrai, tu envisages d’abord de ne pas répondre. Le silence vaut mieux qu’un mensonge avec Anaïs. Elle comprend ce que c’est que de ne pas avoir envie d’aborder certains sujets. Peut-être comme à chaque question qu’elle va te poser, car tu sens que tant d’autres lui brûlent les lèvres, tu souffles discrètement, comme pour évacuer les vieux réflexes invoqués par chaque interrogation de sa part.

- C’était pas longtemps après la Révélation, le monde agissait pas encore comme s’il était habitué. J’avais même pas 18 ans, moi je l’étais pas du tout en tous cas. J’entendais partout parler de magie, de créatures surnaturelles, sans jamais en avoir jamais vu de mes yeux. J’imagine que je me disais que je rejoindrais ce monde là en allant à Shreveport, et que ce serait infiniment mieux que ce que j’avais connu jusque-là.

Même si tu pouvais remonter dix ans en arrière et prévenir l’adolescente tempêtueuse que tu étais alors de ce qui allais t’attendre les premières années de ta nouvelle vie, tu ne te serais probablement même pas écoutée. Cette pensée t’arrache un fin sourire tandis que tu ne quittes pas la route des yeux. Pas la peine de préciser pour ta première morsure ; pour Elinor. Pas encore, mais peut-être bientôt.

- Et toi, t’as jamais eu envie de quitter la Louisiane ?

Tu as souvenir qu’elle t’avait confessé qu’elle n’était jamais sortie de l’état, un jour, sans vraiment bien te souvenir du contexte. Ce fait unique t’avait semblé suffisamment étrange et difficilement concevable pour le retenir particulièrement.

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Dim 19 Fév - 21:06 (#)

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C’est presque une surprise qu’elle réponde. Heidi n’a jamais été encline à parler d’elle, que ce soit de son passé ou de son présent. Et c’est une réponse qui ne me surprend qu’à moitié. C’était la réponse logique, celle qui explique sa présence dans la capitale du surnaturelle alors que des villes plus accueillantes lui auraient tendu les bras, même ici, en Louisiane.

- Je ne suis pas sûre que le monde soit déjà habitué… Mais toi, tu as trouvé ce que tu cherchais ?

Une vie meilleure, loin des ordures qui auraient dû prendre soin d’elle. Malgré ce qui m’est arrivé, je ne pense pas pouvoir comprendre pleinement ce qu’Heidi a vécu. On a atterri à Shreveport de la même façon, en fuyant un foyer qui aurait dû être le nôtre. Le mien m’a tourné le dos et faite fuir, mais pour Heidi, c’est comme si elle n’avait jamais vraiment connu la chaleur d’un chez elle, d’un endroit où elle peut se sentir bien et en sécurité. A notre rencontre, je suis persuadée qu’elle ne l’avait toujours pas trouvé, mais les choses ont changé maintenant. Je ne sais juste pas à quel point.

Je ne m’attendais pas à ce qu’elle se souvienne de ça, en revanche. J’en avais brièvement parlé, il y a un moment. Je me prends à sourire et à fixer la route devant nous avant de hausser les épaules. Pas de raison de mentir. Je n’ai jamais été de nature aventureuse, mais ma curiosité surpasse toujours ma peur de l’inconnu, à force.

- Si, souvent. Parce que je voulais découvrir autre chose, comme ce que je lisais dans des livres ou voyait sur Internet. Quand je vivais avec mes parents, mon père n’avait jamais le temps avec son travail et ma mère ne faisait rien sans lui, donc les projets de visiter la France où elle avait grandi sont restés ça. Des projets. Et depuis que je suis à Shreveport…

L’idée ne me traverse plus vraiment l’esprit, à vrai dire. Je n’ai juste pas le temps, pas l’envie. Peut-être même pas la force, certains jours. Ça viendra. Tant de choses viendront toutes seules, je ne m’en inquiète pas vraiment. Et en ce moment, voyager est le cadet de mes soucis, j’ai simplement trop de choses à faire pour prendre le temps de m’en plaindre ou même de vraiment y penser.

- Disons que j’ai autre chose en tête. Dans le futur, je sais que j’aurai à voyager, pour mon initiation et sans doute pour les études aussi. Je prends mon mal en patience. J’ai attendu près de vingt ans, je peux attendre quelques années de plus.

Et puis je regarde par la fenêtre, vois le paysage défiler et me rends compte que c’est avec elle que je vais voir autre chose pour la première fois. Autre chose que le climat de la Louisiane, que les rues de Shreveport et Lafayette et le soleil du Sud. J’aurai aimé que les circonstances soient différentes. Plus agréables et moins funestes.





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Jeu 23 Fév - 21:23 (#)



Sweet Home Chicago
Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



I
l faudrait sans dote avoir vécu plusieurs vies à suivre chaque trace et chaque indice de manifestation surnaturelle pour prétendre y être habitué, tu le conçois, mais ça n’est pas vraiment ce que tu voulais dire. Le fait est qu’aujourd’hui, plus personne ne serait aussi étonné du dévoilement d’une nouvelle espèce d’entités mystiques. Peut-être vaguement surpris de la forme qu’elle prendrait, mais il en faudrait beaucoup pour ébranler à nouveau l’opinion publique comme l’a fait la première révélation. Plus personne n’est surpris lorsqu’un nouveau projet de loi destiné à encadrer les CESS voit le jour, ni lorsqu’une vidéo mettant en scène une quelconque forme de magie devient virale. Les gens craignent ou admirent ces marginaux, parfois un mélange des deux comme c’est devenu ton cas, mais ce sentiment est bel est bien devenu quotidien et omniprésent. La société ne s’est peut-être pas encore habituée à leur présence en pleine lumière, soit-elle celle du soleil ou de la lune, mais elle s’est définitivement accoutumée à en parler.

- J’ai eu quelques expériences. Me suis rendue compte que les CESS ne valaient pas mieux que les humains. Pas moins non plus, mais pas mieux.

Dire explicitement que tu t’es acoquinée avec une immortelle n’est pas une option envisageable pour l’instant, alors à sa question, tu te contentes de rester évasive, sans pourtant lui mentir. Il suffit de regarder ce qui s’est passé hier soir pour s’en apercevoir : des humains auraient agi de la même manière que ce vampire, à la différence que tu n’aurais peut-être pas eu besoin d’aide pour t’en sortir. Ce sont seulement les rapports de force qui sont réévalués, mais les âmes gardent la même couleur que le monstre soit humain ou non.

Tu demeures ensuite silencieuse le temps qu’Anaïs réponde véritablement à ta question. Pas étonnant qu’elle aussi rêve de voyager. Tu es une très mauvaise sociologue, mais qui n’en rêve pas ? Mais elle ne mentionne rien de vraiment définitif ; pas d’aller simple sans retour. Maintenant que tu te sens lucide, tu te dis régulièrement que tu déménagerais bien ailleurs. Loin, pour recommencer une autre vie en laissant ici le fardeau de l’ancienne. Il aurait fallu y penser il y a un an, lorsque tu n’avais encore aucun attache.
Un discret sourire triste apparaît au coin de tes lèvres alors qu’elle conclut. Vous êtes différentes, elle et toi. Tu ne sauras jamais ce que c’est que d’être contraint par des études, ou ce que certains appellent un « vrai travail ». La vie d’artiste est faite d’inconnu et spontanéité, et l’attente de la bonne occasion n’en fait pas partie. Tu aimerais lui dire que patienter plus ne serait qu’un poison, mais tout comme tu n’apprécierais pas qu’elle se permette un commentaire sur ton mode de vie qu’elle ne connaît pas, tu t’abstiens.

- Je vois, visiter la France…

La seule réponse appropriée que tu trouves, dans la langue de Molière et avec ton accent encore loin d’être parfait. Un peu de frime, certes, mais tu n'as encore que très peu eu l'occasion d'afficher ton apprentissage intensif du français au cours des derniers mois. Le silence regagne l’habitacle un moment, le temps que tu repasses ses paroles au filtre de ta mémoire et de ton attention. Tu fronces subtilement les sourcils.

- Initiation ? Je te voyais pas rentrer dans une sororité. Je te pensais au-dessus de ces choses-là.

Au-dessus de la superficialité et du culte de l’apparence. Tu vois toujours en ta passagère une sorte de pureté, un modèle de sainteté que tu n’atteindras jamais mais dont tu espères que l’énergie finira par atteindre la partie de toi qui en a besoin.

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Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
Anaïs Wilhm
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En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Sam 25 Fév - 16:09 (#)

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Les sonorités de la langue maternelle de ma mère résonnent dans la voiture et un sourire étonné et ravi s’étale sur mes lèvres quand je la regarde parler ainsi. On sent l’accent qui roule sur sa langue et qui tranche un peu avec la fluidité dont j’ai l’habitude, mais il n’y a aucun doute qu’elle a appris et s’est entraînée sans relâche. La connaissant, elle a dû y passer beaucoup de temps. Peut-être même beaucoup trop.

- Ma mère en vient, ce sont aussi mes racines. Un arrêt incontournable.

Je parle souvent en français avec Lilas, qui m’a aidé à renouer avec ce que je n’entrainais plus après mon départ de chez mes parents. C’est quelque chose qui me tient à cœur, malgré l’éloignement avec ma famille. Comme si c’était quelque chose qui me restait d’eux et du passé qu’on a eu, avant que tout ne parte à vau l’eau et que chaque réunion avec eux soit teinté par les mots et les gestes qui ont amené à mon départ. Ça et les silences gênants où personne ne sait plus trop quoi dire.

- Je savais pas que tu étudiais le français. Tu te débrouilles vachement bien déjà. Ça fait longtemps ?

Pourquoi est-ce que j’ai toujours le sentiment de découvrir quelque chose concernant Heidi ? il a fallu des mois pour apprendre qu’elle détestait le café et buvait du chocolat, par exemple. Ça semble banal et basique mais ça m’a pris tellement au dépourvu quand elle l’a dit sur le ton de la conversation que je l’ai regardé bêtement comme si elle avait dit une dinguerie. Parfois il y a de ces échanges sporadiques où elle lâche une info qui me prend par surprise et me fait me dire que je ne la connais pas vraiment. Pas du tout, même.

- Une sororité ? oh, non certainement pas ! Quelle horreur.

Je ne peux pas m’empêcher de rire bêtement en imaginant la chose. Je ne suis pas hypocrite au point d’affirmer que ça ne m’arrive jamais de ne pas essayer de ne pas paraître différente parfois. D’être observée différemment. Mais là, ce serait un changement un peu trop abrupt. J’ai bien eu quelques flyers pour en rejoindre, mais l’idée n’a jamais été plus loin que ça. Comme si j’avais le temps, de toute façon…

- Je ne t’en ai pas vraiment parlé, en fait. Mais tu sais que Daphné, ma mentore, m’a aidé pour mes pouvoirs et pour que j’apprenne à les gérer. Depuis quelques mois, on a changé de direction et elle m’enseigne à suivre la même voie qu’elle, pour que je devienne chamane. Et ça nécessitera une initiation dans un cadre différent, après quelques années, d’où le voyage qui aura forcément lieu.

Je n’ai pas vraiment voulu lui cacher ce que je fais avec Daphné, mais l’occasion ne s’est jamais présentée et, à force, je me suis dit que, si elle était vraiment curieuse à ce sujet, elle m’aurait tout bêtement posé la question. Je ne sais jamais ce que je peux dire ou non concernant la magie. Pas seulement avec Heidi, mais avec ceux qui m’entourent en général. Zach ne veut pas vraiment en entendre parler là où Lilas m’encourage, au contraire. Et Heidi…

- J’ai pas... ‘fin je te le cachais pas, mais t’as jamais eu l’air spécialement intéressée par toute cette partie de ma vie, donc j’ai pas abordé le sujet. Et après le coup des bracelets, j’ai préféré faire profil bas aussi, parce que j’avais peur que ça t’effraie. Que je t’effraie.

Je n’avais pas envie d’une redite des problèmes avec Rica et toutes les confrontations que ça a engendré. Elle était jalouse et ça a fini, comme je le craignais, par créer une distance que je n’ai pas réussi à combler, peu importe à quel point j’essayais. Elle était humaine, moi pas, et aucune de nous ne pouvait y remédier comme ça, simplement en le souhaitant très fort. Je n’ai pas aussi envie de perdre Heidi s’il s’avère que, elle aussi pense qu’être une « simple humaine » est moins intéressant qu’une Eveillée. On n’a jamais vraiment abordé le sujet. Elle sait, Heidi, que je ne suis pas humaine, mais je crois que ça s’arrête là. Je ne me souviens pas de questions particulières ou quoi que ce soit qui ai pu me faire dire qu’elle était curieuse. Je m’en suis tenue à ça, et ça a fonctionné jusque-là.

- Enfin je vais pas t’ennuyer avec ça.

Je me suis déjà éloignée de trop de gens à cause de ça, j’ai pas envie de l’ajouter à la liste. Et elle a bien d'autres choses à penser en ce moment.



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Sam 25 Fév - 17:07 (#)



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ft. Anaïs



-
Q
uelques mois, à peine.

Au final, ce sont presque deux inconnues qui se rencontrent dans cette voiture. Oh, tu parles français ? Je ne savais pas que toi aussi. Tu vas devenir chamane ? C’est singulier. C’est à se demander comment vous faites pour vous entendre et vous prétendre amies. Et pourtant, tu serais prête à défendre corps et âme votre amitié. Même sans connaître les détails de la vie de chacune, il n’y a pas besoin de ça ; ce qui compte c’est la présence, savoir que l’espace que tu lui as accordé n’est occupé que par de la bienveillance. Tu connais la biographie de Chet Baker sur le bout des doigts, et pourtant tu n’iras pas l’appeler ton ami.
Tu la fais rire, aussi. De souvenir, ce n’est pas la première fois que ça arrive. Ca te fait sourire un peu, doucement, mais tu ne t’es jamais vraiment pensée drôle. Sarcastique, tranchante, oui, mais drôle jamais, et souvent tu n’es même pas certaine de pourquoi.

Anaïs avait mentionné quelques fois le nom de Daphné pour justifier ses indisponibilités certains weekends, et simplement parfois pour te raconter sa vie, mais tu n’as jamais vraiment cherché à en savoir plus à son sujet. Oh, ça n’est pas que ça ne t’intéresse pas, mais plutôt que ça t’effraie. Elle, est ta seule amie ; toi, une parmi d’autres, sans doute bien plus capables de lui donner ce qu’elle recherche. Tu te connais, et surtout tu connais tes failles : parler de ses amies, ce sera souhaiter qu’elle ne les voie plus parce tu penses qu’elle donnerait comme ça plus de valeur à votre relation. Or, tu sais qu’elle a besoin d’elles, qu’elles lui font du bien. Comment oser te revendiquer son amie si tout ce que tu désires en réalité c’est satisfaire ton égoïsme ?
Tu es jalouse. Tellement jalouse, envers toutes les personnes qui ont compté, et comptent toujours à tes yeux. Déjà, tu détestais voir Casey manger avec d’autres à l’internat, puis Elinor devoir chercher de nouveaux Calices malgré toutes les manières qu’elle a mis en œuvre pour te montrer que tu es particulière. C’est plus fort que toi, et ça te ronge de l’intérieur. Ca te bouffe comme une masse sombre  et malfaisante dont tu as plus honte encore que ta colère, puisqu’elle ne peut être justifiée.
Forcément, tu as envie de lui demander en quoi consiste le chamanisme. Tu veux être contente pour elle, puisque ça a l’air d’être cher à ses yeux, mais comment faire alors qu’existe toujours cette boule de non-dits qui étrangle cette discussion ? Un soupir. Tu veux d’abord répondre directement, pensant savoir quoi dire, mais les mots restent coincés dans ta gorge pour encore une bonne minute avant qu’elle ne se décide à laisser enfin passer quelques brins de voix bleutés.

- Ca m’effraie pas. J’ai pas peur de la magie, pas plus que d’un flingue ou une batte. C’est juste que…

Un nouveau soupir, et un air un peu plus sombre sur ton visage qui lui sait déjà ce que tu veux dire.

- Je préfère pas m’aventurer à des endroits qui sont pas bons pour moi. C’est pas que j’ai pas envie de m’y intéresser, ça va juste… me faire du mal.

Elle comprendra peut-être sans que tu en rajoutes. Tu lui as déjà avoué avoir trouvé le chemin de la Louisiane en cherchant le surnaturel. Combien de fois t’es-tu endormie avec la boule au ventre à force d’avoir désiré manifester la moindre étincelle de magie. Tu ne comptes plus les larmes versée à cause d’un espoir que tu as toujours su vain.
Plus aucun sourire sur ton visage, seulement l’amertume désolée de devoir te souvenir de cette blessure à la cicatrice incomplète. Tu déglutis, cette fois un peu difficilement.

- J’aurais tout donné, tout ce que j’avais et même plus, gamine, pour être différente. Véritablement différente, être rejetée pour une bonne raison, et pouvoir me dire que c’était parce que j’avais quelque chose qu’eux n’avaient pas. J’aurais vendu mon âme sans même l’ombre d’une hésitation. De toute ma vie, j’ai jamais autant désiré quelque chose, et ça m’aurait déchiré de devoir faire semblant d’être contente pour toi si c’était pour que la gamine au fond de moi soit morte de jalousie.

Tu ne détournes pas les yeux de la route. C’est toujours plus simple que de devoir affronter son regard maintenant. Tu sais très bien ce qu’elle pense de cela, que découvrir son pouvoir a bouleversé sa vie, et c’est bien pour cela que tu as toujours refusé d’en parler.

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En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
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Lun 27 Fév - 12:00 (#)

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Jalousie, envie. Des mots que j’aurai préféré ne pas voir se placer au milieu de l’amitié que j’ai avec Heidi. Plus elle parle et plus mes ongles s’enfoncent dans mes paumes. Plus j’en apprends et plus je regrette d’avoir abordé le sujet. Une parte de moi comprend ce besoin de différence, cette envie d’être plus que ce qu’on est censé être. Et ça fait sens. Ses paroles font sens, son besoin fait sens. Mais pas les émotions que ça crée en échange. Est-ce que j’aurai préféré qu’elle ait peur ? Certainement pas. Est-ce que je peux aller contre cette jalousie ? Non plus. Que suis-je supposée faire exactement ? J’ai pas choisi d’être une outre, pas plus qu’elle n’a choisi d’être humaine. Et elle sait, Heidi, que j’aurai tout donné, à une époque, pour être humaine à nouveau. Pour ne jamais avoir eu à vivre ce que mes pouvoirs ont fait de ma vie.

Je l’observe pendant son discours, silencieuse, incapable de prononcer le moindre mot de réconfort. On est toutes les deux victimes d’une fatalité qu’on ne pouvait pas influencer. Et si aujourd’hui j’ai fait la paix avec mes dons et ai appris à vivre avec et même à envisager l’avenir avec sérénité, je ne sais pas si c’est le cas d’Heidi. J’aurai aimé pouvoir faire quelque chose. C’était la même chose pour Rica. Mais ce n’est qu’une utopie dont je suis tout bonnement incapable. Tout ce que j’ai pu faire, c’est regarder la jalousie prendre le dessus et grignoter peu à peu l’équilibre qui s’était formé pour finalement n’en laissait qu’un ressentiment injuste et impossible à effacer et me inexorablement à une blessure qui me fait encore saigner

Est-ce que mon amitié avec Heidi est condamnée, elle aussi ? Est-ce que je vais être obligée de gagner du temps en passant sous silence un pan entier de ma vie pour finalement tout de même la perdre parce que le spectre du surnaturel aura raison de sa patience ou de la mienne. Je suis tellement las de devoir me battre pour des batailles perdues d’avance. Pourquoi ça peut pas être plus simple ?

Je finis par détourner les yeux. Est-ce que je lui en veux ? non. Pas une seule seconde. Ce n’est pas sa faute, et sûrement qu’elle préfèrerait ne pas ressentir de jalousie et être contente d’en parler même sans avoir de magie en elle. Je suis même soulagée qu’elle admette tout ça, plutôt qu’elle le rumine sans cesse et que tout cela finisse un jour par être trop à supporter. Mais je vais pas me réjouir de voir ma meilleure amie jalouser une part de moi sur laquelle je n’ai aucun contrôle, aucun choix et aucune envie à la base.

- Je comprends. C’est pas ta faute et je vais pas te blâmer pour ressentir ça. J’aurais préféré que ce soit pas le cas, mais on choisit pas ce qu’on ressent.

pas plus qu’on choisit de naître Eveillée ou non. J’essaie de ne pas soupirer, de ne pas avoir l’air trop triste ou de montrer l’étau qui m’enserre le cœur un peu plus à chaque fois que je ressasse ce qu’elle vient de dire. Je ne veux pas qu’elle s’en veuille, en plus de tout le reste.

- Je suis soulagée que t’ais pas peur de moi, parce que je saurai pas comment faire pour te rassurer. J’en parlerai plus.

Ce sera un simple retour au statu quo avec la peur constante qu’Heidi finisse par faire comme Rica. S’éloigner, sortir de ma vie et laisser un vide douloureux à la place. Une nouvelle angoisse à ajouter  la liste qui s’allonge sans jamais sembler rétrécir, ne serait-ce qu’un peu.

- Sache juste que… J’ai pas besoin que tu sois différente pour aimer passer du temps avec toi.

Une manière pas si subtile de lui dire qu’elle n’a pas à se forcer à être différente pour que je continue de la voir. Je ne sais pas si c’est la chose à dire, là maintenant, mais c’est sorti tout seul, spontanément. Et j’ai la bouche trop sèche pour ajouter quoi que ce soit, de toute façon.

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Mer 1 Mar - 16:22 (#)



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Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



T
u n’aimes pas les éveillés, ou du moins ceux qui se revendiquent de ce groupe. C’est un terme stupide. Si eux sont éveillés, alors toi tu es endormie ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’il suffirait de se réveiller pour manipuler la magie ? Que c’est à la portée de tous ceux qui veulent bien ouvrir les yeux ? C’est n’importe quoi. Certains ont un don, d’autres non. C’est binaire, et surtout immuable. Autrement, tu le saurais : tu avais tout essayé. Toutes les astuces de tous les blogs ésotériques surfant sur la vague de la révélation. Naïveté ? Non, désespoir. Tu savais très bien que la plupart ne marcheraient jamais, et tu avais raison, mais tu ne voyais pas d’autre choix que de t’accrocher à l’espoir infime qu’une vérité aurait pu se cacher entre deux incantations hasardeuses et brûlage d’herbes aléatoires.
Au final, tout ce qui en est jamais resté est un goût amer sur le bout de ta langue.

On ne choisit pas ce que l’on ressent, en effet. Si c’était le cas, on ne ressentirait plus, et on ne vivrait plus non plus. Tu as été menée à accepter tes sentiments et non plus lutter contre eux. Se battre contre ses émotions, c’est se battre contre soi-même, et tu as assez d’ennemis dans ce vaste monde pour continuer à faire de toi la première de tous. A la place, tu choisis d’ignorer ceux que tu n’as pas envie de voir, du mieux possible. A force de nier leur existence, ils finiront peut-être un jour par disparaître. C’est tout le paradoxe des pensées, puisque nier c’est déjà admettre ; l’idée vit dans la psyché, qu’on y adhère ou non, et le seul moyen de la tuer et de cesser de vouloir le faire.
C’est un processus long, incertain et difficile, mais c’est le seul qui trouve grâce aux yeux de celle que tu veux être, celle qui est fatiguée de se battre.

Anaïs essaie de te remonter le moral, on dirait. Ca ne marche pas, mais tu lui reconnais au moins son effort. C’est sans doute égoïste là encore, mais il n’était pas question d’elle, seulement de toi. Votre relation n’a aucun rôle à jouer dans ton acceptation des choses. Tu as déjà craint mille fois de perdre cette unique amie, mais pas une seule fois par la faute de ton humanité fade. Peut-être même est-ce le contraire, puisque tu devras bien un jour lui avouer que tu ne resteras pas simple mortelle éternellement, bien qu’éternelle tout de même.

Tu ne sais pas vraiment quoi lui répondre, à la fin, alors tu commences par ne simplement rien répondre. Pourtant, une fois encore, les mots de la jeune femme tournent en boucle dans ta tête, comme s’ils n’avaient pas encore délivré tout le message que tu aurais dû saisir. Quelques secondes, ou peut-être quelques minutes plus tard, tu réalises qu’elle doit être triste aussi de cette situation d’embargo que tu imposes même sans aucune volonté autoritaire. Quelle piètre amie tu fais, à te placer en priorité devant elle. Dans tes fantasmes issus de littérature pour adolescents, les amis n’étaient qu’abnégation, l’un veillant au bien-être de l’autre et réciproquement. Seulement, rares étaient les livres dans lesquels les intérêts ne convergeaient pas. C’était une image fausse, et tu t’en rends aujourd’hui compte ; à moins que ce soit votre amitié qui ne soit pas assez pure ? Voilà un sentiment de plus à se forcer de ne pas combattre.

- Je choisis pas d’être jalouse, t’as raison. Mais je choisis de rester ton amie, et c’est ça qui compte.

Si les pensées avaient valeur d’acte, tu serais déjà emprisonnée depuis longtemps, sinon entre quatre planches. L’important, c’est l’effort que l’on fait pour surpasser la pensée.

- En dépit de toutes les merdes sordides qui se passent dans ma tête, faut que tu saches que… fin… ça changera pas les choses entre nous.

Parce que sinon, plus rien n’aurait de sens. Pourquoi chercher à devenir une meilleure personne et ignorer ces idées noires et collantes comme le bitume si ça n’est pas pour veiller sur ses amis ?
Une seconde, tes yeux vert d'eau quittent la route pour chercher ceux d'Anaïs, pour espérer tuer le moindre doute concernant ta sincérité. Tu ne dirais jamais rien d'aussi difficile pour toi si ça n'était pas pleinement honnête.

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* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
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Dim 5 Mar - 17:07 (#)

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Rien ne va changer, je resterai la même. On sera toujours ensemble.

Pourquoi est-ce que ça sonne comme une redite ? J’ai cru à ses mots la première fois, peut-être par naïveté ou pas espoir que les choses seraient toujours ainsi. Que jamais on ne serait séparé par ce qui nous différencie. Jalousie, peur et envie on réduit tout ça à néant. Je ne sais même pas pourquoi j’ai été surprise. J’aurai dû voir les signes et me rendre compte que ça ne pouvait pas durer. Que ça n’allait que lentement et sûrement s’empirer pour complètement obscurcir ce qui comptait à l’origine. Je ne suis pas humaine. Et, pour la première fois depuis longtemps, j’ai haï à nouveau ce don que je n’ai pas choisi.

Mais Heidi n’est pas au courant de tout ça. Elle ne peut pas savoir que les mots, emplis de sincérité, qu’elle m’offre, j’ai du mal à ne pas les imaginer devenir obsolètes un jour ou l’autre. Elle ne peut pas imaginer que le regard qu’elle me lance me serre le cœur. Elle y croit comme une vérité immuable et je ne peux pas me résoudre à briser cet espoir et cette sincérité. Pour elle. Pour moi. J’inspire pour ne pas laisser filer une larme qui menace de m’échapper et fixe à nouveau la route lorsque son regard s’y rattache. J’ai envie d’y croire. Je ne veux plus que ce que je n’ai pas choisi dicte ma vie et me sépare de tout le monde. J’ai déjà perdu ma famille et celle que j’aimais. N’est-ce pas suffisant, comme prix à payer ?

- Ça compte pour moi…

Plus qu’elle ne l’imagine, sans doute. Je n’ai jamais vraiment partagé avec qui que ce soit la peur qui me suit partout depuis des années. L’angoisse que tout finisse par s’écrouler et que, une fois de plus, je me retrouve seule, abandonnée par tous ceux qui m’entouraient. C’est idiot, mais au-delà des insécurités qui ne m’ont jamais vraiment quitté le collège puis suite à l’apparition de mes pouvoirs, c’est celle-là qui prend le pas sur tout le reste dans les moments de faiblesse ou de doute. Et le départ de Rica n’a rien fait pour calmer cette idée, l’amplifiant même, rappelant cauchemars et angoisses à mon chevet comme s’il ne fallait que ça pour qu’ils se sentent à nouveau chez eux.

Tout ce que je peux faire, c’est me forcer à sourire et faire croire que tout va bien.

- Quoiqu’il se passe, tu pourras compter sur moi. Même si tu te mets soudainement à te couvrir de poils certaines nuits, ça changera rien.

Ça ressemble un peu à une blague, mais ce n’est pas si absurde. Peut-être a-t-elle-même considéré l’idée. Mais ce n’est pas comme si les garous étaient faciles à approcher et à rejoindre. La Meute avait en tout cas fait en sorte que ce ne soit pas le cas pour eux et je n’avais pas connaissance d’autres rassemblement du même acabit. Vivre caché, c’était plus simple pour vire en sécurité. Je ne le savais que trop bien.

- T’es importante pour moi, Heidi. J’espère que tu le sais.

Je n’ai pas beaucoup de personne que je peux qualifier d’ami, contrairement à ce qu’elle pense sans doute. Même si la relation avec Heidi est loin d’être parfaite et que je marche toujours un peu sur des œufs, essayant de naviguer entre ses insécurités, ses tabous, ses attentes et les miennes, je n’ai pas une seule fois regretté d’avoir répondu à ce message ce soir-là. Et j’espère qu’elle non plus.

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Lun 6 Mar - 22:21 (#)



Sweet Home Chicago
Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



U
ne voiture est à la fois un endroit parfait et minable pour avoir des discussions aussi sérieuses, du moins quand on conduit. Être isolées du reste du monde sans autre choix aide beaucoup à délier ta langue, mais ne pas pouvoir décrocher tes yeux de la route pour pouvoir est une malédiction. C’est une réédition moderne du mythe d’Orfée et Eurydice, si l’on aime plier et déformer les mythes anciens.
Tu aurais aimé voir que tes mots ne lui ont pas fait tout le bien que tu avais voulu leur insuffler pour pouvoir tenter d’en prononcer d’autres encore, ou répéter les mêmes jusqu’à la convaincre. Mais tu aurais aussi détesté voir que tous les efforts que tu as fournis pour les formuler ont été vains, et surtout tomber devant le constat que tu es toi-même si souvent imperméable à ce type de discours. Ca t’aurait fait mal de te rendre compte que la parole n’est pas la panacée que l’on essaye de te vendre.
Pourtant, tu sais bien que le monde est infiniment plus complexe que les mots peuvent le décrire : tu es artiste, c’est exactement ta vocation de dépasser le langage courant. Il n’existe aucun mot pour décrire avec une précision sans faille un sentiment particulier, et quand bien même ceux-ci existeraient – après tout il n’y a qu’à décider d’associer un son et quelques lettres à un instant bien personnel – rien n’est capable de transmettre son sens à la perfection. Le langage parfait n’existe pas, et c’est peut-être autant un drame qu’une idylle. L’Humain est voué à ne pas se comprendre, mais s’il se comprenait, y aurait-il toujours besoin de l’Art ? D’images ? De métaphores ? De terrains communs où se retrouver et dépasser sa condition ?

Perdue dans tes pensées, tu finis par oublier de formuler une réponse humaine à Anaïs. Tu aimerais avoir un piano ou une trompette sous les mains, n’importe quel instrument en vérité, et pouvoir lui jouer ce que tu ressens en espérant qu’elle vibre à la même pulsation que toi. C’est tout un cheminement mental qui s’opère entre tes méninges, un chemin qui se dessine à mesure que tu choisis dans quelle direction faire le prochain pas, jusqu’à finalement le retracer jusqu’au point de départ. Quoi, une dizaine de minutes plus tard, peut-être, tu te souviens enfin, sans même te rendre compte qu’elle a sans doute perdu depuis longtemps le fil de la conversation.

- Toi aussi.

***

Voyant rouge : bientôt impossible de continuer sans d’abord s’arrêter. Memphis est derrière vous depuis quelques dizaines de miles, et tu bifurques de la voie rapide pour t’engager dans le dédale géométrique d’une petite ville du pays profond à la recherche d’une station-service. Une fois trouvé une enseigne au parking quasi-vide, tu gares la voiture devant une pompe et coupes le contact après quelques secondes à te retenir de bailler en fixant le volant.
Tu te tournes ensuite vers ton amie qui se doute déjà probablement de la raison de votre escale. Un sourire fatigué au coin des lèvres, et le regard sans réelle pétillance, tu lui lances quelques mots.

- Tout ce temps pour se retrouver à Mooringsport…

Une seconde, tu lèves les yeux au ciel pour appuyer ton trait d’humour avant de conclure.

- Je vais m’occuper du plein, ça te dérange pas d’aller nous chercher de quoi pas mourir de faim ?


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Baby Chaos - Là où je passe, la paix trépasse.
Anaïs Wilhm
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A SONG OF BLOOD

En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Jeu 9 Mar - 18:49 (#)

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Toi aussi

Cette simple réponse, soufflée après un long silence à peine dérangé par les bruits de la route, est plus que suffisante. Je n’ai pas besoin de plus pour sourire un instant. Je ferme les yeux et laisse le silence prendre le pas sur la conversation. C’est souvent le cas, avec Heidi. Elle met du temps à répondre à quelque chose que j’ai dit qui la force à s’investir émotionnellement, puis le silence prend le dessus sur le reste. Je finis par somnoler contre la vitre, fixant vaguement le paysage qui défile à toute vitesse. Je me demande brièvement comment les gens faisaient avant l’invention des voitures.

Quand je sens la voiture ralentir, je cligne des yeux en baillant, observant notre route qui bifurque vers une petite ville du coin. Pendant un instant je me demande où on est, avant de comprendre que ça importe peu, finalement. Une station-service arrive en vu et j’ai la raison du changement soudain de vitesse. Je me redresse en me frottant le visage. Je ne m’étais pas rendu compte que je m’endormais alors qu’Heidi conduisait depuis je ne sais combien de temps. Au moins cinq heures, vu l’heure proche de midi.

Elle a vraiment l’air fatiguée, à fixer le volant avec la mâchoire serrée pour ne pas bailler ouvertement comme je l’ai fait juste avant. Je ne suis pas assez chiante pour le lui faire remarquer, cependant, même si l’envie ne me manque pas. Chaque fois que quelqu’un me conduit quelque part, je me dis qu’il faudrait que je passe le permis. Puis je me souviens que je n’ai pas les moyens et je me contente de remercier tout le monde et de m’excuser d’être un poids qu’on trimballe partout. Si je pouvais, j’aurais pris sa place au volant… Elle aurait sans doute refusé de toute façons, la connaissant…

- C’est… pittoresque ?

Je souris à sa remarque avant de jeter un œil aux alentours. Ça a l’air d’être un trou paumé qui ne reçoit que des visiteurs venant, comme nous, faire le plein d’essence pour reprendre la route ensuite. La boutique a l’air d’avoir connu des jours meilleurs en tout cas, tout comme les voitures garées que le côté du mur.

- Quoi ? Oh non, non, bien sûr, j’y vais !

Je quitte l’habitacle et en profite pour m’étirer en soupirant d’aise en sentant mes jambes se détendre un peu. Passer des heures assises dans une voiture, ce n’est pas quelque chose de très agréables. Heidi aurait dû faire plus de pause, je n’ose imaginer comment elle doit se sentir, là tout de suite.

La boutique en elle-même est assez typique des stations-services que l’on voit partout et je sors quelques-uns des billets que j’ai emmenés pour acheter des sandwich et de quoi boire, y ajoutant un barre de chocolat et une boisson énergisante pour Heidi. Je demande tout de même au gérant si un hôtel dans les parages est pas trop mal, mais le Louis’ Horn Hotel me fait très peu envie…

Je rejoins Heidi quelques minutes plus tard, un sac de course dans les mains et une résolution dans la tête. Je me réinstalle à côté d’elle et ouvre le sac en listant ce que j’ai pris pour elle.

- Deux sandwich et un wrap, je sais que t’as rien mangé ce matin. J’ai des fruits dans mon sac et je t’ai pris de l’eau, mais aussi une barre de chocolat et une boisson énergisante…

Je laisse la fin de ma phrase trainer en lui lançant un regard. Je ne sais pas si elle a vraiment dormi cette nuit. Je sais que moi oui, que sa présence m’a permis de chasser les cauchemars qui rôdent à nouveau quand je ferme les yeux, mais à en juger par son visage fatigué, j’ai un doute la concernant.

- Heidi… le gérant m’a parlé de quelques hôtels dans le coin et y’en a un pas loin, à un kilomètre. On peut s’y arrêter si tu en as besoin. Tu as l’air vraiment fatiguée. Je t’ai pris la boisson énergisante, mais je sais pas si c’est vraiment l’idéal… On peut au moins prendre le temps de manger avant de reprendre la route, tu crois pas ?

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Mar 16 Mai - 0:36 (#)



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Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



F
ermer les yeux et souffler. Chaque seconde de plus à te dire que tu peux les garder clos ne fera que rendre plus dur le moment où il faudra les rouvrir, mais tu n’es pas assez forte pour lutter. Momentanément, dans cette obscurité purement subjective, les images se matérialisent enfin. Les visages défilent un à un devant tes paupières et tu jurerais entendre le grain de leurs voix malgré l’absence du moindre mot. Le clic du réservoir qui refuse de se remplir plus te rappelle à la réalité et te force à rouvrir les yeux ; tu te surprends à avoir mal au ventre, tout à coup. La douleur n’a pas de visages, mais tu connais pourtant le sien : c’en est un que tu n’avais pas revu depuis peut-être dix ans. Un véritable ennemi intérieur.
Dans le monde matériel, le plein de la voiture est fait, et tu peux maintenant profiter d’une paire de minutes rien qu’à toi pour remettre tes idées en place. Tu sais qu’Anaïs te connaît maintenant. Tu sais qu’au début, elle se serait précipitée dans la boutique pour en ressortir le plus vite possible et rester avec toi ; tu sais aussi qu’aujourd’hui, elle a compris ce besoin d’intimité devenu viscéral. C’est une pensée stupide, quand on y pense, de ne pas s’autoriser une pensée sous prétexte de ne pas être seule. Ce n’est pas comme si elle risquait de s’échapper et de livrer les détails les plus secrets de ta conscience autour de toi, mais c’est une forme de pudeur. Sans doute la même chose qui nous pousse à tout de même porter des vêtements lorsqu’il fait chaud.

Appuyée contre la carrosserie de la voiture, tu constates le retour de ton amie. Cette considération extrême te fait presque sourire imperceptiblement tant tu n’aurais pas pu imaginer une attitude plus caractéristique de sa part. Anaïs est revenue avec plus de nourriture que tu n’en mangeras sans doute d’ici la fin de votre virée, et à vrai dire, la vue de nourriture solide te donne une nausée difficilement contrôlable. Oui, c’est toi qui a parlé de ne pas mourir de faim, mais c’était avant que ton estomac se noue encore plus d’une anticipation malsaine.

« Merci, » tu lui soupires sobrement en attrapant la canette de boisson énergisante. Tu préfères ne pas mentionner l’envie de vomir qui te prendrait rien qu’à envisager d’avaler quelque chose de solide à cet instant précis. « Je prendrai peut-être la barre de chocolat sur le trajet, mais oui, on peut prendre un peu de temps si tu veux. » Elle pourrait rouspéter comme elle veut, ça ne changerait rien. La caféine de la boisson fera son office, et ce sera suffisant. « Pour l’hôtel, on trouvera un truc quand on arrivera vers Saint-Louis. Je préfère dormir une nuit entière, sinon ça servira à rien. »

Un nouveau soupir t’échappe, comme si c’était l’essence même de ton être que de souffler ta surcharge d’émotions et de ressentis. Ton regard se fixe arbitrairement sur une fissure dans le bitume tandis que l’injonction tacite à rompre le silence se fait de plus en plus pressante. Une grimace, sincère, et quelques mots que tu lances en l’air comme pour toi-même vérifier s’ils sont vrais. « Je sais que je devrais pas y aller. J’ai même pas envie. Je fais pas ça pour les bonnes raisons. » Une rare fenêtre ouverte sur les mouvements de tes pensées, sur les vraies que tu veux cacher plutôt que travestir. Tu as envie de regretter, cependant. C’est un conflit féroce entre ta pudeur et ton respect pour ton amie.

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En un mot : Outre en perdition
Qui es-tu ? : *Un esprit traumatisé par la cruauté de ceux qu'elle pensait être ses camarades, à jamais marqué par l'absurdité de la violence humaine.
* Fille émancipée d'une famille humaine qu'elle a fui pour sa propre sécurité. Outre dans un monde d'humains qui ne cherchaient pas à la comprendre, juste à la plier au conformisme réconfortant de la normalité.
* Apprentie curieuse et consciencieuse de Daphné Calabrezzi. S'est lancée sur la voie du chamanisme, marchant dans les pas de sa mentore avec patience et détermination, persuadée d'avoir trouvé la voie qu'il lui fallait.
* Inscrite à la LSU, en médecine. Malgré un dossier scolaire chaotique à cause d'une année de fugue, se démène pour prouver, aux autres et à elle-même, qu'elle réussira.
Facultés : *Hémokinésie, contrôle du fluide vital
*Apprentie chamane, amie des loups et des gitans
*Etudiante en médecine, acharnée et consciencieuse, pleine de projets en tête.
*Musicienne et chanteuse amateur ne sortant jamais sans son casque. Danseuse du dimanche. Incollable sur la musique, sa passion, son refuge.
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Mer 24 Mai - 0:57 (#)

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Cette halte fait du bien. Se dégourdir les jambes, même juste un peu, est un pur bonheur et il était temps qu’on pense à se nourrir. Moi, en tout cas. Je regarde avec un mélange d’incertitude et d’inquiétude l’unique boisson qu’Heidi a pris de tout le bazar comestible que j’ai ramené. Enfournant moi-même un sandwich dans ma bouche, je l’observe, elle et sa mine fatiguée. J’aurai aimé qu’elle se repose ans un motel du coin, mais je sais que je ne la ferai pas changer d’avis. Si elle a décidé de faire le trajet ainsi, elle le fera. Je vais juste m’assurer qu’elle ne se pousse pas à bout, elle a l’air si proche d’atteindre ses limites…

- C’est toi la conductrice, tu dictes les règles.

Mais si les choses se passent mal, je prendrai les choses en main. Je préfère qu’elle rate l’enterrement mais qu’elle aille bien, même si elle m’en veut à mort pour ça. Je me doute que c’est important, vraiment très important pour elle, tout ce voyage et ce rendez-vous avec sa famille, mais pas au prix d’elle-même. Et peut-être que je me trompe simplement sur toute la ligne. Du moins c’est ce que je me dis lorsqu’Heidi brise le silence qui s’était installée. Une confession. Un aveu que je n’avais pas vu venir. Je tourne la tête vers elle et une envie de la prendre dans mes bras s’éveille. Je le pousse au loin, sachant pertinemment qu’Heidi n’aimerait pas que je fasse ça. Pas ici, pas dans ces conditions. Et certainement pas par surprise.

Je prends un instant pour finir ma bouche et fixer un point au loin. Qu’est-ce que je peux dire ? je n’ai pas l’entièreté de son histoire, seulement des brides qu’elle laisse échapper au compte-goutte lors d’un moment où elle est assez à l’aise et détendue pour en parler. Est-ce que ça importe tant que ça, les raisons qu’elle a de vouloir aller à l’enterrement de sa mère ? J’adorais mes parents et je sais que je serai effondrée s’ils venaient à mourir, malgré tout ce qui a pu se passer entre nous. Mais avec Heidi, c’est différent. Je sais qu’elle refuse de me croire quand je lui dis qu’elle est forte, mais si ce que j’imagine de son enfance est vrai, elle mérite de pouvoir outrepasser les bonnes raisons quand il s’agit de sa famille.

- Je pense que tu as gagné le droit de t’en foutre, des bonnes raisons, Heidi.

Je tourne mon regard vers elle et soupire.

- Je peux pas me mettre à ta place, j’ai pas vécu les mêmes choses que toi et on est très différentes sur plein de choses. Mais c’était ta mère. Tu as parfaitement le droit d’être là quand on l’enterre. Tu as aussi parfaitement le droit d’y aller et de tous les envoyer chier. Tout comme tu as le doit de pas vouloir y aller et de décider de faire demi-tour pour ignorer tout ça.

Personne peut décider à sa place. Personne ne devrait décider à sa place. Elle peut faire ses choix seule. J’essaie de lui faire comprendre ça et lui dire que, quoi qu’il arrive, elle n’est pas seule.

- Quoi que tu décides de faire, je serai là. Qu’on continue jusqu’à Chicago ou qu’on reparte en oubliant toute cette histoire. Demande-toi juste ce qui te fera le plus de bien, une fois tout ça derrière toi.

Je lui offre un sourire pincé, tentant de le rendre encourageant.

- C’est ça qui compte. C’est la seule raison qui doit te pousser à continuer ou non.

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Mer 24 Mai - 18:05 (#)



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Sur la route, Printemps 2021
ft. Anaïs



E
n effet, c’est toi qui dictes les règles. Enfin, à moitié tout de même. Si ça n’avait pas été pour elle, tu aurais déjà repris la route en ce moment. L’idée est de faire halte un peu passé mi-chemin, aux alentours de cinq heures de l’après-midi. Prendre une chambre dans un motel de bord de route et dormir dans un lit qui n’est pas le tien. Juste profiter du voyage en tant que tel et prendre le temps de réfléchir. Tant de choses auxquelles penser, l’introspection telle un abysse inévitable qu’il ne valait mieux pas explorer chez toi. Que tu le veuilles ou non, tu as déjà trempé les pieds dans l’eau et ce n’est qu’une question de temps avant de devoir t’y plonger en apnée.
En attendant, tu souffles longuement et silencieusement, appuyée contre la carrosserie de la voiture. Ce qui n’était qu’un ruban sans conséquence de mots en l’air se transforme en un discours de soutien de la part d’Anaïs. C’est un peu son truc à elle, les monologues inspirants. Dommage qu’ils ne marchent pas exactement comme elle l’entend. Oh, tu ne doutes pas que sur d’autres ses mots doivent avoir un impact, mais chez toi ils n’en ont aucun. Ce n’est pas pour autant que ça n’est pas efficace, simplement, tu fais beaucoup plus attention au timbre et à la mélodie de sa voix qu’au reste. Tu n’es pas bien sûre de comment elle le prendrait si tu lui disais, ce qui n’arrivera sans doute jamais de toutes façons, mais elle sonne comme le côté frais de l’oreiller, et tu apprécies ça plus que n’importe quel mot qu’elle pourrait te dire.

« Hors de question qu’on fasse demi-tour maintenant, » réponds-tu sobrement après quelques longues secondes de silence. Au loin, l’autoroute crée un bourdonnement évanescent dont tu n’es même pas sûre que ton amie l’entende aussi. Par terre, quelques parcelles de chiendent ont réussi à pousser dans les fissures du béton. La comparaison serait facile, mais tu la refuses. Tu vaux mieux que ça.
Maintenant au zénith, le soleil agresse tes yeux même de ses reflets, et tu trouves le moment judicieux pour enfiler tes lunettes teintées. Larges, elles dissimulent une partie de ton visage, et surtout ton regard. C’est pour ça que tu les as choisies. « Je me fiche pas mal de ma mère, tu sais. Elle est morte, maintenant, c’est bien sa veine. Elle aura pas à entendre ce que j’ai à lui dire. Une salope égocentrique jusqu’au bout… » finis-tu par souffler pour toi-même. « Non, j’y vais pas pour elle. J’y vais pour tous les autres. » Tu lui dois au moins ce petit bout d’explication. « J’avais promis de passer à autre chose, mais c’est plus fort que moi, cette fois. J’y vais pour me faire détester. » Quelle étrange chose à faire que sourire en prononçant ces mots-cis. C’est peut-être même cette étrangeté en elle-même qui te fait sourire.
Doucement, tu rouvres la portière conductrice et t’installes sur le siège nonchalamment. Vous pourrez repartir quand elle sera prête. Sans doute l’effet placebo, mais tu ressens le regain d’énergie promis par la canette chatoyante. Avec un peu de chance, ce sera suffisant pour faire le reste du trajet de la journée d’une seule traite.


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